Horaires, méthodes, arrêt du chauffage... comment une ETI jurassienne fait face à la crise énergétique

Perché à plus de 800 mètres d’altitude, au cœur du parc naturel régional du Haut Jura, le site de production de panneaux de signalisation Signaux Girod a mis en place des mesures drastiques pour limiter sa consommation d’énergie durant cet hiver. Notamment l'arrêt du chauffage dans un entrepôt. Reportage.
L'entreprise Signaux Girod est perchée à plus de 800 mètres d’altitude, au cœur du parc naturel régional du Haut Jura.
L'entreprise Signaux Girod est perchée à plus de 800 mètres d’altitude, au cœur du parc naturel régional du Haut Jura. (Crédits : Amandine Ibled)

Un tel emplacement privilégié, au coeur de la nature, implique une prise de conscience de son environnement. Dès le départ, l'entreprise jurassienne, (64 millions de chiffre d'affaires ; 245 collaborateurs plus 50 intérimaires), s'est engagée depuis plusieurs années dans le développement durable.

« Nous avons mis en place une supervision automatique permettant le suivi en temps réel de nos consommations, nous avons passé nos ateliers en éclairage LED, et mis en place la récupération de chaleur de nos compresseurs d'air pour chauffer nos bureaux », précise Christophe Mesnier, responsable maintenance, travaux neufs, sécurité et énergie.

Fondée par un jeune peintre sur émail, Arsène Girod, qui ouvra son modeste atelier d'émaillerie en 1905, l'entreprise s'est enrichie de ce savoir-savoir centenaire pour se diversifier et propose désormais de nombreux produits tels que les plaques de rue, les numéros de maison, de la signalétique, du mobilier urbain, du marquage au sol, etc. L'usine peut produire jusqu'à 12.500 panneaux par semaine. Un de leur dernier grand projet était, par exemple, le mur en émail de la station de métro parisien à Châtelet-les-Halles.

La signalétique en émail produit par Signaux girod dans le métro parisien

[Crédit: Signaux Girod]

L'effet accélérateur de la crise

Grâce à la mise en place d'un système de management de l'énergie - en 2020, Signaux Girod est certifié ISO 50001 - les salariés avaient déjà été sensibilisés aux économies d'énergie. Une plateforme participative, par exemple, leur permet de faire remonter tout incident en rapport avec ce sujet : porte mal isolée, courant d'air, couloir chauffé, vanne en panne, etc.

L'affichage des écogestes dans les sanitaires, dans les bureaux ou les ateliers a également permis de changer les comportements de manière significative.

« Nous nous sommes rendu compte que des machines restaient en veille. Désormais, nous les éteignons sur les pauses de midi, par exemple », constate Christophe Mesnier. La crise énergétique a eu un effet accélérateur sur toutes ces mesures engagées. « Elles n'auraient pas été acceptées de la même façon avant la crise », assure Nathalie Bouvier, directrice marketing & développement de l'offre.

Même les mesures fortes qui ont dû être mises en place dès le mois de décembre sont passées auprès des salariés, conscients des enjeux énergétiques. Signaux Girod a renégocié son contrat au pire moment en 2022, voyant sa facture plus que doublée, voire triplée en fin d'année.

Sur des montants de l'ordre de 450.000 euros, le pourcentage de l'énergie dans le chiffre d'affaires peut vite grimper. D'autant plus que la période hivernale du début d'année correspond à la période où Signaux Girod réalise le moins de chiffre d'affaires.  « Notre marché dépend en grande partie des collectivités. Or, c'est justement la période où ces dernières revoient leur budget », explique Christophe Mesnier.

l’entreprise centenaire propose désormais de nombreux produits tels que les plaques de rue,

Mesures « coup de poing », cuissons optimisées, prime « grand froid »

Grâce aux capteurs placés sur toutes les machines, les équipes ont observé les postes les plus énergivores. Les flux méthodes ont repensé l'organisation de la cuisson au four émail, principale source de consommation d'énergie. En ce moment, celui-ci tourne trois jours au lieu de cinq, grâce à une meilleure optimisation des cuissons. En d'autres termes, le four ne fonctionne que lorsqu'il est plein. Les équipes travaillent également en 1/8 au lieu de 2/8. Ce qui signifie que la production s'arrête à 15 heures.

Autre mesure phare : l'arrêt du chauffage dans l'entrepôt qui n'était pas isolé.

« Cet espace étant souvent ouvert et non isolé, il nous a semblé logique de ne pas le chauffer », souligne Christophe Mesnier.

En compensation, les salariés qui travaillent plus de trois heures par jour dans l'entrepôt reçoivent une « prime grand froid ». L'entreprise a également investit dans un équipement « grand froid » pour ses employés, tels que des sous-vêtements thermiques, gants, bonnet et anorak.

Pour les employés qui ont aussi des missions administratives, un petit bureau fermé, et donc chauffé, a été installé au cœur de l'entrepôt. En parallèle, les bâtiments administratifs sont chauffés à 19°C au lieu de 21°C et les ateliers à 16°C au lieu de 18°C. Certains services ont également mutualisé leurs bureaux.

« Avec le télétravail, nous nous sommes rendu compte que certains bureaux étaient chauffés uniquement pour quelques personnes », précise Christophe.

Christophe Mesnier, responsable maintenance, travaux neufs, sécurité et énergie, manipule l'outil de supervision automatique permettant le suivi en temps réel de les consommationss,

Les équipes travaillent également en 1/8 au lieu de 2/8.

Vers la production d'énergie avec des ombrières solaires

« Toutes ces mesures d'économie d'énergie enclenchées durant l'année 2022 et accélérées en décembre ont permis de faire baisser la consommation de 38% en décembre 2022 par rapport à décembre 2021 », constate Christophe Mesnier.

En 2023, l'entreprise devrait encore baisser ses consommations grâce à la construction d'ombrières panneaux photovoltaïques sur son parking. Objectif : une réduction de 20% de sa facture énergétique. Un contrat a été signé avec Réservoir Sun. Cette entreprise réalise l'investissement et revend l'électricité à Signaux Girod, à un taux fixe de 2,5%, sur 20 ans. Ensuite, Signaux Girod pourra racheter ses ombrières pour un euro symbolique et produire son électricité.

Une opération qui devrait lui permettre d'économiser 1,7 millions d'euros, selon une estimation faite avant la crise...

[Photos: Amandine Ibled pour La Tribune (et Signaux Girod pour la station Chatelet)]

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