EXCLUSIF Salon du Bourget : le directeur général délégué d'Airbus affiche sa confiance

A quelques jours de l'ouverture du salon aéronautique du Bourget, Fabrice Brégier, le directeur général délégué, fait le point pour La Tribune sur la situation de l'avionneur européen. Il affiche sa sérénité sur le programme A380, ses ambitions sur le futur A350 qui doit concurrencer le Boeing B787, sa confiance dans l'Airbus A330 malgré l'accident du vol Air France F 447. Il répond aussi aux défis du programme houleux d'avion de transport militaire A400M.

La Tribune - Dans la crise actuelle, le financement des avions paraît assuré pour 2009. Avez-vous des inquiétudes pour 2010 ?

Fabrice Brégier - En 2009, nous avons cherché à sécuriser le financement des avions, notamment grâce à l'accord des agences de crédit export (Coface, Hermes, ECDG), qui garantissent les prêts auprès des banques. Cette mesure a permis d'étendre les garanties à hauteur de 40 à 50 % des livraisons d'avions, alors qu'en année normale, c'est de l'ordre de 20 %. Elle devrait nous permettre de maintenir des niveaux de livraisons similaires à ceux de 2008, qui était le point haut historique d'Airbus (483 avions livrés).Il est impératif que cette mesure soit prolongée en 2010. Si elle est maintenue, elle devrait éviter des difficultés dans le financement des avions au moment de la livraison. C'est une mesure pour nous essentielle si le marché financier reste en crise en 2010.

Comment voyez-vous le niveau de livraisons en 2010 ?

Il nous faut un peu plus de visibilité pour savoir si le nombre des livraisons de 2010 sera du même ordre de grandeur que 2009. Après l'été, nous aurons une visibilité plus forte sur ce que seront les livraisons de 2010. Car ce qui compte maintenant, c'est d'adapter notre production en fonction de l'évolution du trafic aérien. Il a déjà baissé dans les premiers mois de 2009.

Sur quelle cadence tablez-vous ?

Airbus a défini des cadences de production pour la famille A320 de 34 appareils par mois à compter d'octobre. Nous pensons pouvoir stabiliser la famille A330 autour de huit par mois. Enfin, la montée en cadence de l'A380 sera un peu plus lente que prévu en raison de quelques demandes de report de livraison de la part de nos clients. S'il y avait une dégradation du marché dans les prochains mois, nous serions amenés à ajuster ces cadences. Inversement, à la sortie de la crise, nous recevrons des demandes de compagnies aériennes, pour prendre livraison de leurs appareils plus rapidement. Nous devons donc garder, ainsi que l'ensemble de nos fournisseurs, la capacité à remonter rapidement en cadence. C'est un point fondamental.

A quel niveau de report ou d'annulation, les effectifs peuvent-ils être touchés ?

Nous avons intégré dans nos usines un élément de flexibilité, qui doit permettre de passer un certain nombre de caps difficiles tant qu'ils sont temporaires. Selon les sites, Airbus dispose de 20 % de flexibilité pour l'emploi. Des mesures classiques de chômage partiel ne sont pas à exclure en cas de crise plus profonde. Mais nous n'avons pas aujourd'hui de problème de ressources humaines pour nous adapter et faire face à cette crise. De plus, Airbus continue de recruter des ingénieurs dans des métiers clés.

Combien Airbus a-t-il économisé entre les différents plans ?

 Nous sommes en avance sur notre plan de marche. L'objectif d'économiser 2,1 milliards d'euros en 2010 en année pleine, sera atteint malgré la crise. Airbus a réalisé 1,3 milliard en 2008, nous devrions être au dessus de 1,5 milliard en 2009. Nous sommes en bonne voie pour atteindre nos objectifs Power 8 et contribuer à Future EADS. Notre maison mère a décidé de nous confier la gestion de l'ensemble des achats généraux du groupe en service partagé. Ainsi, Airbus, qui totalise 75 % des frais généraux d'EADS, a réalisé 400 millions d'euros environ d'économies par an dans le cadre de Power 8. Pour Future EADS, la gestion en service partagé devrait rapporter de l'ordre de 130 millions supplémentaires à notre groupe .

 Sur l'A380, quelle est la principale raison des nouveaux reports. Baisse du trafic aérien ou difficultés de financement ?

C'est essentiellement le coût d'acquisition de l'avion qui nécessite un appel au marché financier important. Cet étalement de livraison va nous permettre de procéder à une stabilisation de la production de l'avion. Ce report n'est aucunement le fait d'une marque de désintérêt des compagnies ou le signe que l'A380 n'est pas adapté au marché. Bien au contraire. Pour les compagnies aériennes qui l'exploitent déjà, l'A380 est extrêmement efficace. C'est l'appareil qui consomme le moins de carburant par passager transporté de sa catégorie, qui permet de réduire le nombre de rotations entre des liaisons à haute fréquence, et qui a un taux de remplissage ou de réservations généralement supérieur à celui des autres avions. Les compagnies clientes sont en train de définir le standard de l'aéronautique de demain.

Quel est votre calendrier technique pour l'A400M ?

 Airbus a progressé sur le calendrier technique du premier vol puisque le banc d'essai volant a effectué douze de ses quatorze vols (soit près de 50 heures de vol) sans problème particulier. Le moteur tourne de façon satisfaisante et le développement du Fadec, le logiciel de régulation, semble maintenant sur la bonne voie pour un premier vol de l'A400M et de son moteur certifié civil par l'EASA d'ici à la fin de l'année. C'est notre objectif technique. Compte tenu des aléas d'un programme de cette nature, nous pouvons être éventuellement amenés à le faire voler début de 2010.

Mais l'EASA, l'agence européenne de la sécurité aérienne, vous a demandé de refaire tout le processus de certification...

 Il y a des règles extrêmement strictes de développement de logiciels pour assurer leur traçabilité. Ces règles strictes n'avaient pas été complètement intégrées dans le premier développement du Fadec, qui ne remplissait pas non plus ses performances. Il a fallu refaire une bonne partie du logiciel pour garantir l'application des règles de certification civile. Ce n'est pas réglé, mais c'est sur la bonne voie.

Sur le calendrier général ?

Je table sur une livraison du premier avion trois ans après le début des essais en vol, soit fin 2012, début 2013. Les premiers appareils, qui seront livrés à notre premier client, l'armée française, seront des avions qui répondront aux besoins opérationnels de transport tactique et stratégique. Nous livrerons des avions immédiatement opérationnels. Il y aura, comme dans chaque programme militaire un certain nombre de standards liés à des évolutions de logiciels.
 

 L'A400M est-il faisable techniquement et reste-t-il des risques à lever ?

L' A400M est un programme ambitieux sur le plan technologique. Il sera de très loin l'avion de transport militaire le plus moderne de nouvelle génération. L'erreur a été de sous-estimer, à la signature du contrat, l'ensemble des risques qui sont portés par l'industriel. EADS ne peut pas tous les porter. Nous avons entamé avec l'Occar des négociations pour clarifier les performances détaillées de l'avion, pour intégrer ces évolutions logicielles pendant les trois premières années de la vie de l'avion et pour mettre en place des clauses de maturité qui évitent de livrer au client des avions qui ne sont pas prêts. Mais ce qu'il faut aujourd'hui, c'est pouvoir maîtriser les risques et arrêter l'hémorragie financière.

 A combien d'avions vendus allez-vous arriver au point mort financier ?

On ne s'attend pas à ce que le programme A400M, hors commandes export supplémentaires, génère des résultats positifs pour EADS. Nous souhaitons limiter les pertes de ce programme et repartir sur des bases, qui sont crédibles au plan financier, technique et calendaire pour nous comme pour les Etats. Au-delà, il a un potentiel à l'export de plusieurs centaines d'avions. Les marchés export, je l'espère, généreront pour nous et pour nos partenaires industriels des profits.

 Où en est le développement de l'A350. L'avez-vous fait maigrir ?

Airbus tient une famille remarquable, qui séduit les compagnies aériennes. Nous avons maintenant trente clients et 483 commandes fermes. L'écart avec le 787 de Boeing est en train de se résorber. Nous travaillons de façon complètement nouvelle en investissant beaucoup plus en amont avant de lancer le design détaillé de l'ensemble des équipements des pièces. Le programme est ambitieux en termes de performances, de calendrier et de technologies. Aujourd'hui, nous avons une architecture robuste de l'appareil, nous avons sélectionné 100 % des partenaires, nous avons des performances, qui devraient nous permettre de tenir les objectifs contractuels. Nous avons également une feuille de route comme dans chaque programme d'avion, pour alléger l'avion. Le développement d'un avion passe par une lutte contre les kilos, les surpoids. L' A350 n'y échappe pas. Sur l' A380, entre cette phase de développement et le premier avion de série, la masse a été réduite de 7 %. Pour l' A350 nous ne partons pas d'aussi loin. Le travail de convergence a été mené de façon plus rapide car nous avons adopté d'autres méthodes de développement. Nous sommes en phase avec l'objectif de livrer des avions performants, matures, et sans problème de câblage aux compagnies aériennes en 2013.

Est-ce que l' A330 est remis en cause après l'accident d'Air France ?

Non, mais je tiens à préciser qu'Airbus apporte toute sa contribution à l'enquête menée par le BEA. Il faut se garder de conclusions rapides. C'est le BEA qui le dit, c'est l'expérience qui le montre. L' A330 est un avion d'une très grande fiabilité et qui n'a pas connu d'accidents majeurs en service jusqu'ici. Entre l'A340 et l'A30, près de 1.000 appareils sont en opération aujourd'hui. L'analyse de la séquence des événements qui a été transmise par les systèmes de l'A330 d'Air France se poursuit. L'incohérence des indicateurs de vitesse ne préjuge aucunement du drame, qui a affecté cet avion. A ce stade, aucune recommandation de modifications de la flotte n'est envisagée. L'EASA a confirmé par une lettre d'information officielle que les A330 et les autres avions de la flotte Airbus sont des appareils sûr et apte au vol. Nous espérons vivement que toute la lumière sera faite sur les causes de cet accident.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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je suis particulièrement satisfait de la montée en puissance de notre secteur aéronautique qui tient toutes ses promesses. La montée au ciel de notre dernier arrivage d'âmes issues de l'Atlantique s'est parfaitemnt déroulée puisqu'il n'y a eu aucun s...

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