Législatives : à peine la moitié des députés, spécialistes du numérique, ont été réélus

Si certaines têtes d'affiche du numérique à l'Assemblée nationale, comme Eric Bothorel (LREM) et Philippe Latombe (Modem), conservent leur siège, d'autres piliers comme Jean-Michel Mis (LREM) et Cédric Villani (Nupes) ont été battus. Le bilan est également mitigé pour les députés membres des diverses commissions et offices parlementaires dédiés au numérique. Etat des lieux.
Sylvain Rolland
Le député et scientifique Cédric Villani, tête de proue à l'Assemblée nationale sur les technologies, a été battu d'un cheveu aux élections législatives dans sa circonscription de l'Essonne.
Le député et scientifique Cédric Villani, tête de proue à l'Assemblée nationale sur les technologies, a été battu d'un cheveu aux élections législatives dans sa circonscription de l'Essonne. (Crédits : REUTERS/Charles Platiau)

Les experts du numérique ne font pas long feu à l'Assemblée. Les élections législatives ont balayé près de la moitié d'entre eux. Lors du mandat écoulé, La Tribune a identifié 14 experts qui ont beaucoup travaillé sur les enjeux du numérique et qui avaient fait de ce secteur leur principal cheval de bataille dans l'hémicycle. À ces spécialistes très actifs s'ajoutent d'autres députés qui ont travaillé sur ces sujets en commission ou de manière épisodique, et encore d'autres parlementaires discrets mais actifs de par leurs fonctions au sein de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Environ la moitié a été réélue, l'autre moitié prend donc la porte.

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Spécialistes tout-terrain : Latombe et Bothorel réélus, Mis et Villani battus

Du côté des rares spécialistes qui maîtrisent les enjeux numériques dans leur globalité et qui s'investissent sur le sujet, les emblématiques Eric Bothorel (LREM, Côtes d'Armor) et Philippe Latombe (Modem, Vendée) ont été réélus, respectivement avec 52,48% et 56,74% des voix au second tour, tous deux face à une candidate de la Nupes. Le premier, proche de Cédric O, attend toujours le verdict d'Emmanuel Macron pour éventuellement entrer au gouvernement en tant que secrétaire d'Etat au Numérique dans le prochain remaniement ministériel.

Succès également pour Aurore Bergé (LREM), réélue avec 63,3% dans les Yvelines face à la Nupes, et pour Ugo Bernalicis (Nupes), réélu avec 58% des voix dans le Nord face à un candidat de la majorité présidentielle. Ces deux trentenaires incarnent une nouvelle génération de députés, à l'aise avec la transformation numérique de l'économie et de la société, et qui en intègrent pleinement les enjeux.

Du côté des battus, la défaite est très cruelle pour Cédric Villani, arrivé largement en tête au premier tour dans l'Essonne mais finalement battu de seulement 19 voix (49,97% contre 50,03%) au second tour, face à Paul Midy, candidat de la majorité présidentielle. Le célèbre mathématicien et médaillé Fields avait publié un rapport de référence sur l'intelligence artificielle, qui avait servi de socle à la stratégie de l'Etat dévoilée en 2018. Symbole de l'entrée triomphale des personnalités de la société civile à l'Assemblée nationale sous les couleurs de LREM, il avait quitté la majorité en 2020, rejetant le virage à droite du gouvernement. Il se présentait sous l'étiquette Nupes.

Autre défaite dure à avaler pour l'écosystème français du numérique : celle de Jean-Michel Mis (LREM), battu dans la Loire d'une courte tête par Andrée Taurinya (Nupes) avec 49,37% des voix contre 50,63%. Le député faisait partie des fers de lance de la majorité sortante sur des sujets comme la souveraineté numérique, la cybersécurité, l'identité numérique ou encore la blockchain, et avait prévu de s'investir davantage dans la régulation des crypto-monnaies.

Enfin, la députée de la 8è circonscription de Paris Laëtitia Avia (LREM), a été largement battue, avec 45,92% des voix contre 54,04% pour son opposante Eva Sas (Nupes). Si la marcheuse de la première heure s'est félicitée dès dimanche soir de son bilan sur Twitter et dans un article du Parisien, celui-ci est pourtant très controversé. Son projet de loi contre la haine en ligne, surnommé Loi Avia, a été l'un des principaux ratés du mandat sur le numérique. Qualifié de "fourre-tout", de "liberticide", et considéré comme bancal juridiquement, le texte avait fait l'unanimité contre lui des acteurs de la tech et de la société civile. Une fois voté, il avait été vidé de sa substance en juillet 2020 par le Conseil constitutionnel.

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Commission supérieure du Numérique et des Postes : 3 réélus sur 7 à peine

En plus des spécialistes ci-dessus, les sujets numériques sont parfois portés au Palais Bourbon par les députés membres de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP). Celle-ci se compose de 17 personnalités, dont 14 parlementaires issus pour moitié de l'Assemblée nationale et pour moitié du Sénat. Les sept du Palais Bourbon sont désignés par le président de l'Assemblée nationale, et travaillent sur une multitude de sujets liés aux télécommunications et au numérique.

Suite aux élections législatives, moins de la moitié des députés de la CSNP ont été réélus. Il s'agit de Mireille Clapot (LREM, Drôme), également présidente de la commission, Virginie Duby-Muller (LR, Haute-Savoie) et Hervé Sauligna (Nupes, Ardèche).

Parmi les quatre sortants, seul Jean-Michel Mis (LREM, Loire, voir plus haut), a été battu. Deux autres n'ont pas été réinvestis par leur parti en raison de leur faible poids politique (les députés LREM Christine Hennion et Dominique David), et le dernier, Jean-Paul Dufrègne (Divers gauche) a choisi de passer la main.

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : 10 réélus, 8 sortants

Enfin, on trouve également des députés intéressés par l'impact sociétal et économique du numérique au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

Leur mission : informer le Parlement - Assemblée nationale et Sénat - des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique dans les politiques publiques, afin d'éclairer ses décisions. Situés à l'interface entre le monde politique et le monde de la recherche, ces députés jouent le rôle d'interlocuteurs reconnus par l'ensemble de la communauté scientifique. Lors de la précédente mandature, ce groupe c'était notamment penché sur les effets indésirables des vaccins contre la Covid-19, sur les enjeux des compteurs communicants, sur le portail admission post-Bac, sur les technologies au service de la prise en charge du handicap, ou encore sur l'enseignement des sciences.

L'OPECST se compose de 18 députés et de 18 sénateurs, désignés de façon à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques, et désignés par leur propre groupe politique. Sur les 18 députés, 10 ont été réélus, 4 ont été battus et 4 ne se sont pas représentés par choix ou parce que leur parti ne les a pas réinvestis.

Cédric Villani (Nupes, Essonne), président de l'OPECST en raison de sa brillante carrière scientifique, est la plus grosse perte de la nouvelle assemblée (voir plus haut). Il rejoint trois autres députés battus dès le premier tour : Julien Aubert (LR, Vaucluse), Jean-François Eliaou (LREM, Hérault), et Claude de Ganay (LR, Loiret). Quatre autres députés n'ont pas été réinvestis : il s'agit du vice-président Didier Baichère (LREM, Yvelines), Emilie Cariou (ex-LREM), Valéria Faure-Muntian (LREM, Loire) et Antoine Herth (Agir, Bas-Rhin).

Les 10 parlementaires réélus ont peu fait parler d'eux pendant la précédente mandature. A droite, il s'agit des vice-présidents de l'office Jean-Luc Fugit (LREM, Rhône) et Patrick Hetzel (LR, Bas-Rhin), des centristes Philippe Bolo (Modem, Maine-et-Loire) et Thomas Gassilloud (Agir, Rhône), et des macronistes Anne Genetet (LREM, Français de l'étranger), Pierre Henriet (LREM, Vendée) et Huguette Tiegna (LREM, Lot). A gauche, Jean-Paul Lecoq (Nupes/PC, Seine-Maritime), Gérard Leseul (Nupes/PS, Seine-Maritime), et Loïc Prud'homme (Nupes/LFI, Gironde) ont sauvé leur siège.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 21/06/2022 à 9:59
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C'est certainement un excellent scientifique mais il a vite appris la roublardise des vieux politiciens, ce n'est pas la girouette qui change de direction c'est le vent dominant.

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