Cela fait déjà plusieurs années que Maître Marie Dosé, avocate à la Cour de Paris, défend Ghyslain Wattrelos, dont quatre membres de la famille ont disparu avec le vol MH370. Le fait que ces derniers soient des ressortissants français a déclenché l'ouverture d'une instruction par la justice française, la seule encore en cours aujourd'hui.
Si la femme de loi ne « doute pas du travail des enquêteurs français », elle déplore la lenteur de l'investigation. « Depuis près de deux ans, le dossier n'a pas avancé », constate-t-elle. Avant d'ajouter qu'il est possible que les magistrats instructeurs « donnent des nouveaux éléments dans les prochaines semaines et prochains mois ».
Quoi qu'il en soit, Maître Marie Dosé souligne qu'aujourd'hui, « de nombreuses questions très précises n'ont pas de réponses » : données satellites incomplètes, investigations non effectuées sur certains passagers, doute sur le contrôle de plusieurs voyageurs à l'embarquement, difficultés à obtenir des données de la part de Boeing et des Etats-Unis, etc. Explications dans cette interview exclusive.
LA TRIBUNE - Dix ans après la disparition du MH370, il ne reste qu'une enquête judiciaire en cours, celle de la France. Qu'en attendez-vous globalement ?
MAÎTRE MARIE DOSÉ - Tout, puisqu'il n'en reste plus qu'une. Les juges d'instruction saisis sont d'une grande qualité mais ce dossier, comme beaucoup d'autres, a souffert du départ d'une magistrate particulièrement impliquée pendant des années qui avait une maîtrise parfaite des tenants et aboutissants de cette affaire. De retour à l'instruction à Paris, elle a été désignée en qualité de troisième juge, et c'est un atout.
Quelles sont vos demandes les plus importantes dans l'immédiat ?
Il est difficile de savoir l'importance qu'auront nos interrogations... Par exemple, nous persistons à ne pas comprendre pourquoi les photographies des deux passagers Iraniens publiées dans la presse quelques jours après la disparition ont été « photoshopées » [retouchées via un logiciel, ndlr]. Nous nous interrogeons encore et toujours sur le fait qu'ait été évoquée, au début des investigations, une perte de contact radar à 2h40, puis à 1h30.
Certains passagers en classe affaires n'ont fait l'objet d'aucune investigation, et nous ignorons toujours sur quel élément tangible la Malaisie a déclaré que le flaperon [élément mobile de la voilure, ndlr] retrouvé sur une plage de l'Ile de la Réunion, en France, appartenait bien au MH370. Enfin et surtout, nous n'avons pas obtenu les « raw data » [données brutes, ndlr] de la société britannique de communications par satellite Inmarsat, sur laquelle se base le scénario d'un changement de trajectoire de l'avion vers l'océan Indien.
Au regard des éléments de l'enquête en votre possession, quels sont ceux les plus troublants ?
La réticence des Etats-Unis, et tout particulièrement du FBI (Federal Bureau of Investigation), à participer à la manifestation de la vérité et à répondre à des questions précises.
Personnellement, avez-vous des convictions concernant le déroulé de ce vol ?
Je m'efforce de ne pas en avoir, mais je partage celles de mon client, Ghyslain Wattrelos, dont quatre membres de la famille faisaient partie des passagers du MH370 [dans les médias, ce proche a plusieurs fois alerté sur les lacunes de l'enquête malaisienne, ndlr].
Certains savent-ils ce qu'il s'est réellement passé (pays, enquêteurs, autorités, industriels) ?
Les Etats-Unis et la Malaisie détiennent assurément des informations qui nous permettraient d'accéder à la vérité dans ce dossier. L'avionneur américain Boeing se réfugie derrière le secret industriel pour répondre a minima aux interrogations qui sont les nôtres. Les magistrats et les enquêteurs saisis ont toute notre confiance, et nous espérons que de nouvelles investigations vont pouvoir être menées en Malaisie et aux Etats-Unis.
Membre de la famille des quatre passagers français disparus, Ghyslain Wattrelos partage à La Tribune son état d'esprit « Aujourd'hui, je vais très bien, j'ai refait ma vie, je me suis lancé dans un projet entrepreneurial et mon fils va aussi très bien. Je suis donc dans un état d'esprit beaucoup plus positif qu'il y a 10 ans. Cela me permet d'être plus solide et de tenir face à ce "mensonge", cela me permet aussi d'avoir encore plus d'énergie pour mener ce combat pour la vérité. La colère est partie, la volonté de savoir reste intacte. »
Sujets les + commentés