La messe est dite : « 2024 va être l'année de la baisse des prix de l'immobilier », a annoncé Loïc Cantin, le président de la Fédération nationale de l'immobilier lors de sa conférence de presse du 16 janvier, dédiée aux perspectives du secteur en 2024. Et les anticipations ne vont pas ravir les vendeurs. La Fnaim table sur une baisse de 5 à 7% des prix dans l'Hexagone sur l'ensemble de l'année. Un chiffre un peu plus élevé que celui du site spécialisé Meilleursagents.com qui parie sur une baisse 4% dans son baromètre publié le 9 janvier. Un sondage de La Forêt et Opinionway montre aussi que « un Français sur trois assure que s'il devait vendre un bien immobilier en 2024, il serait prêt à baisser son prix de vente pour trouver un acheteur (36%). »
A noter, cette baisse a déjà commencé en 2023 puisque les prix ont diminué de 1% sur un an en moyenne dans l'Hexagone et de -5,7% à Paris, -3,6% en banlieue parisienne et de -2,6% dans les 10 plus grandes villes de province.
Certes, la baisse moyenne a été moins forte qu'attendu (une prévision faite en juin de -5% sur l'année), mais 2023 a vu le marcher se paralyser, les vendeurs n'ayant pas voulu faire de concession. Ainsi, 875.000 ventes ont été conclues dans l'ancien, selon les estimations de la Fnaim, soit une baisse de 22 % par rapport à 2022. « Une décélération brutale, inégalée depuis 30 ans », commente Loïc Cantin.
Un déblocage des crédits en 2024...
L'origine de « cet électrochoc dans l'immobilier », tel que nommé par le représentant du secteur, n'est autre que la hausse des taux directeurs. Pour freiner l'inflation, la Banque centrale européenne a décidé de faire passer ces derniers de 0% début 2022 à 4 et 4,75% aujourd'hui, propulsant par ricochet les taux de crédits au dessus de 4% et entraînant une baisse du pouvoir d'achat des emprunteurs de 15% en deux ans, selon la Fnaim. Couplée au maintien du taux d'endettement maximal à 35% pour la plupart des emprunteurs, la hausse des taux a créé un véritable choc de demande. « Quatre dossiers sur dix étaient refusés » fin 2023 du fait du dépassement de ce taux, rappelait fin octobre Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux.com.
Une situation qui devrait néanmoins se débloquer en 2024. Avec le maintien des taux directeurs opéré par la BCE depuis septembre, la Fnaim estime que les taux des crédits immobiliers devraient se stabiliser autour de 4%.
Surtout, « les banques ont dorénavant plus de liberté et de souplesse pour baisser leurs taux car les perspectives de baisses des taux directeurs à venir ont fait diminuer les rendements des obligations d'Etat (qui entrent dans le calcul des taux de crédits, NDLR) », pointe Loïc Cantin affirmant que ces dernières « vont pouvoir de nouveau jouer leur rôle de financeurs des projets immobiliers ». Le gouverneur de la Banque de France et membre de la BCE, François Villeroy de Galhau, a en effet affirmé lors de ses vœux début janvier que l'institution devrait bien commencer à baisser ses taux d'intérêt en 2024.
Insuffisant pour rééquilibrer le marché
Reste que rien n'est certain. La gardienne de l'euro pourrait très bien décider de remonter à nouveau ses taux si l'inflation repartait de plus belle en Europe.
Quand bien même la BCE déciderait de commencer à baisser ses taux, cela ne se produirait pas avant mai ou juin... pour les économistes les plus optimistes. Les conséquences sur le marché des crédits se feraient alors sentir au mieux à partir du deuxième semestre. Surtout, « les taux directeurs ne retomberont pas sous les 3% en Europe », affirmait fin novembre l'économiste de Natixis Patrick Artus, dans une interview à La Tribune. Un point de vue partagé par de nombreux économistes qui ne permettrait pas aux aspirants propriétaires de retrouver leur pouvoir d'achat de 2021.
Pour la Fnaim, cela signifie que les acheteurs devraient encore manquer cette année et que les transactions devraient encore diminuer de 10%. Car « pour compenser la baisse de capacité d'achat des ménages, il faudrait que les prix de l'immobilier diminuent de 10%, voire de 15%, afin de faire repartir les transactions », affirmait Loïc Cantin en novembre à La Tribune. Une dynamique qui pourrait prendre encore plusieurs années puisque « l'immobilier est un marché de long terme. Beaucoup de vendeurs, ne trouvant pas d'acheteurs au prix qu'ils demandent préfèrent retirer de la vente leur bien et attendre une reprise du marché », rappelle ce dernier. Il avait notamment fallu 6 ans de baisses des prix après la crise de 1990 pour que les transactions repartent finalement à la hausse.
Pour réanimer le marché, la Fnaim estime qu'il sera nécessaire que « le futur ministre du logement mette en place des mesures d'urgences », affirme Loïc Cantin. La première proposition portée par la fédération n'est autre qu'une abrogation temporaire des règles d'endettement maximal autorisé. « Ces règles mises en place par le Haut conseil de stabilité financière sont importantes quand il y a un emballement de la production de crédits mais que vient-il faire quand le marché des crédits est faible comme aujourd'hui », remet en question le président de la Fnaim. Ce dernier souhaite donc « laisser libre le marché pendant 1 an ». Autre solution martelée depuis plusieurs mois par la Fnaim : la portabilité et la transférabilité des prêts. Le premier permettrait aux emprunteurs de changer de bien en gardant le même taux de crédit tandis que le deuxième transfèrerait le crédit d'un vendeur à son acheteur. Des solutions pour stimuler l'emprunt et ramener les acheteurs sur le marché mais qui ne plaît pas aux banques qui ont fort à gagner à proposer de nouveaux crédits à des taux au plus haut depuis dix ans. « Pour une fois, c'est aux banques de venir au secours de l'Etat et des clients », répond en conclusion Loïc Cantin.La Fnaim appelle l'Etat à réagir
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