Taxis, VTC : quelles sont les clefs du succès d'une plateforme type Uber ?

Ce n'est plus tellement la technologie, devenue très accessible pour les professionnels du transport, qui fait désormais le succès d'une plateforme. Des outils comme ceux proposés par QUp permettent en effet de mettre tous les acteurs à niveau, même les plus petits.
Mounia Van de Casteele
En attendant la mise au point de véhicules autonomes, sur lesquels planchent tous les acteurs de l'écosystème de la mobilité, les plateformes doivent miser sur leurs partenaires chauffeurs, sans lesquels elles ne sont plus rien.

Incontestablement, le géant Uber, a, en 5 ans à peine, réussi le pari fou de garantir la commande d'une voiture avec chauffeur (VTC) en moins de trois minutes. Uber a bouleversé les usages grâce à la technologie. A l'époque, il était révolutionnaire de pouvoir réserver un VTC en quelques clics, quand un taxi semblait à beaucoup de Français inaccessible tant en termes de prix, de disponibilité, que de qualité, dans laquelle on inclut l'amabilité du chauffeur, bien entendu. Depuis, la donne a changé. La plupart des taxis se sont alignés sur le modèle VTC, afin de reconquérir les potentiels clients perdus. L'arrivée d'Uber a donc été bénéfique pour le client de ce point de vue. Et ça, tous les acteurs en conviennent, des experts aux chauffeurs de taxis, en passant par les centrales de réservation Taxis Bleus ou G7.

Une avance technologique...

L'avantage d'Uber résidait surtout dans la nouvelle technologie utilisée de manière efficace dans le secteur du transport public de personnes à la demande. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle la jeune pousse se présentait comme une "plateforme technologique". Avec l'objectif d'atteindre une masse critique suffisante pour mettre en relation passagers et chauffeurs aussi rapidement que possible. Cependant, là encore, la donne a changé puisque, comme l'a mentionné Laurent Grandguillaume dans la loi régulant le secteur qui porte son nom, qu'il s'agisse d'Uber, de Chauffeur-Privé, Le Cab, Taxis Bleus ou G7 (groupe Rousselet), ces entreprises remplissent toute la fonction d'intermédiaire entre passagers et chauffeurs, professionnels qu'ils mettent en relation par le biais de leur application.

...désormais rattrapée

Tout se fait dorénavant par le biais des smartphones, et même les plus petits groupements de taxis régionaux peuvent désormais avoir chacun une application à leur nom avec leur propre logo, notamment grâce à la solution "clef en main" en marque blanche de QUp. Cette entreprise sino-américaine souhaite accompagner les flottes locales dans la digitalisation de leur profession. Et leur facilite la tâche avec un centre de "dispatch" manuel ou automatique, une application passager, une application chauffeur, ainsi qu'une application partenaire à destination des hôtels, agences de voyage... Bref, un véritable outil technologique qui place les professionnels du transport sur un pied d'égalité avec le concurrent numéro un des taxis et VTC : l'américain Uber. "Le système QUp accompagne déjà plus de 145 flottes à travers le monde dans la reconquête de leur secteur d'activité", explique à La Tribune Yann Azran le Directeur général France. La jeune pousse française Yuso, créée par Benoît Richard et Bertrand Altmayer, les fondateurs du VTCiste Marcel, fait exactement la même chose. Elle équipe 10.000 véhicules, 50 clients dont des acteurs majeurs tels que Marcel, bien entendu, le leader des taxis au Luxembourg Webtaxi, et la plateforme de livraison à la demande Gégé (Vir Transport).

Des intermédiaires entre consommateurs et chauffeurs professionnels

C'est pour cela que la loi Grandguillaume met toutes les applications de taxis ou de VTC dans le même sac, les considérant comme des "plateformes de réservation", relevant du code des Transports. Notons d'ailleurs à cet égard que selon la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), l'entreprise Uber relève bien du secteur des transports, et ne peut donc plus se réfugier derrière son statut d'entreprise de technologie comme elle le faisait jusqu'à présent. Ce qui ne change pas grand chose dans la mesure, où, comme nous venons de le mentionner, la loi Grandguillaume avait déjà rebattu les cartes au niveau de son statut, afin de défendre les pots de terre (les chauffeurs) contre les pots de fer (les plateformes), pour reprendre les mots de l'ancien député de Côte d'Or.

Un atout humain

Mais alors, si la technologie n'est plus l'atout d'Uber, ni celui des autres plateformes, étant donné que grâce à des solutions technologiques comme QUp, toutes ces applications pour mobile sont mises au même niveau ; que leur reste-t-il alors pour faire la différence auprès de l'usager ? Si l'on part du principe que le marché régule les prix, et que ceux-ci ne varient pas sensiblement d'une application à l'autre, reste alors le service en lui-même. C'est-à-dire le chauffeur. C'est, semble-t-il, le nouveau défi à relever pour les plateformes. L'objectif étant de pouvoir compter suffisamment de partenaires chauffeurs pour satisfaire la demande passagers, tout en régulant leur temps de travail dans un souci de sécurité, comme le suggère Chabé, mais sans trop s'immiscer non plus dans leurs conditions de travail pour ne pas risquer une requalification des contrats partenaires en CDI. Le tout, en leur garantissant un revenu correct, ou du moins une commission prélevée par course pas trop élevée ; sans que cela ne pèse trop sur le prix de la course pour le passager. C'est ce à quoi travaillent Uber ou encore Marcel, qui ont très tôt mis en place des groupes de travail avec les chauffeurs, afin de trouver des solutions mutuellement satisfaisantes. Soucieux des conditions de travail des chauffeurs, Marcel avait déjà instauré la commission la plus basse du marché à 15%, contre 25% pour Uber par exemple. Ce dernier réfléchit à des prix variables en fonction de la saison. Le tarif d'un trajet serait ainsi plus élevé l'été et moins cher l'hiver.

Des conditions de travail à encadrer

Car certes, "ces plateformes multifaces constituent une opportunité (...) pour les gens qui n'ont pas de travail ou des emplois mal payés ou qui restent à la maison sans trouver d'emploi ou sans pouvoir nourrir la famille", selon David Evans, de l'University College of London, auteur avec son collègue du MIT (Massachusetts Institute of Technology) Richard Schmalensee, du livre "De précieux intermédiaires", qui conseille nombre de ces sociétés. Cependant, ce ne sont pas les offres de partenariat qui manquent dans le paysage. D'où la nécessité pour une plateforme d'être la plus attractive possible. Or depuis la baisse des prix imposée arbitrairement à ses partenaires par Uber en 2015, les chauffeurs ont commencé à se détourner vigoureusement de l'application américaine. Le mécontentement était tel que cela a abouti à une médiation gouvernementale menée par Jacques Rapoport, qui, après avoir analysé la situation, a suggéré la mise ne place d'un tarif minimum pour les chauffeurs. Un dossier sur lequel est censé plancher le gouvernement. Dans ses conclusions, le médiateur a évoqué l'histoire d'un "amour déçu" entre Uber et les partenaires chauffeurs. En effet, ceux-ci s'étaient habitués aux conditions de travail des premiers temps, quand Uber est arrivé sur le marché en 2012 (des courses bien rémunérées en berline, des compensations et incitations financières pour répondre présent, etc.), et n'ont pas accepté le nouveau modèle, plus low cost d'UberX depuis la suspension du service entre particuliers UberPop qui a vraiment tiré les prix vers le bas pour tout le secteur. Et qui est ressenti par certains observateurs comme une qualité moindre de la prestation proposée par Uber, qui évoque juste une service différent : UberX, plus bas de gamme et meilleur marché que UberBerline ou UberVan - des services facturés le double de l'offre UberX ou UberGreen.

Une forte concurrence

En outre, la cascade de récentes polémiques ayant entaché l'image d'Uber, n'a pas arrangé les choses. Non seulement, cela s'est traduit par une ribambelle de départs à la direction de l'entreprise, mais en plus, depuis, ses concurrents français assurent recruter beaucoup de chauffeurs déçus d'Uber, comme Le Cab, récemment racheté par Keolis, filiale de la SNCF ou encore Marcel. Outre-Atlantique également, les déboires d'Uber font les choux gras de ses concurrents. A l'instar de Lyft qui aurait désormais acquis une part de marché de 20% aux Etats-Unis. Ou de Didi, en passe de dominer le marché mondial. Le leader du marché chinois a en effet fait abdiquer Uber dans le pays, et désormais, l'application de Didi, également disponible en anglais dans l'ex Empire du Milieu est, comme Uber, utilisable sur tout le globe. Soutenue par des géants du web et de la finance, grâce à sa dernière levée de fonds, Didi est en outre devenue la deuxième startup la plus chère du monde derrière sa rivale américaine.

C'est sans doute pour toutes ces raisons que son fondateur Travis Kalanick vient de quitter définitivement l'entreprise, à la demande de ses actionnaires. Histoire de ne pas rebuter de potentiels investisseurs, alors que la valorisation capitalistique de la licorne (startup non cotée en Bourse pesant plus d'un milliard de dollars) flirte avec le vertigineux montant de quelque 70 milliards de dollars. Ce qui semble totalement déconnecté de la réalité économique de l'entreprise dont les pertes financières sont astronomiques.

Alors en attendant la mise au point de véhicules autonomes, sur lesquels planchent tous les acteurs de l'écosystème de la mobilité, les plateformes ont intérêt à se soucier en priorité de leurs ressources humaines, les chauffeurs, dont leur existence dépend. Car pour l'heure, sans chauffeurs, elles ne sont plus rien.

Mounia Van de Casteele

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Commentaire 1
à écrit le 21/06/2017 à 18:10
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Le système Ueber ( à terme ) ne peut fonctionner qu'avec des taxis " autoentrepreneurs ", qui doivent en plus veiller à ce qu'ils ne travaillent pas pour une seul donneur d'ordre, et si on jette en pâture la profession actuelle des taxis, avec toutes...

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