
C'est un étrange paradoxe : alors que les Français n'ont jamais autant épargné - environ 17% des revenus - le niveau d'éducation financière de la population reste toujours aussi faible. Ainsi, un Français sur quatre (26%) n'aurait pas la culture financière nécessaire pour prendre des décisions éclairées, selon une enquête réalisée par l'assureur allemand Allianz auprès d'un millier de personnes dans sept pays différents (Etats-Unis, Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Australie). Et seulement 10% des Français interrogés auraient un niveau « élevé » en matière financière, soit deux fois moins qu'en Italie (18%).
Dans un cas comme dans l'autre, la France fait figure de mauvais élève. Et encore, il s'agissait d'un exercice assez basique autour de neuf questions simples, comme « combien pensez-vous avoir d'argent au bout d'un an sur votre compte d'épargne rémunéré à 5% » ou « auriez-vous plus ou moins de capacité à dépenser si votre épargne rapporte 5 % et l'inflation est de 7% ? », et non d'un QCM de niveau master Finance.
Il faut reconnaître que si la France est à la traîne, les scores ne sont guère brillants dans les autres pays, y compris aux Etats-Unis alors que les Américains sont réputés jongler avec aisance avec leur crédit à la consommation ou leur portefeuille boursier. La part des répondants ayant un faible niveau de culture financière va de 20% (Espagne) à 32% (Etats-Unis).
Gap culturel
Et, pour ne rien arranger, les écarts entre les hommes et les femmes persistent même s'ils se réduisent un peu en France par rapport à une précédente étude de 2020. Ainsi, 29% des Françaises ont un faible niveau de connaissances financières, contre 22% pour les hommes. En Allemagne, c'est l'inverse. Quant aux jeunes générations, supposées être plus connectées, plus informées, plus soucieuses de l'avenir, le constat n'est guère différent. Pourtant, les cours de Bourse prolifèrent sur le réseau social TikTok et les plus gros influenceurs dans la finance, comme Humphrey Yang ou Tori Dunlap comptent chacun plusieurs dizaines de millions de followers ! Ce qui d'ailleurs suscite beaucoup d'inquiétudes de la part des régulateurs et des services de lutte contre la fraude ou l'escroquerie.
Cette étude conforte ce que l'on savait déjà : alors que l'offre de produits financiers ne cesse d'exploser, la grande majorité des épargnants ne savent pas ce que veut dire un taux d'intérêt réel ou ne connaissent qu'approximativement le rendement d'un produit aussi simple que le Livret A.
Fin 2021, la Banque de France avait mené une enquête auprès des Français sur leurs connaissances purement financières et qui soulignait un score déjà inférieur à celui des Allemands. 70% des Français jugeaient alors leurs connaissances moyennes ou faibles. Globalement, les Français sont des élèves « moyens », estimait alors la Banque de France, avec toutefois de fortes lacunes sur des sujets comme l'inflation ou les taux d'intérêt.
Écart de performance
Ces questions, qui renvoient à un sujet tabou en France, celui de l'argent, ne sont pas neutres quand il s'agit de placer son épargne. Et c'est d'ailleurs tout l'intérêt de cette étude qui a essayé de mesurer l'impact financier sur un ménage de connaissances plus faibles en matière financière, et ce sur la base de portefeuilles types (cash, actions, obligations). En France, ce manque de culture (ou d'intérêt), qui incite naturellement à laisser son argent dormir sur un compte courant ou un livret, coûterait environ 2.390 euros par an à une personne ayant un faible niveau par rapport à une personne dotée d'un niveau moyen. Soit sur dix ans, une différence de près de 40.000 euros ! « Il est encourageant est de voir qu'il suffit de peu de choses pour passer d'un niveau faible à un niveau moyen, et que ce simple passage entraîne de meilleures décisions d'investissement », souligne Marion Dewagenaere, directrice d'Allianz Patrimoine.
Ce que révèle également l'étude est l'importance du facteur confiance dans la capacité à prendre les bonnes décisions. Cette confiance pourrait être également apportée par les conseillers bancaires ou agents généraux ou autres distributeurs des produits. Mais, regrette Marion Dewagenaere, « les personnes qui ont le niveau de culture financière le plus faible sont également ceux qui vont le moins se tourner vers un conseiller ».
Mobilisation
L'Autorité des marchés financiers (AMF) ne dit pas autre chose quand elle place l'éducation financière et la transparence de l'information sur les produits financiers en tête de ses priorités pour les quatre prochaines années.
Le sujet est également au menu de la Commission européenne, qui a publié en mai dernier les détails de sa Retail Investment Strategy (RIS) qui vise à augmenter le poids des ménages sur les marchés de capitaux, avec à la clé, une meilleure garantie de conseil.
Dans un climat de défiance généralisé, il est donc urgent de rappeler à tous les fondamentaux d'une épargne qui ne cesse de gonfler. Les banques et les assureurs commencent tout juste à prendre conscience de l'importance à s'engager plus activement dans l'éducation financière.
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