Exploration spatiale : si, si l'Europe va jouer petit bras à Séville

Ce sommet spatial informel de Séville (6 et 7 novembre) devait être le point de départ d'une ambition européenne dans l'exploration spatiale. Il devrait être finalement celui des renoncements en dépit du rapport des experts mandatés par l'ESA sur ce sujet crucial pour l'Europe. Ils estimaient que les Européens ne pouvaient pas se permettre de manquer cette révolution. C'est raté.
Michel Cabirol
Cette vue d'artiste de l'Agence spatiale européenne qui risque de le rester longtemps, très longtemps.
Cette vue d'artiste de l'Agence spatiale européenne qui risque de le rester longtemps, très longtemps. (Crédits : Agence spatiale européenne (ESA))

L'Europe spatiale, c'est ce géant placide aux ambitions très limitées dans le domaine de l'exploration spatiale. Réunis les 6 et 7 novembre à Séville, les pays membres de l'ESA (Agence spatiale européenne) vont clairement saboter la vision stratégique ambitieuse dans l'exploration spatiale qui avait été annoncée en mars dernier par le groupe consultatif de haut niveau (HLAG, High Level Advisory Group) mis en place par l'Agence spatiale européenne (ESA). Alors que l'Inde s'apprête à devenir le quatrième pays à envoyer un homme dans l'espace, l'Europe, elle, se refrène, se limite, se bride... et est en train de passer à côté du train de la nouvelle conquête spatiale, dont les fruits seront partagés par les grandes puissances spatiales. Elles en ont compris l'intérêt stratégique et... économique. Mais pas l'Europe, malheureusement. Pourtant, le HLAG avait affirmé que « l'exploration humaine de l'espace connaît une révolution que l'Europe ne peut se permettre de manquer ».

« Les pays et les régions qui ne s'assureront pas un accès indépendant à l'espace et une utilisation autonome de celui-ci deviendront stratégiquement dépendants et seront économiquement privés d'une partie importante de cette chaîne de valeur. L'Europe doit viser à s'emparer d'un tiers de ce futur marché », avait pourtant expliqué très clairement le rapport des douze experts.

Un dossier très compliqué

A Séville, il n'y aura donc pas une feuille de route ambitieuse dans l'exploration spatiale pour les Européens. Des Européens, il est vrai, obnubilés par la crise des lanceurs, qui n'aide pas la France et ses rares alliés à monter au créneau pour défendre une vision stratégique dans le domaine de l'exploration spatiale. « C'est quand même compliqué d'aller expliquer qu'on veut aller sur Mars alors qu'on n'est pas capable de faire décoller un lanceur européen », déplore un proche du dossier. Sur le fond et sur la forme, la crise des lanceurs a par ailleurs volé à Séville la vedette à l'exploration spatiale, qui devait être le sujet prédominant de ce sommet spatial.

Pour autant, les pays européens vont lancer à l'issue de ce sommet un certain nombre de briques technologiques pour « éventuellement un jour peut-être » aider au développement et à la conception d'une station orbitale européenne privée. Soit un vrai cache-misère pour pouvoir se congratuler à la fin du sommet spatial de Séville... « La porte est ouverte, elle n'est pas grande ouverte », estime néanmoins ce proche du dossier.

Les raisons de ce renoncement

La première raison de ce renoncement est le manque de consensus des pays européens sur ce dossier. C'était déjà le cas en février 2022 quand Emmanuel Macron avait tenté de passer en force. En vain. « Il n'y a pas de consensus clair, il n'y a pas encore de direction stratégique claire », avait alors expliqué la présidence. C'est toujours le cas. Ce dossier « ne fait pas l'unanimité en Europe, explique une source proche du dossier. Il y a des pays qui ne veulent pas y aller et qui veulent absolument rester dans la roue des États-Unis ». C'est pour cela que ces pays s'opposent à une autonomisation de l'Europe dans ce domaine. Et cette dernière continuera donc à faire du troc avec la NASA pour obtenir des strapontins dans les missions américaines.

« Aujourd'hui, on troque quelque chose dont ils ont besoin », avait expliqué en juin Didier Schmitt, le chef de la stratégie et de coordination des vols habités et l'exploration robotique à l'ESA à l'occasion du Paris Air Forum organisé par La Tribune.

Emmanuel Macron aurait pu incarner le Kennedy européen de la conquête spatiale. Mais lui aussi se heurte en France à des résistances très fortes incarnées par certains ténors de la majorité présidentielle qui n'ont pas cette vision stratégique. Pour des questions budgétaires essentiellement. Le rapport du HLAG avait pourtant affirmé que « le coût de l'inaction dépasserait de loin l'investissement nécessaire pour faire de l'Europe un acteur spatial fort et indépendant ». Enfin, beaucoup de pays européens sont opposés à l'exploration humaine en expliquant que la question du climat est plus importante.

« Visons-nous la Lune, où les Chinois retourneront prochainement, puis Mars, que visent les Américains ? Il nous faut, là aussi, anticiper un positionnement européen pour une première mission internationale humaine vers Mars prochainement à la fin de la prochaine décennie », s'était interrogé Emmanuel Macron en février 2022 à Toulouse lors de la réunion informelle des ministres européens chargés de l'Espace, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Des questions « vertigineuses » il y a 20 mois à la triste réalité d'aujourd'hui. A Séville, l'Europe spatiale n'ira nulle part. Ni sur la Lune, ni sur Mars. Faute d'ambitions.

Michel Cabirol

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Commentaires 19
à écrit le 07/11/2023 à 11:29
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Je n'ai jamais confondu science fiction et réalité. Il n'est pas moins vrai qu'à l'instar de l'uchronie, la S.F est souvent porteuse de leçons d'ordre philosophique. Si Jinpin non pas le nouveau Mao mais le nouveau Moa affirme bel et bien sa volonté...

à écrit le 06/11/2023 à 20:22
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La France devrait faire valoir son leadership et prendre les devants en financement elle-même le vol habité comme nous l’avons fait avec le rafale. A l’époque, lorsque le projet a été lancé, personne ne pensait que nous aurions la compétence, ni le...

à écrit le 06/11/2023 à 10:15
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L'orbite basse est saturé de satellite et maintenant de débris spatiaux ( la carte est sur le net) suite à des collisions entre eux qui produit des millions de débris.La Nasa le nomme le “Syndrome de Kessler”ce qui pourrait nous priver d'espace dans ...

le 06/11/2023 à 23:29
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Il faut cesser de prendre les films de science-fiction pour la réalité, instruisez-vous donc un peu.

à écrit le 06/11/2023 à 0:22
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L'auteur se plaint et pleure à propos de ceci ou de cela, qui diminue la "grandeur" inabordable de la France, comme si l'Europe devait à la France le financement et les ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs gaullistes. Ces diatribes ant...

à écrit le 05/11/2023 à 23:42
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La conquête de l'espace à une époque où le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources sur Terre sont une douloureuse réalité n'est peut-être pas une priorité absolue. D'autant qu'en cas de succès dans un terme lointain, les potentiels...

à écrit le 05/11/2023 à 15:58
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Merci pour cette information mais hélas, je constate qu'aucun européens n'a encore compris que l'union fait la force (comme disent les belges). L'Europe est imbue d'elle même et ne survit que sur les ruines de son passé. Demain, il faudra ne pas se "...

le 06/11/2023 à 23:31
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Non l'union ne fait pas la force, l'addition de 27 faiblesses n'a jamais constitué une force pour quiconque.

à écrit le 05/11/2023 à 11:08
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Tout est dit et fort bien dit dans cet excellent article de Michel Cabirol. Et si ce genre de situation était limité à l'espace. Malheureusement cela se passe aussi dans d'autres secteurs. La technocratie et sa morgue envers le secteur privé expliq...

le 05/11/2023 à 11:16
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Vivent les explications simplistes. Ça permet à beaucoup de se croire intelligent sans rien connaître aux dossiers.

le 05/11/2023 à 11:56
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ABC qui connait les dossiers peut voir les résultats

le 05/11/2023 à 15:38
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Quel rapport? Ariane à régné sans parage pendant 30 sur les lancements commerciaux et on a pas entendu grand monde tirer sur la "morgue du secteur public". En l'occurrence, il est très simpliste d'accuser le secteur public et d'encenser le privé, ave...

à écrit le 05/11/2023 à 10:39
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L'espace ça coûte cher, ça ne pardonne pas l'approximation et c'est suffisamment compliqué pour ne pas l'asphyxier avec des considérations politiques. A force de placer des nuls aux manettes ça finit par se voir. Certains font carrière (confortable d...

à écrit le 05/11/2023 à 8:49
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Vous ne connaissez pas l'ordre des priorités ! Ils ont réussi à placer le travail forcé en France et je peux vous dire que c'est la principale réussite saluée par l'ensemble des marchés financiers du monde ! C'a c'est une victoire monsieur ! C'est qu...

le 05/11/2023 à 9:55
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Ils? Les dragons célestes 🤣

le 05/11/2023 à 10:07
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" Ils" les fonctionnaires européens ? Et dans les 26 autres pays, le travail forcé a également été mis en place ? Pourquoi uniquement la France ? Ça fait décoller les fusées, le travail forcé ? Pas forcément. :-)

le 05/11/2023 à 10:19
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Le travail forcé c'est une évolution pour vous autres répliquants ? Quelle honte franchement...

le 05/11/2023 à 10:29
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L'Anti-France c'est vous les répliquants.

le 05/11/2023 à 10:30
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On vous entend arriver de loin avec vos gros sabots.

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