Ouverture à la concurrence : la SNCF commence à s’y faire

Trenitalia, Railcoop, Transdev... ils auront essuyé les plâtres de l'ouverture à la concurrence du ferroviaire français. Les finitions ne sont pas faites, l'organisation et les règles de vie commune doivent encore être adaptées, mais l'emménagement a pu commencé. Et les relations avec la SNCF, ancien seul résident désormais contraint à la cohabitation, semblent s'améliorer.
Léo Barnier
L'arrivée de Trenitalia a permis de générer du trafic supplémentaire entre Paris et Lyon.
L'arrivée de Trenitalia a permis de générer du trafic supplémentaire entre Paris et Lyon. (Crédits : Ferrovie dello Stato Italiane)

La relance par l'Etat de l'ouverture à la concurrence sur les lignes Intercités Nantes-Lyon et Nantes-Bordeaux intervient dans un environnement culturel nouveau dans le secteur ferroviaire, en passe de s'imposer progressivement. Après avoir été un acteur monopolistique sur le ferroviaire français, le groupe SNCF joue de plus en plus le jeu de la concurrence à travers ces différentes entités. L'attitude a évolué du côté de l'opérateur historique à en croire les témoignages des concurrents (tenus lors d'une table ronde organisée par le distributeur Trainline), dont certains dénonçaient des blocages il y a quelques mois encore. L'introduction sur le marché français reste néanmoins complexe avec des freins structurels toujours présents avec des procédures encore en construction.

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Ce changement de paradigme a été très clairement exprimé par Olivier Salesse, directeur de la régulation pour le transport ferroviaire au sein de l'Autorité de régulation des transports (ART) : « Il faut que tout le monde puisse bénéficier des mêmes conditions tarifaires et techniques d'accès aux différentes infrastructures et installations de service. Cela vient. Ce qui a évolué, c'est qu'aujourd'hui tous les acteurs du groupe SNCF jouent plutôt le jeu. Nous ne sommes pas dans des guerres ou des oppositions. Nous sommes en revanche dans des changements de mentalité avec des questions qui ne s'étaient jamais posées jusqu'à présent et qui nécessitent de trouver des réponses concrètes qui garantissent la transparence et l'équité d'accès pour tous. Une déclaration loin d'être anecdotique au vu des prises de positions de l'ART pour dénoncer les freins persistants à la concurrence dans le ferroviaire.

Olivier Salesse estime que les contentieux qui ont eu lieu ces dernières années vont contribuer à la normalisation des relations, comme cela a pu être le cas avec Orange et les autres opérateurs dans le domaine des télécoms il y a quelques années. Il cite en exemple le cas qui a opposé la Région Hauts-De-France, en tant qu'autorité organisatrice de transport (AOT), à SNCF Voyageurs. Mis en demeure par l'ART pour ne pas avoir transmis les informations sur l'organisation du service public ferroviaire à la région, l'opérateur a fini par se plier à ses obligations. De quoi faire jurisprudence lorsque des cas similaires se présenteront dans d'autres régions.

Des coopérations possibles

Figure de proue de l'ouverture à la concurrence, avec son implantation à grande vitesse sur le Paris-Lyon jusque-là pré carré de SNCF Voyageurs, Trenitalia se montre satisfaite de ses premiers mois d'opérations. Roberto Rinaudo, directeur général France de l'opérateur italien, ne cache pas qu'il y a eu la tâche a été complexe avec des problèmes inhérents à l'installation dans un nouveau pays, ne serait-ce que pour faire homologuer la flotte, ou encore l'accès aux sillons en raison d'une capacité limitée des infrastructures. Mais il indique aussi avoir noué des partenariats avec les différentes entités de la SNCF, pour l'accès aux gares, l'organisation de la logistique... y compris avec SNCF Voyageurs pour l'accès aux ateliers pour le nettoyage et la préparation des trains.

Roberto Rinaudo assure ainsi qu'il n'est pas là pour faire la guerre à la SNCF et que l'induction de trafic sur le Paris-Lyon montre que sa stratégie est bonne. En effet, une étude réalisée par Trainline montre une augmentation du trafic de 58 % entre fin décembre et fin août. Christopher Michau, directeur des relations opérateurs pour l'Europe de Trainline, assure ainsi qu'il y a eu une réelle accélération du trafic à partir du printemps. Ce chiffre est à tempérer en raison de multiples facteurs : différence de trafic entre l'hiver et l'été, record de trafic en juillet-août, début d'année marquée par Omicron...

De la bonne volonté freinée par une organisation inadaptée

Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de Railcoop, reconnaît, elle aussi, que l'entrée sur le marché n'est pas simple que ce soit pour trouver du matériel roulant, des financements, de la disponibilité sur le réseau ou dans les gares. D'autant que sa coopérative ferroviaire n'a ni les moyens, ni l'expérience d'un Trenitalia. Mais elle note que les mentalités changent, même au sein de la base de la SNCF où se faisait sentir une forme de résistance. Elle estime ainsi qu'il y a de la bonne volonté de la part de SNCF Réseau, et évoque davantage des contraintes dues à l'organisation interne et dans la relation avec les clients. Une situation regrettable à ses yeux, car elle estime qu'un enjeu politique fort comme le développement du ferroviaire ne doit pas être grevé par des contraintes techniques. Avec SNCF Voyageurs, cela semble également bien se passer. Alexandra Debaisieux en veut pour preuve que c'est l'opérateur historique qui lui a vendu ses premières rames.

Quelques mois après avoir fait une première entaille dans le monopole de la SNCF sur les dessertes régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur, Bruno Mercader, directeur du développement ferroviaire de Transdev, fait également un retour d'analyse. Sur le tronçon Marseille-Nice, remporté au détriment de l'opérateur historique, il note la mise en place d'un travail collectif une fois l'appel d'offres achevé. Il reconnaît toutefois avoir bénéficié d'une procédure avec des conditions favorables grâce au travail des acteurs de la région. Le choix de l'AOT d'adopter du nouveau matériel a évité la question sensible de la transmission du par cet des pièces par SNCF Voyageurs. De même, le fait de ne pas avoir à gérer la distribution et la billettique lui a facilité les choses, ce point restant particulièrement complexe.

Bruno Mercader estime tout de même qu'il reste du travail : « Je ne dis pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes dans la relation, il y a encore des sujets sur lesquels il y a des restrictions. Nous l'avons vu sur la transmission des données dans les Hauts-de-France. » Il ajoute que cette situation nouvelle fait ressortir un certain nombre de difficultés qui ne se posaient pas jusqu'ici, et dont les solutions restent à trouver.

Besoin d'anticipation

Le directeur du développement ferroviaire de Transdev avance donc deux conseils pour aider à normaliser les procédures pour les futurs appels d'offres et faciliter les changements d'opérateurs. Tout d'abord, il recommande d'anticiper les discussions sur les transferts de personnels par rapport au minimum légal de 16 mois : « Je pense que l'on a besoin de 21 mois a minima pour pouvoir opérer les transferts dans de bonnes conditions. Avoir le temps du dialogue est un élément important. »

Le second conseil porte également sur une anticipation des discussions, mais avec SNCF Réseau : « Nous connaissons tous les difficultés de SNCF Réseau. Lorsque l'on veut avancer, on voit bien que des sujets de moyens, qui n'ont strictement rien à voir avec les enjeux, peuvent mettre en péril la tenue d'un calendrier. Il est par exemple compliqué d'avoir un planning engageant pour des opérations toutes simples comme débrancher un atelier pour pouvoir y démarrer des travaux. »

S'il y a donc du mieux dans la relation entre l'opérateur historique et les nouveaux venus, la normalisation prendra probablement encore du temps. Les disparités entre les appels d'offres d'une région à l'autre ne faciliteront pas non plus les choses. L'ouverture à la concurrence est encore en phase d'apprentissage, mais semble désormais bel et bien lancée.

Léo Barnier

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Commentaires 5
à écrit le 19/09/2022 à 15:46
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Il ne se passe pas une semaine sans qu'il y ait un problème majeur sur une ligne de la SNCF ! Guillaume Pépy aurait du être mis en examen pour avoir laissé cette entreprise dans un tel état de délabrement. Mais aussi pour les deux accidents mortels s...

le 19/09/2022 à 16:26
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Il aurait fallu faire de même avec Levy chez EDF, vu l'état de délabrement du parc nucléaire français. Ces fonctionnaires sont mis à la tête d'entreprises publiques françaises pour ne surtout pas faire de vague et ouvrir des parapluies auprès de leur...

le 20/09/2022 à 14:32
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qui sont les veritable dirigeants de ces entreprise les ministres de tutelle et le president de la republique qui ordonne les grandes lignes alors pdg certes mais sans pouvoir reel ils ne sont que des pions bien remuneré mais de simple pion voir ...

à écrit le 19/09/2022 à 12:26
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La concurrence va t'elle servir à quelque chose de positif pour les populations ? On se doute que non ! Mais le client captif n'a pas d'autre solution que de se soumettre !

le 19/09/2022 à 18:20
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La concurrence est toujours favorable à la population. Confort, prix sont des éléments déterminants. S'il n'y avait pas de concurrence des télécoms on aurait des prix prohibitifs.

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