LA TRIBUNE DIMANCHE - Pourquoi publiez-vous maintenant cette étude sur la contribution économique des hébergements de courte durée loués par le biais de plateformes en France ?
CLEMENT EULRY : L'étude a l'intérêt de factualiser l'impact de cette activité sur les territoires et les Français. Les meublés de tourisme sont un poumon économique de notre pays, avec 43 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 362.000 équivalents temps plein (ETP) générés et 4,9 milliards d'euros de recettes fiscales dont 300 millions de taxes de séjour. Il y a un intérêt collectif à préserver et même soutenir le développement de cette activité.
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N'est-ce pas surtout parce que vous êtes partenaire du relais de la flamme olympique ?
Nous allons effectivement diffuser des études d'impact sur des villes traversées par la flamme, où des communautés d'hébergeurs bien présentes contribuent à l'économie locale. A Marseille, les 3,5 millions de nuitées en 2023 ont ainsi généré 465 millions d'euros de chiffre d'affaires et 4.800 équivalents temps plein. Suivront Angers, Avignon, Brest, Chamonix, Le Havre, Lens, Metz, Montpellier, Reims, Saint-Denis, Saint-Quentin, Strasbourg, Toulouse, Valence et Vichy. Nous sommes par ailleurs présents dans plusieurs territoires de montagne ainsi qu'en zone rurale.
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Combien de personnes vont recourir à ce type d'hébergement cet été ?
Il est encore tôt pour le dire. Beaucoup de Français n'ont pas encore réservé d'hébergement et nous nous attendons à une hausse de la demande dans les prochaines semaines. Début 2023, nous avions demandé à Deloitte une projection sur le nombre de séjours sur Airbnb pendant les Jeux et l'impact économique attendu dans la région. Ils prévoyaient 500.000 voyageurs et nous devrions être sur cette tendance au vu de la dynamique observée.
Quelles sont les villes hôtes qui sont le plus demandées en vue des Jeux ?
Nous constatons qu'en dehors de Paris, qui reste logiquement la destination numéro un, de nombreuses communes de banlieue tirent leur épingle du jeu. C'est notamment le cas à Asnières, Boulogne, Versailles, ainsi qu'en Seine-Saint-Denis avec Saint Denis, Montreuil, Saint-Ouen ou Aubervilliers, toutes dans le top 10 des destinations les plus recherchées pour la période. C'est une bonne nouvelle pour les habitants et leurs commerces locaux qui vont bénéficier très directement de Paris 2024, mais aussi pour l'attractivité à long terme de ces territoires.
En cas de problème, avez-vous prévu un service client au plus près du terrain ?
En effet, nous nous mobilisons pour que ces Jeux soient un succès pour tous. Avec des centaines de milliers de voyageurs attendus pendant cette période, nous avons notamment décidé de muscler notre service client : nous y consacrons un budget de 27 millions d'euros. 2.400 agents formés - dont des francophones et des anglophones - seront disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour apporter leur soutien par téléphone, via l'application ou notre centre d'aide. Qu'un utilisateur ait une question sur sa réservation ou qu'il rencontre un problème pendant son séjour, les agents fourniront une assistance 24/24.
Comment s'annonce l'été 2024 plus généralement ?
Il s'annonce bien sur Airbnb. Nous voyons deux tendances principales. La première, c'est l'effet JO. Nous constatons une hausse des recherches pour des destinations proches de sites de compétition, en région parisienne mais pas seulement. Par exemple, la commune de Décines-Charpieu, près de Lyon, près du stade de l'OL où se dérouleront les matchs de football. C'est une des destinations qui connaissent la plus forte hausse de demande par rapport à l'an dernier.
Autre tendance : les séjours nature, devenus depuis quelques années une habitude récurrente pour de nombreuses familles françaises. Parmi les destinations les plus tendances, se détachent des communes rurales ou de moyenne montagne, comme Orcines (Puy-de-Dôme) ou Sainte-Mère-Eglise (Manche). Là encore, cette dynamique de dispersion du tourisme en zone rurale est une très bonne nouvelle pour la vie économique de ces territoires.
Justement, quel retour d'expérience faites-vous de votre partenariat signé en février 2019 avec l'association des maires ruraux (AMRF) ?
C'est un partenariat gagnant-gagnant au vu de l'évolution de notre activité, et de l'impact économique positif des plateformes de location de courte durée sur ces territoires, estimé à 7,7 milliards d'euros. Nous sommes en effet présents dans un tiers des communes de moins de 3.500 habitants, qui pour beaucoup n'ont pas ou peu d'offres hôtelières. Un phénomène en plein essor grâce au télétravail.
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Vous êtes également omniprésent sur les littoraux. Dans son rapport sur le financement des conséquences du recul du trait de côte, l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) estime que les plateformes ont « notablement contribué à la valeur foncière des biens de première ligne ». Ce qui fait dire à l'association des maires de France qu'il faut une nouvelle taxe sur Airbnb, Abritel ou Booking. Que leur répondez-vous ?
Je me rends très souvent près de la Rochelle et je sais combien cet enjeu est crucial pour les territoires de bord de mer et leurs habitants. Pour autant, nous sommes déjà très engagés sur différentes mesures pour pérenniser l'impact économique dans les territoires. Nous avons ainsi signé un partenariat à 1 million d'euros avec le leader français de l'accompagnement à la rénovation énergétique Effy pour co-financer plusieurs centaines de projets.
Nous avons également un accord à 5 millions d'euros avec la Fondation du patrimoine sur 200 projets choisis par les hôtes. Nous avons exclu le patrimoine religieux, mais il s'agit de patrimoine public et privé - moulins, châteaux... - qui n'est pas labellisé « Monument historique ». En les soutenant, nous redonnons de l'attractivité aux collectivités concernées.
Nous avons enfin débloqué 1 million sur quatre ans pour aider les familles à partir en vacances. Cette année, nous avons financé à hauteur de 250.000 euros le fonds de dotation Essentiem qui subventionne les associations Vacances Familles et Vacances Ouvertes. 1.000 personnes de Seine-Saint-Denis vont pouvoir partir en juillet ou à Noël dans différentes destinations.
Dans des logements Airbnb ?
Non, pas nécessairement.
Hasard du calendrier, la loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue arrive au Sénat ce mardi. Combattez-vous toujours la disposition couvrant la possibilité d'abaisser de 120 à 90 jours la durée maximale pendant laquelle une résidence principale peut être louée ?
L'impact sur le logement serait nul, puisque que cela reste une résidence principale, quel que soit le nombre de nuitées. L'impact sur le pouvoir d'achat et l'attractivité des territoires serait, lui, évident. J'en veux pour preuve qu'en 2023, Airbnb a rapporté près de 187 millions d'euros de taxe de séjour aux collectivités. Aussi j'espère de tout cœur que le bien-fondé de cette mesure sera questionné au Sénat.
Auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat début avril sur le quota de résidences secondaires dans les communes, vous avez demandé la mise en place d'un décret d'application définissant la proportionnalité et faisant la différence entre le stock et le flux de logements concernés. Pourquoi ?
Si le quota est de 500 logements, qu'en sera-t-il de la 501e demande ? Il y a des situations différentes et des quotas différents à établir quartier par quartier. J'ajoute que selon plusieurs études concordantes, dont celle réalisée par Strategy&PwC à notre demande, 92% des meublés touristiques sont des résidences principales ou secondaires louées occasionnellement par leurs occupants. Plutôt que de limiter la location occasionnelle, focalisons l'action des pouvoirs publics sur les investisseurs propriétaires en quête de rentabilité, qui représentent 8% de l'offre de meublés touristiques. En s'attaquant à la location occasionnelle, le risque est d'obtenir zéro logement supplémentaire pour les habitants, mais une multiplication des volets clos ou des lits froids.
A ce propos, afin d'inciter les multipropriétaires à revenir à la longue durée, l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) pousse à changer les règles du jeu. Aujourd'hui, tout bailleur d'un logement meublé de longue durée doit payer à l'URSSAF des cotisations sociales si ses recettes excèdent 23.000 euros. Demain, l'UNPLV pousse à ce que ces abattements continuent de bénéficier aux petits propriétaires, mais qu'ils soient rabotés pour les multipropriétaires. Et vous ?
Adapter les seuils d'abattement pour que la location touristique de courte durée ne soit pas mieux disante que la location longue durée, tout en évitant d'augmenter les impôts des loueurs occasionnels me semble être une bonne idée. La proposition de loi évoque, elle, la somme de 15.000 euros, alors que chez nous, les logeurs touchent, en médiane, 3.900 euros bruts de revenus annuels. Autant faire 23.000 euros comme les règles de l'URSSAF.
Les députés ont supprimé la possibilité du conseil municipal de dérogation aux obligations de diagnostic de performance énergétique (DPE) quand elle est justifiée par des circonstances locales particulières. Et ce alors que dans les stations de ski par exemple, les passoires thermiques sont surreprésentées dans le parc locatif, alors même que ces logements restent indispensables pour la survie économique des territoires de montagne.
Redonner du pouvoir aux élus locaux, c'est l'esprit de cette proposition de loi. A mon sens, ils devraient donc avoir la main sur le calendrier d'interdiction à la location des passoires thermiques. C'est une question de cohérence...
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