Depuis ces dernières années, les SUV (Sport Utility Vehicles) ont le vent en poupe et les chiffres de ce premier semestre 2023, publiés par AAAdata le week-end dernier le confirment : la part des SUV dans les ventes de voitures neuves a atteint 46 % pour les particuliers contre 39 % en 2019 et 19 % en 2013, à quasi-égalité avec la part des berlines désormais.
Aujourd'hui, l'offre de SUV est large. Ces voitures surélevées, entre le monospace et le tout-terrain, englobent des véhicules de toute taille et à tous les prix. Si la moyenne d'âge des acheteurs de ce type de véhicule est élevée, autour d'une cinquantaine d'années comme sur l'ensemble des achats de véhicules neufs, elle rajeunit progressivement. Dans le détail, la part des 26-40 ans a augmenté de 5 points ces cinq dernières années pour s'établir à 15 % en 2023 quand celle des plus de 65 ans a reculé de 9 points pour atteindre 36 %. Le marché du SUV séduit de plus en plus les jeunes, malgré les possibles restrictions à venir.
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Sécurité, connecté et plus abordable
S'ils plaisent tant, c'est d'abord grâce à une offre qui s'est largement étoffée ces derniers temps, passant de 151 modèles proposés en 2021 à 178 en 2023, selon les chiffres de AAAdata. Les SUV représentent un juteux marché pour les constructeurs puisque c'est celui qui permet de réaliser les profits les plus importants sur chaque véhicule.
Ainsi, même les citadines se sont rehaussées, proposant des SUV à des prix plus accessibles pour les populations plus jeunes. La multiplicité de possibilités de paiement, en location longue durée ou location avec option d'achat, a également favorisé les ventes de ces voitures. La Dacia Duster, par exemple, est proposée à 18.000 euros ou 270 euros par mois en location.
« Les SUV séduisent parce qu'ils apportent un sentiment de sécurité en étant surélevés, plus d'espace et ils sont généralement très connectés. Les publicités mettent d'ailleurs l'accent là-dessus et elles mettent en scène des jeunes dont souvent des femmes. Cela explique l'engouement », précise Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'Inseec.
D'ailleurs, l'économiste explique que la majorité des publicités sont désormais tournées vers ce segment en croissance.
La sécurité, si souvent mise en valeur, constitue un cercle vicieux. Car plus le nombre de véhicules surélevés augmente, plus les conducteurs de petites voitures se sentent vulnérables et se tournent, eux aussi, vers l'achat de SUV, afin de s'adapter à leur environnement.
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Plus de jeunes, plus aisés
Si les SUV séduisent de plus en plus les jeunes, ils touchent néanmoins un public très précis : urbain, masculin et surtout, aisé. En effet, d'après les chiffres de AAAdata sur ce segment de marché, 7 personnes sur 10 ayant acheté ce type de voiture en ce début d'année sont des hommes et 8 personnes sur 10 habitent en ville.
Plus frappant encore, les ménages modestes, c'est-à-dire avec des revenus annuels inférieurs à 11.660 euros selon l'Insee, ne représentent plus que 1 % des achats de ce type de voitures, contre 7 % en 2019. Un recul qui s'explique notamment par l'augmentation générale du prix des véhicules liée à la pénurie des semi-conducteurs. Les ventes de SUV sont également très orientées vers les nouvelles motorisations, avec 11 % de part de marché dans les voitures électriques vendues en 2023 contre 1 % en 2019. Or, les voitures électriques coûtent 40 % plus chères que leurs homologues thermiques. Au total, près de 90 % des personnes qui achètent des SUV sont aisés ou très aisés avec des revenus annuels supérieurs à 40.000 euros par an.
Jusqu'où cette croissance des SUV ira-t-elle ?
« A court terme, difficile de voir une solution car les constructeurs ont aussi besoin d'argent pour réaliser la transition énergétique qui leur est demandée en restant compétitif. A moyen terme en revanche, il peut y avoir des efforts de la part des constructeurs automobiles et des politiques publiques. D'un côté, il faudra diminuer la production de ce type de véhicule par l'industrie automobile, de l'autre, il faut développer les services de transport public », note Julien Pillot.
Pour Marie-Laure Nivot, responsable Intelligence Marchés chez AAAdata, « ce type de véhicules a de nombreux atouts. A moins d'interdire leur circulation ou de les pénaliser en raison de leur poids, je ne vois pas pourquoi les ventes diminueraient ».
Les SUV bientôt bannis des villes ?
Beaucoup d'atouts, mais aussi beaucoup de critiques. Le SUV est en effet plus lourd de 150 kilos à 200 kilos en moyenne qu'un véhicule équivalent offrant le même nombre de place à l'intérieur, selon l'agence internationale de l'énergie. Un poids qui a plusieurs effets.
D'abord, la quantité de métaux est plus élevée dans la fabrication et donc l'impact carbone sera plus important. Les batteries des SUV électriques sont elles aussi plus lourdes car les SUV consomment en moyenne 20 % d'énergie supplémentaire pour se déplacer. Cette catégorie de véhicules est équipée principalement de batteries de 70 kW contre 50 kW pour les autres. Le poids des voitures est d'ailleurs inclus dans le malus du gouvernement pour les véhicules de plus de 1.800 kilos, qui ne concernent en réalité que certains gros SUV allemands.
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Pour de nombreuses associations, il faut sanctionner davantage afin de faire basculer le marché vers des véhicules plus légers. Dans un rapport sur les Zones à faibles émissions (ZFE) dans les grandes métropoles remis au gouvernement, les associations Respire, Clean Cities et La Fabrique des mobilités proposent de renforcer la pénalisation sur le poids des véhicules. Ainsi, les voitures thermiques de plus de 1.400 kilos et les électriques de plus de 1.700 kilos devraient être déclassées des Crit'air 2 en Crit'air 3 et ne pourraient plus pénétrer dans les centres-villes à partir de 2028.
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