Depuis une quinzaine d'années, les usages numériques dans la vie privée ont pris de l'avance sur ceux de la vie professionnelle, concède Guillaume de Lavallade, directeur général de Hub One. Le patron de la filiale télécom du Groupe ADP (Aéroports de Paris) entend donc réduire cet écart avec l'inauguration de son réseau 4G professionnel, évolutif 5G, sur les trois aéroports parisiens Roissy, Orly et Le Bourget, développé en partenariat avec Air France.
Bande passante en abondance
L'ensemble des espaces extérieurs des trois aéroports sont désormais couverts par un réseau 4G professionnel en 2,6 gigahertz TDD (2570 ‑ 2620 MHz), bande de fréquences attribuée par l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques) en janvier 2020. Hub One a été la deuxième entreprise à obtenir cette licence, quelques jours après EDF. Pour Guillaume de Lavallade, ce réseau va permettre d'offrir « de la bande passante en abondance, une latence réduite, et de la sécurité ».
La 5G à partir de fin 2023
Ces capacités devraient se développer encore avec le déploiement de la 5G à partir de fin 2023. Pour le patron de Hub One, le passage par la 4G s'impose car l'écosystème complet est déjà opérationnel, notamment avec des terminaux portables durcis, au contraire de la 5G.
Selon François Munerot, directeur adjoint de la division Mobile Pro de Hub One, cette bande en 2,6 gigahertz ne présente aucun risque d'interférences avec les moyens de contrôle aérien ou l'avionique, même lorsque le service évoluera vers la 5G. La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) n'a ainsi émis des réserves qu'à l'encontre des antennes évoluant sur la bande en 3,5 gigahertz, utilisée par les opérateurs télécoms grand public.
Une couverture complète fin 2022
La couverture des espaces extérieurs a nécessité l'installation d'une centaine d'antennes sur les trois aéroports parisiens, avec une trentaine d'antennes macro-cellulaires et des micro-antennes destinées à relayer le signal. Le déploiement se poursuit désormais en intérieur : Orly doit finir d'être équipé en fin de l'année et Roissy d'ici fin 2022.
Hub One vise un taux de couverture de 98 %, afin de toucher les moindres recoins des infrastructures : aérogares, trieurs à bagages, sous-sols..., soit deux millions de mètres carrés. Elle met pour cela en place 26 réseaux d'antennes distribuées (DAS) et adapte ses réseaux existants de câbles rayonnants déjà installés. A titre de comparaison, EDF n'a eu besoin que d'un DAS pour couvrir l'ensemble de sa tour à La Défense.
Ce déploiement représente une quinzaine de millions d'euros d'investissement, répartis équitablement entre le Groupe ADP et sa filiale d'un côté et Air France de l'autre. Les trois partenaires ont sélectionné Athonet pour fournir le « cœur de réseau » 4G/5G, Ericsson comme équipementier et le français Streamwide pour développer l'applicatif, notamment la connexion entre les systèmes terminaux en 4G et les systèmes d'information des sociétés clientes.
Phase de transition
Première utilisatrice des aéroports parisiens, Air France tenait ainsi à avoir un partie du réseau dédiée pour ses besoins. La compagnie nationale devrait basculer ses communications sur 4G très rapidement et achever la transition en quelques mois.
De son côté, Hub One commercialisera ces nouvelles capacités de télécommunication aux autres acteurs présents à Roissy, Orly et au Bourget. Elle a déjà signé un premier contrat avec le transporteur de fret allemand DHL Express qui vient d'inaugurer son nouveau hub logistique dans la zone cargo de Roissy. L'objectif de Hub One est de proposer des solutions sur mesure à chaque client, possiblement clef-en-main avec la fourniture de terminaux adaptés, avec un coût variant notamment en fonction de la capacité et de la robustesse du service.
L'arrivée de la 4G, puis à terme de la 5G, doit permettre aux acteurs aéroportuaires de s'affranchir de réseaux désormais obsolètes par rapport aux évolutions permises par le très haut débit. François Munerot espère ainsi pouvoir fermer d'ici à deux ans le réseau de radiocommunication numérique Tetra, utilisé par talkie-walkie, et le réseau téléphonique sans fil DECT. Bien qu'efficaces, chacun étant utilisés par 10 000 personnes environ, ceux-ci étaient essentiellement limités à la transmission de la voix et un petit peu de données.
Vers l'abandon du Wi-Fi professionnel
L'étape suivante devrait être le remplacement du Wi-Fi professionnel pour les activités en zone publique mais aussi côté pistes. Celui-ci s'avère aujourd'hui très contraignant avec une bande passante limitée et une portée réduite obligeant à multiplier les antennes. Sur piste, les services d'assistances en escale n'ont accès au Wi-Fi pour leurs opérations que du côté droit de l'appareil, les ondes étant ensuite bloquées par l'avion. La mobilité est également limitée, avec des pertes de connexion lors du passage d'une borne à une autre.
Le passage à la 4G, et a fortiori à la 5G, va permettre d'apporter une garantie de service pour les utilisateurs, mais aussi le développement de nouveaux usages. La maintenance pourrait être l'un des premiers bénéficiaires : la connectivité accrue permettra par exemple à un technicien sur piste de solliciter l'assistance d'un expert à distance pour la vérification d'un moteur ou le recours à des solutions de réalité augmentée. Un cas d'usage qui peut être également appliquer à l'entretien du trieur à bagages du terminal 2E de Roissy.
Une brique du Smart Airport
Cela doit aussi contribuer au concept de « Smart Airport », comme le signale Edward Arkwright, directeur général exécutif du Groupe ADP et président de Hub One, qui vise la mise en œuvre « d'un parcours passager digitalisé et fluide, le plus facile possible ». La 4G pourra également être étendue pour des application liées à l'Internet des objets (IoT), même si le réseau LoRa actuel semble répondre aux attentes.
L'arrivée de la 4G va également permettre une réduction de la consommation d'énergie, avec notamment des matériels plus intelligents capables s'adapter au niveau d'activité en cours. Avec le remplacement du Tetra, du DECT et du Wi-Fi professionnel, le gain pourrait atteindre 20 %. La 5G pourrait encore multiplier ce chiffre par un facteur dix. Le résultat réel dépendra assez largement de l'utilisation faite, le renforcement de la connectivité amenant un développement de nouveaux usages.
Discussions en cours avec les opérateurs télécoms
Outre les acteurs aéronautiques ou affiliés, Hub One discute également avec les opérateurs télécoms. En raison des spécificités du monde aéroportuaire, il est difficile pour ces derniers d'installer des antennes ou de les maintenir. Dans les bâtiments récemment aménagés, la filiale d'ADP propose donc de s'occuper de la mise en œuvre des infrastructures et de les louer aux opérateurs.
Hub One veut même aller plus loin avec le concept de « neutral host », à savoir être un opérateur neutre et vendre de la capacité aux opérateurs commerciaux classique. Déjà présent dans le monde anglo-saxon, en Allemagne ou en Italie, ce modèle reste peu présent en France. Si des discussions sont engagées, le montage financier adéquat reste à déterminer.
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