Lufthansa joue les équilibristes entre capacités et rentabilité

Bien qu'en forme sur le plan financier, Lufthansa peine toujours à retrouver ses ailes d'avant la crise. Le groupe allemand est encore loin de ses concurrents dans sa remontée en puissance et va devoir rester prudent alors qu'il ne pourra plus jouer sur la hausse de ses recettes unitaires en 2024.
Léo Barnier
En 2022, Lufthansa n'avait retrouvé que 72 % de ses capacités d'avant la crise.
En 2022, Lufthansa n'avait retrouvé que 72 % de ses capacités d'avant la crise. (Crédits : KAI PFAFFENBACH)

C'est un fait, Lufthansa est en retard par rapport au reste de l'industrie. Depuis le choc de la crise sanitaire, le groupe allemand peine à remettre de la capacité en ligne et est encore loin de ses niveaux de 2019. Ce qui ne l'empêche pas d'afficher des résultats financiers record. En 2024, il va devoir jouer les équilibristes pour poursuivre sa montée en puissance cette année sans saper sa réussite économique.

Les chiffres sont parlants. En 2022, Lufthansa n'avait retrouvé que 72 % de ses capacités d'avant la crise - calculées en sièges au kilomètre offerts (SKO). Malgré un bond significatif l'an dernier, le groupe plafonnait à 84 %. La compagnie Lufthansa seule est même en dessous de ce seuil, tandis qu'Austrian Airlines, Swiss, Brussels Airlines et Eurowings sont au-dessus. Pour 2024, Carsten Spohr, directeur général du groupe, vise une moyenne de 94 % avec une réduction des écarts. Mais si la trajectoire est bien ascendante, elle souffre de la comparaison avec la compétition.

C'est le cas avec les compagnies nord-américaines : portées par le dynamisme de leur marché intérieur, elles ont rapidement retrouvé de l'envergure avant de dépasser leur niveau d'avant crise dès 2023 selon les statistiques de l'Association internationale du transport aérien. Les compagnies européennes n'en sont pas encore là, mais le niveau moyen sur le Vieux continent est tout de même de 96 %.

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Loin derrière Air France-KLM et IAG

Pour ne prendre que les concurrents directs et comparables de Lufthansa, Air France-KLM a redémarré plus vite et possède quelques longueurs d'avance. Le groupe français était à 93 % de son niveau d'avant crise en 2023 et devrait tutoyer son niveau d'avant crise cette année. IAG est encore un cran au-dessus avec 96 % l'an dernier et l'objectif d'effacer complètement l'impact du Covid cette année. Lufthansa, qui dominait ses concurrents européens par sa force de frappe, est donc distancée tant en pourcentages qu'en nombre absolu de sièges au kilomètre offerts. Et cela n'est même pas rattrapé par un taux de remplissage plus élevé, le groupe allemand étant près de 3 points en dessous d'Air France-KLM et IAG.

Et, selon les propres données du groupe allemand, ce retard va rester prégnant sur tous les marchés, mis à part l'Afrique où il devrait faire mieux qu'avant le Covid en 2024. Il se retrouvera ainsi encore sur les marchés ultra-stratégiques de l'Atlantique Nord et de l'Asie-Pacifique, ainsi que l'Amérique du Sud de façon encore plus marquée. Lors de la présentation des résultats ce jeudi, Carsten Spohr a eu beau vanter la diversité et l'étendue du réseau de son groupe, les chiffres ne lui sont clairement pas favorables.

Le dirigeant est pourtant bien conscient du problème, qu'il n'hésite pas à mettre en avant depuis le début de la reprise. Il pointe ainsi des goulots d'étranglement persistants, venant notamment de l'industrie avec les retards dans les livraisons de nouveaux avions - Lufthansa en attend plus de trente cette année - ainsi que de pièces détachées pour la maintenance. Il subit aussi de plein fouet les problèmes de durabilité des moteurs, notamment les PW1500G de Pratt & Whitney qui équipe ses Airbus de la famille A320 NEO. Carsten Spohr mentionne également les temps de formation de nouveaux équipages et les difficultés de recrutement au sein de l'écosystème aérien.

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Forte rentabilité malgré tout

Pourtant, Lufthansa s'en sort bien et même très bien financièrement. Avec 2,7 milliards de résultat opérationnel ajusté (Ebit, bénéfice avant intérêt et impôts, retranché d'éléments exceptionnels) et 7,6 % de marge, le groupe a réalisé le troisième meilleur exercice de son histoire. Il le doit notamment à une demande dynamique associée à une gestion fine de la tarification. Son revenu unitaire largement plus élevé que celui de ses concurrents : chaque siège mis en ligne lui rapporte environ 1,5 euro de plus qu'Air France-KLM ou IAG. A cela s'ajoute une forte discipline pour limiter la hausse des coûts.

Lufthansa devance largement son concurrent français, plombé qui plus est par un quatrième trimestre difficile et les difficultés de Transavia à passer dans le vert. En revanche, il subit la loi d'IAG qui a profité à plein de la croissance de son offre.

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Pour 2024, Lufthansa va donc devoir être prudent pour ne pas voir ses coûts unitaires s'envoler plus vite que ses recettes. Le directeur financier, Remco Steenbergen, se montre déjà confiant sur le fait que la demande reste forte et estime qu'il n'y a « pas de raison de croire que la tendance positive va s'arrêter ». Sur les trois mois à venir, le niveau de réservation croît pour l'instant plus vite que la capacité.

Cela devrait lui permettre de conserver un niveau de prix élevé comme en 2023, mais pas davantage. Selon le directeur financier, les recettes unitaires devraient être « stables ou légèrement inférieures à celles de l'année précédente », d'autant que le début d'année est perturbé par les grèves de personnels en Allemagne.

Gare aux coûts

Une situation qui oblige Lufthansa à garder une discipline budgétaire stricte et à ne pas chercher à remettre de la capacité à tout prix. Remco Steenbergen compte sur un « meilleur effet de levier sur les coûts » avec la hausse de l'offre mais reste prudent. L'objectif est ainsi de garder un coût unitaire stable par rapport à 2023.

Si Lufthansa tient cet objectif, cela devrait lui permettre de continuer à générer du cash, avec un objectif d'Ebit ajusté égalant sa performance de 2023 et un flux de trésorerie disponible d'au moins 1,5 milliard d'euros. Ce qui serait un peu moins que les 1,85 milliard d'euros de 2023.

Léo Barnier

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