Circuits courts, recyclage... 14 solutions consensuelles pour le monde d'après

Un consensus sur lequel bâtir le "monde d'après" existe, révèle une consultation publique menée par Make.org avec six autres organisations. L'alimentation, l'environnement et les politiques économiques réunissent les idées les plus plébiscitées.
Giulietta Gamberini
Les Français souhaitent notamment favoriser la consommation locale et les circuits de proximité: des modèles de distribution que le chamboulement des chaînes d'approvisionnement traditionnelles a mis en valeur pendant le confinement.
Les Français souhaitent notamment "favoriser la consommation locale et les circuits de proximité": des modèles de distribution que le chamboulement des chaînes d'approvisionnement traditionnelles a mis en valeur pendant le confinement. (Crédits : Reuters)

"Il ne s'agit pas d'une étude, mais d'une mobilisation".

Ainsi Axel Dauchez, président de Make.org, résume le sens de la consultation publique lancée le 10 avril par la plateforme avec six autres organisations: la Croix-Rouge française, le WWF France, le Groupe SOS, Unis-Cité, La Meute d'amour et le Mouvement UP. L'objectif est, en effet, aussi clair qu'assumé: identifier, parmi les nombreuses idées qui circulent pour sortir par le haut de la crise liée au Covid-19, celles qui non seulement mobilisent le plus les Français, mais qui dégagent aussi un consensus.

Des "points communs" importants car susceptibles non seulement d'"être opérants", en suggérant des voies d'action potentiellement réussies, mais aussi, malgré les clivages apparents, de "permettre une reconciliation de la société" , explique Alex Dauchez.

Une forte envie de participer à la réflexion

Or les résultats, publiés le 28 mai, confirment qu'un consensus sur lequel s'appuyer existe. Tout d'abord sur l'envie partagée par les Français de participer à la réflexion autour de la question ouverte qui leur était posée: "Comment inventer tous ensemble le monde d'après?". Quelque 165.000 personnes, représentatives de toutes les régions et de toutes les tranches d'âges, y ont répondu, soit en formulant directement 20.000 propositions, soit en exprimant leur avis via 1,7 million de votes sur les idées d'autrui.

"Le taux de proposition à été dix fois supérieur à celui habituel de notre plateforme", note Axel Dauchez.

Mais un consensus existe aussi sur le fond, notamment sur trois sujets plébiscités par les Français: l'alimentation, l'environnement et les politiques économiques, qui inspirent une dizaine de solutions considérées comme prioritaires. Trois autres thèmes, incarnés par autant de propositions, semblent aussi mettre d'accord une large partie de la population: l'éducation, la santé et la démocratie.

Circuits courts et agroécologie

Deux idées concernant l'alimentation émergent particulièrement de la consultation. Les participants souhaitent "favoriser la consommation locale et les circuits de proximité": des modèles de distribution que le chamboulement des chaînes d'approvisionnement traditionnelles a mis en valeur pendant le confinement, et que de nombreux Français voudraient à présent pérenniser.

Lire: Agriculture: la crise conforte le modèle, plus résilient, des circuits courts

L'inquiétude autour de la souveraineté alimentaire de la France, mais aussi pour les conséquences de l'agriculture conventionnelle sur l'environnement, inspire aussi le désir de "se diriger vers une agriculture alternative": expression qui inclut des modèles variés, du bio à la permaculture, mais aussi des modes plus durables de pêche et d'élevage, explique Axel Dauchez.

Lire: Coronavirus: vers quelle souveraineté alimentaire dans le monde d'après?

Moins de déchets et plus de relocalisations

En matière d'environnement au sens large, c'est l'idée de "limiter la production de déchets, notamment les emballages et le plastique, et de favoriser le recyclage", qui emporte le plus de suffrages. Les Français veulent toutefois aussi "progresser vers la ville durable", "favoriser les mobilités écologiques" -douces et partagées- et "limiter les transports polluants", "augmenter la durée de vie des produits" et "protéger la biodiversité".

Lire: Le plastique jetable, grand gagnant du déconfinement?

Quant aux politiques économiques, ils semblent avoir pris conscience que "la création de richesses n'a de sens que si elle s'articule avec la transition écologique et la solidarité", résume Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS. Ils prônent alors surtout la "relocalisation de certains secteurs stratégiques en France et en Europe": une leçon tirée de la crise du coronavirus. Mais ils veulent aussi "mettre l'environnement et le social au coeur des politiques publiques et de la fiscalité" et "mieux considérer les métiers essentiels". Révélant des questionnements plus larges autour de la nécessité d'évoluer vers un capitalisme plus responsable, ils proposent de "modifier en profondeur notre modèle économique pour un système plus soutenable".

Lire: Coronavirus : "Face à cette crise, la notion de relocalisation ne suffira pas"

Une santé mieux lotie et une éducation plus humaine

Les métiers de la santé et les hôpitaux, au coeur de la crise, sont néanmoins aussi au centre des préocupations des Français, qui souhaitent "rendre plus attractifs" les premiers et "donner plus de moyens" aux deuxièmes.

"L'enjeu pour ces métiers, qui répondent à la demande de sens des plus jeunes, n'est pas seulement de revaloriser les salaires, mais aussi d'améliorer les parcours de carrière et le management", explique Jean-Christophe Combe, directeur général de la Croix-Rouge française.

Les participants à la consultation s'intéressent aussi à l'éducation, qu'ils voudraient "repenser en faveur de l'humain comme de l'environnement".

"Il s'agit de fonder dorénavant l'éducation sur la coopération autour de la recherche de nouvelles solutions, plutôt que sur l'apprentissage passif de ce qui existe déjà", résume William Elland Goldsmith, directeur général du Mouvement UP.

Six idées controversées

Une idée transversale réunit enfin cet ensemble de propositions: "améliorer notre fonctionnement démocratique, en donnant plus de pouvoir d'action et de décision aux citoyens", selon une approche de proximité.

"L'intérêt pour le bénévolat, y compris pendant le confinement, confirme d'ailleurs cette envie d'agir", note Marie Trellu-Kane, présidente d'Unis-Cité.

Aux côtés des propositions plébiscitées, la consultation fait en revanche aussi émerger six idées "controversées", témoignant d'un clivage important parmi les citoyens, entre ceux qui y adhèrent fortement (votes "pour" et mentions "coup de coeur") et ceux qui les rejettent fermement (votes "contre" et mentions "surtout pas"): instaurer un revenu universel, interdire le déploiement de la 5G, modifier les règles de l'impôt sur les revenus et le patrimoine (notamment en ciblant les plus riches), nationaliser certains secteurs (comme la santé, l'énergie, les transports, toutes les écoles), réduire le temps de travail hebdomadaire, sortir du nucléaire.

Lire: Les 30 propositions de 60 parlementaires pour le jour d'après

Un plan d'action révélé fin juin

Dans l'intention des organisateurs de la consultation, l'identification des propositions plébiscitées n'est que le "point de départ d'une nouvelle dynamique", incluant la société civile comme les pouvoirs publics.

"Il faut profiter de la communauté d'épreuve (la crise sanitaire et économique, NDLR) et la transformer en communauté d'action", souligne Axel Dauchez.

L'enjeu est donc désormais tout d'abord de recenser, pour chaque enjeu partagé, les actions publiques ou privées déjà en cours, puis créer des formes de coordination. "Nous nous engageons à traduire les propositions les plus plébiscitées en mesures concrètes pour influencer le plan de relance sur lequel travaille le gouvernement", promet par exemple le WWF France qui, en matière alimentaire, alerte notamment sur la nécessité de surveiller l'élaboration de la prochaine politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne, comme des plans stratégiques nationaux destinés à la mettre en oeuvre.

Lire: Alimentation : les ONG plaident pour une stratégie européenne verte et sociale

"Un plan d'action d'ensemble sera révélé fin juin, et le bilan des premiers résultats en octobre", promet Make.org.

Lire: "La crise du coronavirus souligne l'exigence de plans alimentaires nationaux"

La clé de la proximité

Mais beaucoup d'espoirs résident d'ores et déjà dans la dimension locale. Pour promouvoir les circuits courts, le WWF France suggère par exemple aux collectivités de se servir du levier des marchés publics. "Les solutions se trouvent dans les dynamiques de territoires et la confiance retrouvée dans les acteurs associatifs, économiques, sociaux et politiques de proximité", estime pour sa part Jean-Christophe Combe, qui souligne:

"Il ne faut pas tout attendre des autres, le monde d'après sera ce que nous en ferons : la refondation sociale et environnementale dépend de chacun d'entre nous".

Lire: Face au Covid-19, les villes françaises réinventent leurs stratégies alimentaires

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 29/05/2020 à 10:02
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C'est toujours la récupération des études pour imposer une vision de l'avenir qui est un problème... elles finissent toujours par être administrativement mise en place dans "des réformes" en poursuivant toujours le même dogme d'origine! Elles servent...

à écrit le 29/05/2020 à 9:26
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" "Comment inventer tous ensemble le monde d'après?"" Comment intégrer dans le "tous ensemble" les mégas riches du monde qui ont tous les capitaux et outils de production surtout !? Parce que sans eux, même la bonne volonté de milliards de gens n...

à écrit le 28/05/2020 à 23:37
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165.000 personnes soit moins d'un quart de pourcent des français, et 20.000 propositions soit 8 personnes par proposition ! Rien de représentatif puisque participation volontaire (évidemment des personnes intéressées par la production locale et l'au...

à écrit le 28/05/2020 à 22:33
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Ouais !! Mais il va falloir y mettre le paquet avec les aides de la PAC, tt en reconfigurant le logiciel de la Fnsea ( ce qui est loin d'être gagné !) pour s'orienter à marche forcée ds la production de qualité de proximité alimentant les circuits co...

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