Masayoshi Son, le krach de la fabrique à licornes

Malgré les contre-performances d'Uber et de WeWork, l'iconoclaste PDG du groupe SoftBank, dont la valeur globale des actifs a augmenté, reste droit dans ses bottes. « Je ne changerai pas ma vision, ma stratégie », prévient celui que l'on surnomme également le « Warren Buffett » japonais. L'heure de vérité va pourtant bientôt sonner. SoftBank doit lever un nouveau fonds au nom prédestiné, Vision Fund, afin de pouvoir réalimenter en cash la machine à licornes.
Philippe Mabille
Dans l'espoir de financer un nouvel Alibaba, son principal succès, Masayoshi Son (en photo) avait investi plus de 10 milliards de dollars dans WeWork. Mais patatras, l'introduction en Bourse, que devait conduire JP Morgan, a avorté cet automne.
Dans l'espoir de financer un nouvel Alibaba, son principal succès, Masayoshi Son (en photo) avait investi plus de 10 milliards de dollars dans WeWork. Mais patatras, l'introduction en Bourse, que devait conduire JP Morgan, a avorté cet automne. (Crédits : Reuters)

Dans la mythologie, la licorne est un cheval fabuleux dont la corne est synonyme d'abondance. La révolution Internet a multiplié les « licornes » comme des petits pains : selon un récent recensement, il y aurait environ 500 entreprises de ce type, valorisées à plus de 1 milliard de dollars, dont 206 en Chine et 203 aux États-Unis, et 4 seulement en France (Blablacar, OVH, Criteo, Doctolib). Les plus emblématiques s'appellent Uber et Airbnb, pour les licornes américaines, Ant Financial et Didi pour les chinoises.

Lire aussi : French Tech : la fabrique à licornes est lancée

Pari perdant

Ces licornes ne sont pas nées par hasard : elles sont le fruit de la rencontre de Wall Street et de la Silicon Valley, d'une idée, souvent géniale, à laquelle personne n'avait pensé, avec des financiers audacieux prêts à prendre tous les risques pour créer des champions mondiaux. C'est ainsi qu'Uber est entré en Bourse alors même que l'entreprise perd toujours de l'argent, parce que la plateforme est devenue incontournable dans la plupart des grandes métropoles mondiales. Autre exemple, WeWork, géant mondial du coworking qui propose des bureaux en location partagée dans les principales grandes villes du monde.

Point commun à ces deux entreprises : l'un de leur plus grand soutien s'appelle Masayoshi Son, l'iconoclaste PDG du groupe japonais SoftBank. Hélas pour lui, le pari est aujourd'hui perdant. SoftBank vient d'annoncer une perte d'exploitation de 700 milliards de yens (5,8 milliards d'euros), soit la pire perte trimestrielle de son histoire, parce que le groupe a dû déprécier massivement les valorisations de Uber et surtout de WeWork. Dans l'espoir de financer un nouvel Alibaba, son principal succès, Masayoshi Son avait investi plus de 10 milliards de dollars dans WeWork. Mais patatras, l'introduction en Bourse, que devait conduire JP Morgan, a avorté cet automne, les investisseurs s'inquiétant d'un risque de retournement de la conjoncture en 2020. Cela n'a pas dissuadé le patron de SoftBank de doubler la mise : pour empêcher WeWork de se retrouver à court de cash, Masayoshi Son a réinjecté 9,5 milliards de dollars dans son poulain dont la valorisation a néanmoins sombré, passant de 47 milliards de dollars en janvier à 8 milliards actuellement.

Lire aussi : WeWork sauvé par Softbank, qui injecte 5 milliards de dollars

« Je ne changerai pas ma vision »

Certes, Masayoshi Son en a vu d'autres, lui qui avait été très brièvement l'homme le plus riche du monde juste avant le krach des valeurs Internet en 2000, qui l'avait presque ruiné. Le « Warren Buffett » japonais, qui a levé le plus gros fonds d'investissement de la tech (100 milliards de dollars) dont 60 % apportés par les fonds souverains d'Arabie Saoudite et d'Abou Dabi, reste droit dans ses bottes : malgré les contre-performances d'Uber et de WeWork, la valeur globale des actifs de SoftBank Group a augmenté, plastronne-t-il, en ajoutant : « Je ne changerai pas ma vision, ma stratégie ».

Tic-tac, tic-tac, l'heure de vérité va pourtant bientôt sonner. SoftBank doit lever un nouveau fonds au nom prédestiné, Vision Fund, afin de pouvoir réalimenter en cash la machine à licornes. Problème : Wework et sa valorisation trompeuse ont réveillé la méfiance des investisseurs et beaucoup se demandent si cette mauvaise affaire n'est pas, au-delà de l'anecdote d'un investisseur trop imprudent, un moment charnière pour l'industrie du capital-risque et le signe que le financement de la tech repose sur une pyramide à la Ponzi.

Philippe Mabille

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Commentaires 2
à écrit le 07/11/2019 à 20:38
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C'est qu'ici, nous avons surtout des patrons rentiers attendant que la chose se fasse pour acheter. C'est bizarre même je dois dire. Une autre façon de voir les choses....... « Je ne changerai pas ma vision » tout est dit ! le fait d'être po...

à écrit le 07/11/2019 à 15:40
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Une illusion comme une «  corne «  de licorne .

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