Transition écologique : pourquoi les investisseurs se ruent sur les greentech

Confortés par un nouveau cadre réglementaire et législatif, les investisseurs ont plus que jamais misé sur les startup tricolores de l'énergie et de l'environnement, qui ont levé 2,6 milliards d'euros en 2023, un record. Elles ont ainsi capté plus de 30% de la totalité des financements réalisés dans la French Tech. Cette tendance devrait se poursuivre en 2024 selon Sophie Paturle Guesnerot, cofondatrice de la société d'investissements Demeter IM.
Juliette Raynal
En 2023, la start-up grenobloise Verkor a levé 850 millions d'euros pour son projet de gigafactory de batteries.
En 2023, la start-up grenobloise Verkor a levé 850 millions d'euros pour son projet de gigafactory de batteries. (Crédits : Reuters)

Les études se succèdent et se ressemblent. Après la publication du panorama EY la semaine dernière, le baromètre des levées de fonds In Extenso Innovation Croissance, Essec Business School et France Angels, publié cette semaine, consacre la montée en puissance des greentechs tricolores au sein de la French Tech. Pour la première fois en 2023, ces innovations pour l'environnement et la transition énergétique, à l'image de Verkor et sa future méga usine de batteries ou encore de TSE, spécialisée dans la production solaire en milieu agricole, ont représenté la première catégorie prisée par les investisseurs, détrônant ainsi les entreprises du logiciel.

Au cours de l'année écoulée, elles ont ainsi levé un total de 2,6 milliards d'euros, selon le baromètre In Extenso. 2,7 milliards selon le baromètre EY, dont 850.000 millions uniquement par Verkor. Dans tous les cas, ces entreprises innovantes représentent désormais plus de 30% de la totalité des financements réalisés dans les startups tricolores. « Le secteur a vu son financement multiplié par plus de 12 en cinq ans et enregistre encore une progression de 50% entre 2022 et 2023 », note le baromètre In Extenso. Et ce, alors même que les investissements en capital-risque dans la French Tech ont baissé de 34% sur la même période.

Un cadre réglementaire et législatif très porteur

« Cette accélération sur les greentech s'explique notamment par le cadre réglementaire et législatif avec la publication, par exemple, de la loi sur l'accélération des énergies renouvelables ou encore celle sur l'industrie verte. Cela nous confère, à nous investisseurs, une vision de moyen terme, qui est fondamentale pour faire ce genre d'investissements », commente Sophie Paturle Guesnerot, cofondatrice de la société d'investissements Demeter IM.

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Pionnière du private equity dans la transition écologique, la société a vu également ses opérations s'intensifier en 2023, avec 20 investissements dans de nouvelles sociétés, comme la jeune pousse lyonnaise Doctibike, spécialisée dans le reconditionnement des batteries de vélos, des réinvestissements dans 26 entreprises, dont le producteur grenoblois de batteries miniatures biodégradables BeFC, et dix sorties de portefeuille, dont Mylight150 spécialiste de l'autoconsommation, à l'occasion d'un tour de table de 100 millions d'euros.

La mobilité électrique, première locomotive des greentech

Plus généralement, dans la vaste catégorie des greentech, le sous secteur de la mobilité décarbonée s'affiche comme la principale locomotive. Les startups spécialisées dans le déploiement de bornes de recharge électriques, comme Driveco, e-Totel et Swish, ont multiplié les augmentations de capital au cours des derniers mois, propulsées par la régulation européenne, qui a acté la fin de la vente des moteurs thermiques à l'horizon 2035. Et cette tendance ne semble pas prête de s'arrêter, comme l'atteste la méga levée de plus de 300 millions d'euros, officialisée cette semaine par la start-up Electra.

Les jeunes pousses de l'énergie, qui constituent le deuxième levier de croissance des greentech, ont, elles, bénéficié du contexte géopolitique qui a conduit à une flambée et très forte volatilité des prix transformant, de facto, la consommation énergétique des entreprises comme un facteur de risque pour leur modèle économique. « Les entreprises ont besoin de dérisquer cette volatilité des prix de l'énergie. Le premier levier c'est l'efficacité énergétique et le second c'est le recours aux énergies renouvelables », justifie Sophie Paturle Guesnerot.

Ainsi, outre la levée de fonds de Mylight150, figurent celle d'Accenta (108 millions d'euros), qui mise sur le stockage géothermique pour décarboner les bâtiments, comme la start-up Celsius, spin-off du groupe SLB, le tour de table d'Eléments (50 millions d'euros), positionné sur le solaire, l'éolien et l'hydroélectrique, ou encore l'augmentation de capital de Sweetch Energy (25 millions d'euros), qui entend exploiter l'énergie issue de la rencontre entre l'eau douce et l'eau salée dans tous les deltas et estuaires de la planète.

Consolidation du marché

Autre fait notable, le montant du ticket moyen investi dans les greentech a significativement augmenté en 2023. « C'est le cas au sein de Demeter IM, mais aussi chez les autres investisseurs. C'est une vraie tendance de marché », assure Sophie Paturle Guesnerot, alors même que le ticket moyen toutes catégories confondues a, lui, chuté de 36% sur la même période. « Ces entreprises ont atteint une certaine maturité et ont besoin de plus d'argent pour continuer leur développement. Par ailleurs, le marché accélère. Pour figurer parmi les acteurs qui avancent le plus vite, les entreprises ont besoin d'avoir les ressources financières suffisantes. Enfin, les business angels accompagnent, eux aussi, les sociétés avec des montants plus importants. Nous finançons alors les entreprises à un stade de plus avancé », explique la dirigeante.

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Cet engouement des investisseurs pour les greentech se maintiendra-t-il en 2024 ? « Nous sommes optimistes car la transition écologique n'est pas un enjeu de court terme. La lutte contre le réchauffement climatique ne se fera que si nous parvenons à être plus sobres en ressources, ce qui nécessite de développer de nouvelles solutions pour permettre à nos économies de se transformer. C'est un challenge de fond et, là-dessus, il y a un consensus à la fois du monde politique, industriel et des consommateurs », estime Sophie Paturle Guesnerot, pour qui le contexte inflationniste ne devrait pas freiner cette tendance du capital-risque. « Ce qui est clef, ce sont les taux d'intérêt et surtout leur dérivée plutôt que leur montant. Or, aujourd'hui, nous sommes sortis de cette hausse rapide des taux qui avait surpris tout le monde », conclut-elle.

Juliette Raynal

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Commentaires 2
à écrit le 20/01/2024 à 9:39
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Pensez vous qu'il y ait beaucoup de choix pour les investisseurs ayant un pécule a placer ? Ils entrent dans une nasse où ils auront du mal à en sortir, si ce n'est en fourguant le témoin publicitaire !

à écrit le 20/01/2024 à 9:32
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Quel ennui cet économie, on se croirait dans le cerveau désertique de ceux qui possèdent et détruisent le monde en ronflant. Ah ben on y est ! ^^

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