Air France-KLM : Marjan Rintel aura la lourde tâche de succéder à Pieter Elbers à la tête de KLM

Depuis le coup de tonnerre de l'annonce du départ de Pieter Elbers, révélé par La Tribune fin 2021, la nomination de son successeur à la tête de KLM se faisait attendre. C'est désormais chose faite. Il s'agit de Marjan Rintel, une ancienne de la maison. Dans la foulée de cette annonce, Air France-KLM en a profité pour annoncer le renouvellement pour cinq ans de son propre directeur général, Ben Smith. Il ne reste maintenant qu'à savoir qui sera le prochain président du groupe pour que le nouveau triumvirat soit au complet.
Léo Barnier
Marjan Rintel, directrice générale de NS, est nommée à la tête de KLM pour succéder à Pieter Elbers.
Marjan Rintel, directrice générale de NS, est nommée à la tête de KLM pour succéder à Pieter Elbers. (Crédits : KLM)

Ce sera donc Marjan Rintel. Défiant les premiers pronostics qui annonçaient favori Pieter Bootsma, actuel directeur des revenus d'Air France-KLM, le conseil de surveillance de KLM a choisi cette néerlandaise de 54 ans. Actuellement directrice générale de Nederlandse Spoorwegen (NS), principal opérateur ferroviaire des Pays-Bas, elle prendra officiellement la succession de Pieter Elbers à la tête de la compagnie le 1er juillet prochain. D'ici là, ce dernier continue d'assurer ses fonctions.

Si cette nomination était attendue, la surprise est davantage venue d'Air France-KLM. Le groupe français a profité de l'occasion pour annoncer le renouvellement anticipé du mandat de son directeur général Ben Smith. Devant initialement s'achever en 2023, celui-ci est donc prorogé de cinq ans, soit jusqu'à l'assemblée générale de mai 2027.

Passée par Schiphol, KLM et Air France-KLM

Marjan Rintel n'est pas une inconnue chez KLM comme Air France-KLM, où elle a passé 15 ans. Si cela fait plus de 7 ans qu'elle œuvre dans l'industrie ferroviaire, la dirigeante a fait la première partie de sa carrière dans l'aérien. Après des débuts chez Schiphol Airport, elle intègre KLM en 1999 où elle occupe des postes tels que vice-présidente en charge des opérations du hub ou des ventes pour les Pays-Bas. Elle rejoint ensuite le groupe Air France-KLM en tant directrice marketing stratégique.

Marjan Rintel a été désigné sur proposition du conseil de surveillance de KLM, puis validation du conseil d'administration d'Air France-KLM. Sa présidente, Anne-Marie Couderc, a salué "sa grande expérience chez KLM et dans le secteur des transports néerlandais (qui) en fait la meilleure candidate pour diriger la compagnie."

Une assemblée générale extraordinaire doit encore valider sa nomination comme directrice statutaire de KLM. La compagnie néerlandaise précise aussi que son comité d'entreprise a été consulté sur ce point, sans préciser leur avis. Selon le quotidien néerlandais De Telegraaf, le nom de la nouvelle patronne n'a pas fait consensus.

En plus du poste de directrice générale, Marjan Rintel reprend également les fonctions de président du directoire de KLM de Pieter Elbers. Ce dernier doit quitter ses responsabilités au 1er juillet au plus tard, mais la compagnie néerlandaise assure qu'il assurera la transition avec sa remplaçante.

"Je suis honorée de revenir chez KLM et de prendre le relais de Pieter. Son bilan de 30 ans est impressionnant. Sous la direction de Pieter, KLM a trouvé son chemin vers le haut et je vais continuer sur cette voie. L'aviation traverse une période de défis importants et complexes. Je pense qu'une entreprise néerlandaise emblématique comme KLM, comme NS (l'opérateur ferroviaire, NDLR), a un rôle majeur à jouer dans ces défis sociaux et économiques. Remplir ce rôle avec succès sera ma priorité dès le premier jour", a déclaré Marjan Rintel, future PDG de KLM.

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Devoir de consensus

Plusieurs défis attendent la future dirigeante. Elle va devoir s'imposer dans une compagnie où le départ de Pieter Elbers ne passe toujours pas. Selon un observateur, plusieurs dirigeants actuels doivent beaucoup à leur futur ex-mentor. Sans compter que les employés néerlandais vouaient un fort attachement à l'emblématique dirigeant. Le fait d'avoir passé plus d'une dizaine d'années au sein de KLM devrait servir à Marjan Rintel.

La dirigeante a aussi été nommée pour rétablir des relations normalisées avec le groupe. Son expérience dans la maison, même si elle date de plusieurs années à vraisemblablement été jugée compatible pour travailler avec Ben Smith. Cela semblait une condition sine qua none pour le choix du futur dirigeant, après huit années sous la direction de Pieter Elbers, passé maître dans l'art de privilégier les intérêts de KLM avant ceux d'Air France-KLM.

Marjan Rintel va néanmoins devoir ménager la chèvre et le chou afin de permettre au groupe de renforcer son intégration - voulue par Ben Smith depuis son arrivée - sans s'attirer les foudres de ses collaborateurs néerlandais, très attachés à l'autonomie si ce n'est à l'indépendance de KLM.

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S'accorder avec le gouvernement néerlandais

Marjan Rintel va également devoir composer avec l'Etat néerlandais. Depuis quelques mois, Jeroen Kremers, représentant de l'Etat néerlandais en charge de superviser le plan de soutien à la compagnie, s'est fait entendre à plusieurs reprise - outrepassant ainsi son rôle, selon certains dont les syndicats de KLM. Dans un rapport publié en janvier, il a estimé qu'il fallait un nouveau coup de rabot sur les coûts à hauteur de 400 millions d'euros et a épinglé les 10% de pilotes vivants à l'étranger, en particulier en Espagne, en parlant d'évasion fiscale.

De même, le gouvernement mis en place en janvier semble se montrer plus dirigiste que l'ancien avec KLM, bien qu'il soit toujours dirigé par Mark Rutte avec une coalition inchangée. La nouvelle ministre des Finances, Sigrid Kaag, appelle ainsi à une meilleure prise en compte des attentes sociales et environnementales dans le modèle économique de KLM. Une voix que Marjan Rintel devra écouter alors que la conversion du prêt d'actionnaire de l'Etat néerlandais de 1 milliard d'euros en quasi fonds-propres est attendue depuis des mois, et que l'Etat néerlandais doit participer à la future augmentation de capital d'Air France-KLM (avec un fléchage vers KLM).

Accessoirement, Marjan Rintel devra aussi assurer la direction de la compagnie dans une période de reprise certes, mais tout de même agitée : départ de son principal stratège Pieter Elbers, pandémie de Covid persistante, prix du kérosène haut et extrêmement volatile, réseau à redessiner avec une Asie toujours largement fermée, saturation de l'aéroport de Schiphol (Amsterdam).

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Ben Smith confirmé en attendant la nouvelle présidence

La confirmation de Ben Smith vient quant à elle sécuriser la gouvernance d'Air France-KLM pour les prochaines années au moment où le groupe cherche de nouveaux investisseurs. Cela permettra aussi de faire taire quelques rumeurs, faibles mais persistantes, sur un éventuel départ. Celles-ci avaient été quelque peu ravivées fin 2021 avec l'annonce du retrait d'un de ses bras droits, l'Australien Angus Clarke.

Il reste tout de même un autre chantier à achever pour consolider la gouvernance d'Air France-KLM à long terme : la succession d'Anne-Marie Couderc. Le mandat de la présidente du conseil d'administration du groupe expirera dans un peu plus d'un an, au moment de l'assemblée générale 2023. Elle restera administratrice mais ne pourra plus exercer la présidence du groupe en raison de la limite d'âge. Le comité de nomination d'Air France-KLM est donc aussi à l'œuvre. Celui-ci est présidé par Anne-Marie Couderc elle-même, entourée des administrateurs Alexander Wynaendts et Jean-Dominique Comolli.

S'il reste encore du temps, son remplacement est d'ores et déjà à l'ordre du jour : après avoir connu des transitions brutales avec les départs précipités d'Alexandre de Juniac en 2016 et Jean-Marc Janaillac en 2018 - qui cumulaient alors les fonctions de président et de directeur général - l'objectif est désormais d'assurer une passation de pouvoirs en douceur et d'assurer une continuité avec l'action d'Anne-Marie Couderc.

Bien que discrète, celle-ci est saluée pour sa capacité à mettre de l'huile dans les rouages entre Air France et KLM et à entretenir le dialogue avec les pouvoirs publics (et actionnaires) français et néerlandais. Il est donc fort possible que si le candidat idoine est identifié, celui-ci fasse son entrée au conseil d'administration dès cette année pour en prendre la présidence un an après. Une période de tuilage bienvenue dans un contexte tendu.

Léo Barnier

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