Transition écologique : les maires impatients de bénéficier du « Fonds vert »

REPORTAGE. En clôture du congrès des maires le 24 novembre, la Première ministre Élisabeth Borne a confirmé une enveloppe de 2 milliards d'euros dans le budget 2023 pour la transition écologique des collectivités locales. À cela, s'ajoute 1,2 milliard d'euros de prêts et de crédits de la Caisse des Dépôts. Les maires s'impatientent déjà, sauf que « les préfectures n'ont pas encore le mode d'emploi »... Explications.
César Armand
(Crédits : Unsplash)

Amplifier le « Fonds friche »déjà doté de 750 millions d'euros -, aider à la création de zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) ou encore accélérer la rénovation énergétique des bâtiments. C'est le tiercé gagnant du fonds d'adaptation au changement climatique annoncé dès l'été 2022 aux élus locaux lors d'une réunion au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires sur la sobriété énergétique.

L'enveloppe initialement dotée de 1,5 milliard d'euros, avant d'être rehaussée à 2 milliards, porte le désormais célèbre nom de « Fonds vert ». Les collectivités territoriales pourront l'utiliser pour « la réhabilitation de friches pour limiter l'étalement urbain », pour rénover « énergétiquement les bâtiments publics comme par exemple certaines écoles », pour ramener « de la nature dans les villes » ou encore pour installer « des parkings relais » à leur entrée, expliquait la Première ministre en septembre.

1,2 milliard d'euros de prêts et de crédits de la Caisse des Dépôts

En clôture du congrès des maires le 24 novembre, Elisabeth Borne a confirmé qu'en plus de ces 2 milliards d'euros prévus au budget 2023, la Caisse des Dépôts allait ajouter 1 milliard d'euros de prêts et 200 millions de crédits d'ingénierie« J'ai bien entendu votre message : pas d'appel à projets mais un soutien en proximité à vos initiatives et à vos projets », a déclaré la locataire de Matignon. Autrement dit, charge au préfet de département d'arbitrer entre les demandes des élus locaux.

C'est du moins le message que leur a fait passer le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, au congrès des maires le 22 novembre, au salon des maires le 23, puis à l'hôtel de Roquelaure le 24.

Le président (LR) de l'Association des maires de France (AMF), David Lisnard, a sorti sa calculette: 300 millions d'euros dudit « Fonds vert » serviront à alimenter le « Fonds friche » et le 1,7 milliard restant permettra d'« améliorer la décarbonation et le respect des écosystèmes ».

Par exemple, ne serait-ce qu'en termes de bâtiments publics, les communes et intercommunalités détiennent 220 millions des 280 millions de mètres carrés du patrimoine local. Autant d'écoles, de crèches, d'équipements sportifs ou de services techniques dont la note de chauffage et de climatisation avoisine 80% de la facture totale des territoires. Le gouvernement peut certes débloquer des milliards pour leur rénovation, comme il l'a fait dans le cadre de France Relance en septembre 2020, mais il ne s'attaque pas à « la complexité des procédures d'appels d'offre et de la commande publique », pointe le maire de Cannes.

Les maires s'impatientent

D'autant que les décrets d'application de la loi de finances 2023 ne sortiront pas avant le début de l'année prochaine. Dans l'intervalle, les maires s'impatientent.

« Il ne faut pas perdre une minute car c'est maintenant que nous fabriquons nos budgets et que nous décidons des investissements », exhorte le président (PS) de l'Association des petites villes de France (APVF).

Dans sa commune de Barentin (12.000 habitants, Seine-Maritime), Christophe Bouillon a, lui aussi, fait ses calculs: s'il change ses 16.000 éclairages, améliore l'isolation de ses édifices, installe des économiseurs d'eau, verdit son parc automobile et déploie des panneaux photovoltaïques, cela lui coûtera 3 millions d'euros, soit l'équivalent de 4 à 5 années d'investissement...

« Les préfectures n'ont pas encore le mode d'emploi »

Sauf que le budget de l'Etat n'ayant pas encore été totalement adopté, et encore moins promulgué par le président Macron, « les préfectures n'ont pas encore le mode d'emploi » du « Fonds vert », regrettent les maires.

Édile (centre-gauche) de la commune nouvelle de Vallons-de-l'Erdre (6.500 habitants), Laetitia Nys mise dessus pour la rénovation d'un groupe scolaire. Après un audit du Syndicat départemental d'énergie de Loire-Atlantique, qui lui permettra d'en étudier la faisabilité, elle ira chercher des fonds pour financer une centrale à copeaux de bois. Cette dernière alimentera ledit groupe scolaire, la salle culturelle, deux gymnases et le collège. Pour ce dernier, le département pourrait co-investir, sachant que la facture risque de s'élever à au moins 100.000 euros.

« Nous avons la chance d'avoir un maire élu depuis longtemps qui a une bonne connaissance des partenaires que nous pourrions aller chercher », souligne Laetitia Nys, dont la commune est éligible au programme gouvernemental de revitalisation "Petites villes de demain".

Dans la région bretonne voisine, Alexis Matull est maire (sans étiquette) de Saint-Jean-la-Poterie, un village de 1.500 habitants dans le Morbihan. Élu pour la première fois en 2020, ce directeur général des services (DGS) de la commune de Saint-Martin-sur-Oust vient d'alerter publiquement le bureau de l'association des maires de France (AMF). Dans son département, 10 maires, 80 adjoints et 500 conseillers municipaux ont déjà démissionné depuis les dernières élections municipales d'il y a deux ans et demi.

Répondre à l'urgence pour atteindre la neutralité carbone en 2050

Lui essaie tant bien que mal d'attirer puis de garder les familles. Avec l'établissement public foncier de Bretagne et un bailleur social, 8 habitats à loyer modéré (HLM) seront bientôt livrés dans sa commune. En plus de l'envolée des prix de l'alimentation et des prix de l'énergie, l'explosion des prix du carburant a, elle, « mangé » tout son budget essence 2022 dès le mois d'août. Résultat: il a mandaté l'agglomération de Redon, dont il dépend, pour faire « la chasse aux subventions » pour son futur pôle périscolaire.

« Des gens peuvent nous y aider car ils ont de la visibilité sur les fonds européens ou les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), mais après, c'est à moi de monter les dossiers et d'envoyer les demandes », explique Alexis Matull.

L'exécutif compte effectivement sur la mobilisation des édiles pour répondre à l'urgence environnementale. Le cas échéant, la neutralité carbone ne sera pas atteinte en 2050.

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 26/11/2022 à 10:52
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et c'est reparti pour une tournee de cheques ' quoi qu'il en coute aux allemands', le tout sans aucune consequence, comme le prouve l'inflation actuelle inexistante donc

à écrit le 25/11/2022 à 20:26
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"ou encore pour installer « des parkings relais » à leur entrée" bonne idée, voire indispensable en entrée de ville ZFE_isée afin de s'y garer quand le véhicule ne passerait pas la frontière vu sa pastille Crit'Air, et prendre le bus, depuis ce parki...

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