Explosion des coûts de la LGV britannique HS2 : le gouvernement appelle à calmer le jeu sur les dépenses

Le gouvernement britannique a mis en garde dimanche contre les coûts exorbitants du chantier de ligne à grande vitesse HS2 et appelé à la mesure dans les dépenses. Les travaillistes craignent que les conservateurs ne tiennent pas sa promesse de moderniser les liaisons entre Londres et la nord de l'Angleterre.
Estimé à 37,5 milliards de livres en 2013, HS2 a vu son coût s'envoler depuis à une centaine de milliards (115 milliards d'euros).
Estimé à 37,5 milliards de livres en 2013, HS2 a vu son coût s'envoler depuis à une centaine de milliards (115 milliards d'euros). (Crédits : Alstom)

Pas de « chèque en blanc » pour le HS2, le chantier ferroviaire de ligne à grande vitesse destiné à rapprocher les grandes villes du nord de l'Angleterre de Londres.

Lire aussi72 milliards d'euros en 10 ans : l'incroyable dérive des coûts de la LGV britannique HS2

Le tronçon Birmingham-Manchester menacé

Le ministre de la Défense Grant Shapps va veiller à ce que les factures des travaux pour construire ce qui doit être la deuxième ligne à grande vitesse du pays - après celle qui relie la capitale au tunnel sous la Manche, n'augmentent pas « inexorablement ». Estimé à 37,5 milliards de livres en 2013, HS2 a vu son coût s'envoler depuis à une centaine de milliards (115 milliards d'euros). Déjà plusieurs fois revu à la baisse pour tenter de maintenir les coûts, le projet risque à présent selon la presse britannique de se voir amputer du tronçon Birmingham / Manchester. Même amputé, le projet pourrait tout de même coûter plus de 90 milliards de livres une fois la récente envolée de l'inflation prise en compte, a estimé cette semaine le Financial Times.

« Je dois dire qu'il serait irresponsable de simplement dépenser de l'argent, de faire comme si rien n'avait changé », a déclaré à l'émission politique dominicale de la BBC Grant Shapps, précédemment chargé des transports, évoquant l'augmentation des coûts du projet, notamment sous le coup de l'inflation liée à la guerre en Ukraine. Les vastes projets comme HS2, « qui je crois est le plus grand chantier de construction en Europe, aspirent beaucoup de cet argent », a-t-il poursuivi, « tout gouvernement doit prendre ces décisions ».

Un souci coûteux de respecter l'environnement

« C'est l'un des projets ferroviaires les plus chers du monde » au kilomètre, résume auprès de l'AFP Sam Dumitriu, responsable des politiques pour l'association pour la croissance économique Britain Remade, qui a comparé des projets d'infrastructure dans 14 pays. Les 215 kilomètres de voies entre Londres et Birmingham, premier tronçon de la ligne, coûteront 247 millions de livres (284 millions d'euros) par kilomètre, plus de huit fois plus cher que la LGV Tours-Bordeaux, entrée en service en 2017, estime par exemple l'organisation.

Pour expliquer cet écart, l'expert cite notamment les larges possibilités données aux riverains et défenseurs de l'environnement de faire des objections qui « sont souvent prises en compte », ce qui se traduit par exemple, dans le cas de la HS2, par une multiplication des tronçons en tunnels, plus onéreux. Autres explications selon lui : un manque de personnel qualifié, en raison de grands chantiers trop rares (HS2 est la première ligne construite au nord de Londres en 150 ans), ou encore des projets aux ambitions souvent pharaoniques, et donc plus chers qu'ailleurs.

« Pourquoi est-il plus coûteux de construire en Grande-Bretagne qu'en Chine ? » s'interrogeait en février Jon Thompson, président de l'entreprise publique HS2, dans une tribune dans le journal The Telegraph.  « Ici, nous ne bafouons pas l'environnement, le droit de l'urbanisme, les autorités et les populations locales », martelait-il. « Contrairement à ce qui se fait en Espagne, HS2 transportera les gens directement au cœur des centres-villes dans certaines des zones foncières et immobilières les plus chères au monde », poursuivait-il. Et contrairement à la France, « nous choisissons de creuser des tunnels plutôt que de démolir des communautés entières et des pans de campagne ».

Un reniement des promesses selon l'opposition travailliste

Au Royaume-Uni, le sujet est hautement sensible, car la réduction des ambitions de HS2 est dénoncée comme un reniement des promesses du gouvernement dans sa politique de rééquilibrage territorial au profit des régions défavorisées du nord de l'Angleterre. Et ce à quelques mois d'élections que les conservateurs, au pouvoir depuis 13 ans, abordent avec une vingtaine de points de retard dans les sondages sur l'opposition. Sur la chaîne Sky News, le maire travailliste de Manchester Andy Burnham, a estimé que les habitants du nord de l'Angleterre sont traités comme « des citoyens de seconde zone ». Si les conservateurs « laissent une situation où la moitié sud du pays est reliée par des lignes à grande vitesse et le nord de l'Angleterre reste avec des infrastructures victoriennes », a-t-il ajouté, « c'est la recette pour que la fracture nord-sud devienne un gouffre nord-sud pour le reste du siècle ».

 (Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 25/09/2023 à 11:40
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le UK est aussi endetté que la France alors qu'ils ont bien moins investi. le taux d'investissement public français a été en moyenne de 3,9% PIB par an entre 1997 et 2017 contre seulement 2,4% au UK ou 2,2% en Allemagne (Etude comparative sur l'inves...

à écrit le 25/09/2023 à 8:20
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Coquille : "que les conservateurs ne tiennent pas sa promesse de " leur promesse ?

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