LA TRIBUNE DIMANCHE- Pensez-vous que 2024 sera une année de reprise du crédit immobilier ?
GÉRALD GRÉGOIRE- Nous sommes revenus sur le niveau de production de 2015, même si, s'agissant du Crédit agricole, nous avons gagné des parts de marché l'an dernier. C'est donc un grand bond en arrière mais nous sortions aussi d'une période artificiellement euphorique, avec des taux exceptionnellement bas.
Nous percevons depuis le début de l'année un frémissement sur le marché, même s'il y a toujours un décalage de deux à trois mois entre l'analyse du dossier et sa réalisation. Nous le voyons avec la hausse des simulations effectuées par les clients ou prospects, qui sont passées de 64.000 par mois au quatrième trimestre à près de 80.000 en janvier. C'est significatif.
La baisse des taux des crédits immobiliers, de l'ordre de dix points de base en janvier, est sans doute un soutien. Sur l'année 2024, nous sommes restés très prudents et nous n'avons pas anticipé dans nos prévisions de production de baisse des taux directeurs, alors même que ce sera sans doute le cas au second semestre.
Mais le taux n'est pas le seul critère pour redynamiser la production. La correction des prix de l'immobilier se fait toujours attendre pour permettre une meilleure adéquation entre l'offre et la demande. Et, dernier point, l'emprunteur reste très conditionné au contexte macroéconomique.
Les contraintes du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) sont-elles un obstacle ?
Ces contraintes ont pu, à un moment donné, freiner la production de crédit immobilier. Mais je ne pense pas que les critères du HCSF, qui sont plutôt de bon sens, soient le principal frein à l'accession à la propriété pour les primo-accédants.
En revanche, ils ont clairement grippé le marché de l'investissement locatif à un moment où des avantages fiscaux ont été également supprimés. Cela pèse sur le marché du neuf. Il serait peut-être temps de sortir l'investissement locatif du champ des contraintes du HCSF, qui ne tiennent pas compte de la réelle solvabilité des investisseurs.
D'autant qu'en France, contrairement à nos voisins, nous avons à la fois un financement à taux fixe très protecteur pour l'emprunteur et des banques très raisonnables dans la distribution du crédit. Nous pouvons donc sans crainte aller vers un assouplissement de ces règles.
Certains, notamment au gouvernement, estiment que l'innovation financière pourrait redonner du pouvoir d'achat aux emprunteurs. Les banques manquent-elles d'imagination depuis la création du crédit à taux fixe ?
Nous avons à peu près tout ce qui est envisageable de faire sur l'étagère : taux fixe ou révisable, panachage des deux, différé ou in fine, mais aussi la possibilité de moduler ou différer les échéances, sans compter les offres boostées du Crédit agricole (jusqu'à 20.000 euros sans intérêt) autour du prêt à taux zéro... Nous expérimentons même des dispositifs de co-investissement aux côtés de nos clients.
Mais il faut être très prudent car beaucoup de ces innovations nécessitent une certaine compréhension des montages proposés. Nous avons un devoir de conseil, celui de ne pas égarer nos clients. L'immense majorité souhaite avant tout la simplicité et la stabilité de ses échéances. Regardez en Europe, nous bénéficions en France d'un crédit immobilier dont les échéances sont les plus faibles, et où le risque de taux est porté par la banque. C'est une offre très compétitive qui n'incite pas à un excès d'innovation !
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