Semi-conducteurs : le taïwanais TSMC inaugure une nouvelle usine au Japon, sur fond de tension entre Taïwan et la Chine

Le géant taïwanais des puces continue son expansion internationale et implante une nouvelle usine sur l'île japonaise de Kyushu. Les inquiétudes autour du secteur des semi-conducteurs s'accentuent après la montée des tensions entre la Chine et Taïwan.
Le géant taïwanais a annoncé ce jeudi l'inauguration le 24 février sur l'île japonaise de Kyushu, de sa nouvelle usine de fabrication de puces, attendue de longue date.
Le géant taïwanais a annoncé ce jeudi l'inauguration le 24 février sur l'île japonaise de Kyushu, de sa nouvelle usine de fabrication de puces, attendue de longue date. (Crédits : ANN WANG)

TSMC continue son plan d'expansion à l'étranger. Le géant taïwanais a annoncé ce jeudi l'inauguration le 24 février sur l'île japonaise de Kyushu, de sa nouvelle usine de fabrication de puces, attendue de longue date.« Nous organiserons une cérémonie d'ouverture » de cette usine « le 24 février et la production en volume est sur les rails pour le quatrième trimestre de 2024 », a déclaré le président de TSMC, Mark Liu, qui prendra sa retraite l'an prochain.

Cette « usine de technologie spéciale », basée à Kumamoto, utilisera « des procédés technologiques de 12 et 16 nanomètres et de 28 et 22 nanomètres », a-t-il alors précisé, lors d'une conférence téléphonique avec les investisseurs sur les résultats du groupe au quatrième trimestre 2023.

Lire aussiCes trois représailles chinoises qui menacent l'UE après l'arrêt des exportations de machines à fabriquer les puces d'ASML vers la Chine

Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), plus grand fabricant de micropuces sous contrat au monde, contrôle plus de la moitié de la production mondiale de puces utilisées dans tous les domaines, des smartphones aux missiles. Ces derniers temps, la stratégie de TSMC tourne autour de son expansion à l'étranger qui se base sur les besoins de ses clients ainsi que sur les subventions gouvernementales.

« Dans l'environnement actuel de mondialisation fracturé, notre stratégie consiste à étendre notre empreinte manufacturière mondiale afin d'accroître la confiance de nos clients, d'élargir notre potentiel de croissance future et d'atteindre davantage de talents internationaux », a souligné Mark Liu.

Semi-conducteurs : point de friction

Pour le Japon, cette usine fait ainsi partie du plan du gouvernement pour doper sa filière de semi-conducteurs. Il a déclaré l'année dernière qu'il prévoyait de dépenser 13 milliards de dollars pour stimuler la production nationale de semi-conducteurs d'importance stratégique et de technologies d'intelligence artificielle. Les tensions internationales se sont accrues ces dernières années autour du secteur stratégique des semi-conducteurs, ces composants électroniques indispensables au fonctionnement des smartphones, des voitures connectées ou consoles de jeu mais aussi d'équipements militaires.

La Chine et les Etats-Unis se livrent dès lors à une féroce bataille pour la suprématie technologique mondiale, et au nom de la sécurité nationale. Les semi-conducteurs sont aussi devenus un important point de friction dans les relations difficiles entre la Chine et le Japon, qui est un allié très proche de Washington.

Lire aussi« En se rendant aux États-Unis, Xi Jinping cherche surtout à relancer les investissements américains en Chine » (Marc Julienne, Ifri)

Taïwan au cœur des tensions géopolitiques

Mais ce sont surtout les relations entre la Chine et Taïwan qui aggravent les inquiétudes sur la sécurité en matière d'approvisionnement en puces électroniques. Taïwan, que la Chine entend reprendre, si nécessaire par la force, est au cœur des tensions sino-américaines, les Etats-Unis étant le principal fournisseur d'armes des autorités taïwanaises.

Car malgré sa petite taille, l'île démocratique est l'une des économies les plus importantes au monde, notamment en raison de son rôle de plaque tournante dans l'industrie des semi-conducteurs, indispensables à la confection des produits high-tech. Leader mondial des semi-conducteurs, TSMC fournit à lui seul près de 50% de la production mondiale de micropuces de taille inférieure à 10 nanomètres.

Et l'entreprise a pris une importance croissante dans le monde, en grande partie après que les États-Unis ont imposé des restrictions pour priver Pékin d'accès aux puces haut de gamme, aux équipements de fabrication et aux logiciels de conception des semi-conducteurs. Même s'il a étendu ailleurs ses lignes de production, TSMC est déterminé à « rester implanté à Taïwan », a déclaré en juillet le PDG du groupe, C.C. Wei lors de l'inauguration d'un nouveau centre de recherche et développement à Hsinchu, dans le Nord de l'île, où est basé l'essentiel de la production du groupe. Le président Mark Liu avait aussi estimé en juin que l'industrie taïwanaise des semi-conducteurs « joue un rôle stabilisateur au milieu des tensions géopolitiques mondiales », ajoutant : « Que ce soit la Chine ou les Etats-Unis (...) ils espèrent tous que TSMC soit là ».

Numéro d'équilibriste

Samedi dernier, les électeurs de Taïwan ont élu samedi à la présidence Lai Ching-te qui hérite d'une responsabilité supplémentaire concernant les semi-conducteurs, celle de trouver un équilibre face aux tensions entre Chine et États-Unis sur l'exportation de technologies. Face à la presse samedi soir, il a assuré vouloir apporter « un soutien fort à l'industrie des semi-conducteurs » alors que la Chine a décrit le président élu de Taïwan comme un dangereux séparatiste et menacé ses soutiens de conséquences néfastes.

« Toute la planète » serait affectée par une perturbation des échanges qui transitent par le détroit de Taïwan en raison de son importance pour le commerce mondial, a même mis en garde mercredi le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. Si les échanges commerciaux « venaient à être perturbés, cela toucherait toute la planète » et « c'est la dernière chose dont nous avons besoin » actuellement, a-t-il déclaré au Forum économique mondial à Davos. Il s'agit dès lors d'une « raison très concrète » pour maintenir la paix car « Taïwan joue un rôle disproportionné » à sa taille pour l'économie mondiale, a-t-il déclaré.

TSMC enregistre un chiffre d'affaires stable au troisième trimestre

Après une année 2023 « difficile » pour l'industrie mondiale des semi-conducteurs, « nous prévoyons que 2024 sera une année de croissance saine pour TSMC », compte tenu de la demande croissante de technologies d'intelligence artificielle (IA) générative, a estimé ce jeudi le PDG du groupe, C.C. Wei.

TSMC a annoncé que son bénéfice net avait chuté de 19,3% sur un an au dernier trimestre de 2023, à 238,7 milliards de dollars taïwanais (7,6 milliards de dollars américains), tandis que son chiffre d'affaires est resté « essentiellement stable ». Il faut dire que l'industrie des puces est confrontée à l'incertitude liée à une inflation élevée et à une croissance économique mondiale atone, causée en partie par les tensions géopolitiques.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 18/01/2024 à 15:29
Signaler
Une sage décision de TSMC. En établissant des installations de production au Japon et en Allemagne, TSMC minimise le risque de tout perdre si la Chine annexe Taïwan.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.