C'est un « mayday » que Celeste va envoyer à son conseil d'administration, prochainement convoqué, et à ses investisseurs privés et locaux, afin de ne pas disparaître avant même d'avoir décollé. Après avoir obtenu son certificat de transporteur aérien au printemps 2023, la nouvelle compagnie bretonne pensait que la délivrance de sa licence d'exploitation par la direction générale de l'Aviation civile (DGAC) ne serait qu'une formalité. Il n'en est rien... car l'administration ne lui a finalement pas accordé la précieuse licence.
Fondée à Morlaix en 2021 avec le soutien de 59 entreprises et institutions dont la CCIMBO, le Medef, la Cpme29, l'UIMM Finistère et BTP Finistère, pour relier Brest à Orly - liaison abandonnée successivement par Air France, Transavia et Chalair - la compagnie avait planifié la commercialisation de ses vols et son entrée en piste à la fin de l'année 2023.
Entretemps, elle a perdu ses créneaux aéroportuaires à Orly faute d'avoir pu les utiliser, se recentrant sur un projet Brest-Nice. Or la DGAC a jugé le 28 mars que le niveau de financement de la compagnie n'était pas suffisant.
Il manque 30 à 40% du financement
Réfutant tout blocage de l'autorisation de Celeste, mais motivant son refus en s'appuyant sur les critères non dérogatoires auxquels doit répondre toute compagnie, la DGAC a fait savoir que « chaque compagnie aérienne détentrice d'une licence d'exploitation, bénéficiant ainsi du droit de vendre des billets au public, doit disposer des ressources suffisantes pour effectuer les vols qu'elle a commercialisés ».
Deux jours après le coup de pression raté, tenté par Loïg Chesnais-Girard, le président de la Région Bretagne, lors d'un échange avec la DGAC, celle-ci ajoute que « la solvabilité à un horizon de deux ans, sur la base d'hypothèses crédibles » ne serait pas assurée, pointant un manque de financement initial entre 30 et 40% du seuil acceptable.
Alors que la liaison Brest-Orly était devenue symbolique de l'insuffisance de la desserte TGV pour les chefs d'entreprise, la ligne Brest-Nice, qui s'adressera davantage aux vacanciers, peut aussi sembler moins intéressante pour le désenclavement économique de la pointe bretonne. La DGAC doute par ailleurs que Celeste et son bombardier CRJ de 100 places puissent rivaliser avec la low-cost Volotea. La compagnie espagnole a inauguré à Brest sa neuvième base en France et assure déjà des liaisons vers d'autres métropoles régionales, dont Nice, avant l'ouverture de treize nouvelles routes vers l'Italie, la Grèce, le Portugal.
« Pas de nouveaux éléments »
Jointe par La Tribune, la société Céleste n'a pas souhaité répondre à nos questions, estimant qu'elle ne disposait « pas d'éléments nouveaux de son côté ». Également interrogée, la Région Bretagne se contente de dire qu'elle ne peut pas se prononcer sur un éventuel changement de modèle économique, mais que son « soutien financier était conditionné à l'apport de capitaux privés ».
Devant la fin de non-recevoir de la DGAC, Celeste a toutefois contesté l'appréciation économique de l'administration chargée de réglementer et de superviser la sécurité aérienne, alertant sur le fait que « le blocage de l'autorisation par la DGAC lui fait peser un risque à très court terme ». « Notre budget de 8,3 millions d'euros est conforme au montant fixé par la Direction du transport aérien (DTA) en juin 2023 » a, en outre, réagi Bruno Besnehard, cofondateur et président de Celeste.
Depuis sa création, la compagnie a été soutenue par les collectivités via des avances remboursables à hauteur de 1,5 million d'euros pour Morlaix Agglomération, 500.000 euros pour Brest métropole et un million d'euros pour la Région Bretagne avec participation à 50% de fonds privés.
En péril, la compagnie pourrait devoir licencier sa dizaine de salariés et perdre les investissements réalisés jusque-là. D'autant qu'au sein de Morlaix Communauté, et plus largement parmi les élus écologistes régionaux, le soutien à l'aéronautique et à Celeste fait débat « au vu de la situation de la planète ».
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