Ça vous chatouille ou ça vous gratouille ?

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. La crise des punaises de lit, un bug symptomatique d'une époque de peurs et aussi un héritage de l'Etat nounou du Covid. Face à ces craintes collectives, le gouvernement affiche son hyper-vigilance, quitte à ne pas prendre les mesures impopulaires, mais nécessaires pour rétablir les finances publiques. Au risque d'un bug, mais financier celui-là.
Philippe Mabille
(Crédits : Reuters)

La France a peur... des punaises de lit ! aurait dit Roger Gicquel. Cinémas ou écoles fermées, droit de retrait des profs dans un lycée parisien, annulation d'un vol Paris-New York, vidéos virales sur les réseaux sociaux, la semaine a été placée sous le signe du nouveau vampire des nuits blanches. Une véritable psychose a fait irruption dans les médias, face aux méfaits de cet hétéroptère hématophage gourmand-piquant. Car c'est un réel fléau moral et financier pour ses victimes. Il en coûte souvent une bonne dépression tant la bestiole est devenue résistante et coûte en moyenne plus de 850 euros pour se débarrasser de ce nuisible.

Pressé d'agir, bien qu'il ne soit pas avéré en pleine Coupe du monde de Rugby, que la France subisse une invasion de ce nuisible, le gouvernement s'est mobilisé : une réunion interministérielle présidée par Elisabeth Borne a mis à l'étude « des réponses » à ce sujet qui inquiète les Français. Le ministre des Transports, Clément Beaune a réclamé « de la transparence » dans les trains, bus et métro, mais reconnaît qu'il n'y a « pas de recrudescence ». Pour rassurer à 300 jours des JO, un grand nettoyage de printemps sera organisé partout où des cas seront avérés.

L'épisode en dit beaucoup aussi sur l'état de santé mentale de nombreux Français trois ans après le Covid. Après l'épidémie, qui n'est d'ailleurs pas finie, tout ce qui affecte la santé fait peur. Plus que jamais, la France se divise en deux camps, ceux qui ont peur et les autres. Devenu nounou, l'Etat en France se veut protecteur, mais plus quoi qu'il en coûte. Malgré le réel impact social du fléau des punaises, il n'est pas question ici de faire un chèque aux plus modestes pour les aider à s'en débarrasser, à la manière du chèque carburant accordé à nouveau par Emmanuel Macron. Mais de montrer juste que l'on prend le sujet au sérieux.

A voir la réaction du gouvernement, c'est aussi et peut-être surtout lui qui a peur, d'une nouvelle explosion type Gilets Jaunes. Les prochains jours permettront de prendre la température sociale avec la journée d'action du 13 octobre, prélude à la conférence sur les bas salaires du lundi 16 octobre à Matignon. Elisabeth Borne recevra au préalable les partenaires sociaux en début de semaine. Dans ce climat tendu, le pouvoir fait preuve d'une hyper-vigilance dont la crise de la punaise de lit est un symptôme autant qu'un avant-goût. Il faut tout faire pour éviter d'agiter un chiffon rouge. Avec la revalorisation de 5,2% des retraites du régime général et de 4,9% des complémentaires du privé, plus importante que le Smic horaire à date, la réforme des 64 ans se paie cash, pour rattraper l'inflation. Inutile de réveiller la contestation à l'heure où l'intersyndicale commence à s'ébrécher.

Si les partenaires sociaux sont unis pour rejeter toute ponction sur les excédents de l'Agirc-Arrco ou de l'assurance-chômage (Unedic)l'Etat ne renonce pas à ce qui est qualifié de hold-up, même si le patronat se divise. Alors que le taux de chômage se retourne dans une conjoncture inquiétante, la peur gagne aussi les patrons, petits et grands. D'autant que les chiffres des faillites s'envolent, notamment dans les secteurs très exposés de l'immobilier, du BTP et de l'habillement. Et les nuages s'amoncellent. La panne de l'industrie allemande est une mauvaise nouvelle pour la France, même si celle-ci fait preuve de plus de résilience. Mais pour combien de temps ? Bruno Le Maire tient ses prévisions, mais le ministre des finances ne s'est jamais senti aussi seul que pour le vote de ce budget, où il va devoir batailler pour tenir les dépenses publiques avec en ligne de mire le calendrier des agences de notation.

Si Fitch le 15 octobre et surtout Standard & Poor's début décembre dégradaient la notation de notre dette souveraine, cela serait du plus mauvais effet sur nos taux d'emprunt qui se dilatent dangereusement, au rythme de notre programme d'émission record de 285 milliards d'euros en 2024. Ce bug-là, Bercy aimerait bien l'éviter, mais pour cela, BLM doit convaincre ses camarades ministres de la nécessité de faire plus de rigueur. Le problème, c'est que toutes les mesures à venir sont très impopulaires. Et Emmanuel Macron tergiverse devant l'obstacle, à l'exemple du projet de hausse de la franchise sur les médicaments de 50 centimes à 1 euro, pourtant plafonnée à 50 euros pour les malades en ALD. Au risque de ne pas prendre les bonnes décisions à temps et de rencontrer le mur de l'argent : chaque demi-point de taux d'intérêt en plus représente 10 milliards de charges d'intérêt en plus.

Autre sujet brûlant, celui du logement, en panne sèche. Alerté par Edouard Philippe qui a parlé de la « bombe sociale » à venir, le gouvernement commence à reculer sur les passoires thermiques et la polémique sur l'application des DPE, les diagnostics de performance énergétique. Sans changer le calendrier de la loi, la ministre de l'énergie, Agnès Pannier-Runacher à concédé qu'il faudra des  « dérogations très ciblées et pragmatiques pour permettre aux propriétaires qui, de bonne foi, n'arrivent pas à mettre en œuvre leur projet de rénovation, de gagner peut-être un tout petit peu de temps ».

Dernière peur française illustrée cette fin de semaine, celle de nous faire voler nos pépites par des concurrents étrangers. Après avoir prévenu cet été que le décret sur les investissements étrangers sera durci, Bruno Le Maire a mis en acte cette promesse en bloquant le rachat par l'Américain Flowserve de Segault et Velan, deux fournisseurs clefs de robinetterie de précision pour le nucléaire civil et militaire.

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Ce dimanche, n'ayez pas peur. Profitez du beau soleil matinal pour vous rendre à votre kiosque à journaux près de chez vous, partout en France et pour 2,40 euros, offrez-vous un temps de découverte et de lecture plaisir avec le premier numéro de La Tribune Dimanche. Le grand retour de La Tribune en papier, pour lire le journal du premier jour de la semaine à venir, avec de la politique, de l'international, de l'économie bien sûr et surtout, beaucoup, beaucoup de culture, de ciné, de livres, de balades et de restaurants à découvrir...

Philippe Mabille

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Commentaires 6
à écrit le 07/10/2023 à 21:51
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Ces parisiens ne savent plus quoi inventer pour faire c... la france.

le 07/10/2023 à 22:32
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En mars dernier, 120 élèves de Blancarde (12e), partis pour une classe de mer au Frioul, ont dû être rapatriés en urgence en raison de la présence de punaises de lit dans le lieu qui accueillait les enfants. Le collège Josephine-Baker, situé dans ...

à écrit le 07/10/2023 à 13:58
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Vous pourriez ressortir toutes les interviews et déclarations des maires de gauche à propos des animaux liminaires ( rats, puces punaises, etc)? Oui, parce qu'après avoir declare qu'il n'y avait aucun pb d'hygiène et qu'il faut etre d'extrême droite...

à écrit le 07/10/2023 à 10:45
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"un héritage de l'Etat nounou du Covid." Comme les confinements, les attestations stupides , les menaces sur les non-vaccinés pendant des mois ,le matraquage des chaines de TV ,une nounou d'enfer.

le 07/10/2023 à 11:24
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Mais au moindre problème les français demandent l'aide de l'état !

le 07/10/2023 à 11:40
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"Mais au moindre problème les français demandent l'aide de l'état ! " Tout comme les milliardaires et les millionnaires or c'est à la tête de montrer l'exemple et pas aux bras. Enfin la "tête" ou plutôt ce qu'il en reste...

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