En attendant la récession qui ne vient pas, voyons la vie en rose !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Le tournant de la rigueur, vraiment ? Emmanuel Macron tente avec ce mini-remaniement estival de redonner un cap à son action. Santé, Education, Logement, Transition écologique, le tout sous une contrainte budgétaire inédite. La France, pour l'heure, échappe à la récession. Croisons les doigts pour vivre un été rose comme Barbie, le film iconique qui se moque du pinkwashing.
Philippe Mabille
(Crédits : DR)

Simple « Ajustement » ce « remaniement » qui ne dit pas son nom ? Un vrai « renforcement », selon les éléments de langage d'Olivier Véran, le porte-parole conforté du gouvernement Borne III ? L'avenir le dira, car pour l'heure, bien malin qui trouvera un véritable nouveau cap politique dans le remplacement de quelques ministres de la société civile, qui n'ont guère marqué leur territoire ni leur époque de leur empreinte, par quelques fidèles du chef de l'Etat.

Pour le DRH de l'Elysée, ce mini-remaniement consiste surtout à mettre sur orbite une génération Macron, composée de jeunes talents choisis avec soin pour incarner et consolider le macronisme. Gabriel Attal, l'un des rescapés de la période de conquête du pouvoir, promu à 34 ans à l'Éducation est appelé à proposer un plan Marshall pour l'école de la République, à défaut de le faire pour la baisse des impôts des classes moyennes, qui ne semble plus la priorité.

Aurélien Rousseau, autre proche du chef de l'Etat, à la Santé, l'autre « homme malade » avec l'éducation de la société française, va avoir la lourde tâche de réparer l'hôpital et de redonner une cohérence à une politique du médicament devenu un bateau ivre, perdu entre les objectifs comptables et l'ambition d'inventer la médecine du futur.

Trois talents des territoires aussi, avec les Municipales de 2026 en vue (sans oublier que Gabriel Attal ambitionne de remplacer Hidalgo à Paris) : Thomas Cazenave à Bordeaux, à qui Macron confie le soin de « remettre de l'ordre dans les finances publiques » au ministère du Budget et des Comptes Publics : Sabrina Agresti Roubache à Marseille, en charge de la politique de la Ville, au sortir du choc des émeutes urbaines qui n'ont pas épargné la cité phocéenne ; et enfin Patrice Vergriete à Dunkerque, nouveau ministre du Logement, autre priorité affichée par ce mini chamboule-tout gouvernemental.

Un secteur du logement qui traverse une de ses plus graves crises, au point que le nouveau président du Medef, Patrick Martin en fait lui aussi une priorité, en appelant à ses côtés la patronne de Nexity au conseil exécutif du patronat. Véronique Bédague, qui s'est offert le luxe de refuser Matignon et de dire non au président, portera fort cet enjeu auprès du nouveau ministre dont la nomination redonne de l'espoir aux professionnels qui avaient peu apprécié de voir les propositions choc du CNR Logement être enterrées par Elisabeth Borne.

Éducation, santé, logement, rétablissement des comptes publics, voici donc les grands chantiers de la rentrée alors que les Français profitent enfin de quelques jours de répit avec les vacances d'été. Reste à savoir s'ils sont compatibles car le temps de l'abondance est bien terminé pour les finances publiques, alors que de nouvelles hausses des taux sont encore attendues par les banques centrales, la BCE et la Fed, tant que l'inflation restera sur un plateau élevé.

L'agenda de la rentrée va s'organiser autour de deux grands défis : le premier est sportif avec l'organisation consécutive de la coupe du monde de Rugby cet automne puis des Jeux Olympiques dans un an ; le second est la planification écologique qui va atteindre le cap des mesures concrètes et difficiles à prendre. La prochaine loi de finances pour 2024 en portera la trace avec 7 milliards d'euros de dépenses pour la transition écologique annoncés par la Première ministre : on y trouvera pêle-mêle le renforcement de MaPrimeRénov, le leasing à 100 euros par mois pour l'achat d'un véhicule électrique par les ménages modestes et l'accélération de l'investissement dans les ENR. Mais la conséquence la plus concrète pour la plupart des ménages sera la hausse de 10% des prix de l'électricité au 1er août qui ne sera pas compensé par le bouclier tarifaire au-dessus d'un seuil encore à définir. Ce n'est que la première des mauvaises nouvelles de la rentrée. Avec un budget plus rigoureux, l'Etat si généreux depuis le Covid va commencer à serrer la vis.

Sur le plan social, enfin, les sujets mis sous le tapis vont fatalement retrouver du souffle à la rentrée. Alors que la réforme des retraites commencera à s'appliquer en septembre, les seniors et les entreprises qui les emploient attendent encore de connaître le sort qui sera réservé aux questions d'usure professionnelle et de prise en compte de la pénibilité. Le gouvernement a habilement renvoyé le ballon aux partenaires sociaux, dont les principaux, le Medef, la CGT et la CFDT viennent de changer de tête. Mais il faut s'attendre au retour des conflits sociaux à l'automne si aucune réponse satisfaisante n'intervient. Autre question qui préoccupe beaucoup les entreprises, le partage de la valeur avec la montée des attentes salariales pour achever de compenser les 10% d'inflation constatés sur les deux dernières années. Même si l'inflation commence lentement à refluer, les prix de l'alimentation notamment restent sur un plateau élevé et le pouvoir d'achat va rester la priorité majeure des Français à la rentrée. Alors que le climat des affaires entre en zone dangereuse, la France échappera-t-elle à la récession ?

Pour l'heure, pas de danger et la Bourse de Paris se paye même le luxe de s'afficher comme la première capitalisation boursière européenne, se félicite le gouverneur de la Banque de France : avec 3000 milliards d'euros, la capitalisation de nos entreprises cotées est tout juste égale à la valeur de notre dette publique. Dans l'idéal, il faudrait que la première continue de progresser et que la seconde décroisse. Mais ce n'est pas gagné... Une chose est sûre, le choix de la rigueur budgétaire risque de ne pas arranger les choses et Emmanuel Macron aura fort à faire pour doser la politique budgétaire dans les mois qui viennent.

En attendant d'y voir plus clair à la rentrée, VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE prend quelques semaines de congés et sera de retour le samedi 26 août. D'ici là, nous vous invitons, à l'image de notre logo exceptionnellement mis aux couleurs du film iconique Barbie (merci l'intelligence artificielle), à voir la vie en rose et à prendre soin de vous et de vos proches pour un très bel été. Cette comédie piquante est à la fois un coup de génie marketing et un bon antidote au pinkwashing !

PS. Promis, cet article n'a pas été rédigé avec une IA, ni par ChatGPT, ni par Bard de Google. Mais cela pourrait bien changer puisque Google a annoncé développer un nouvel outil pour rédiger des articles de presse, testé actuellement au New York Times. Un projet baptisé Genesis (pas le groupe de musique psyché) jugé « perturbant » par de nombreux dirigeants de médias. Journalistes de tous les pays, unissez-vous ou mettez-vous à l'IA si vous ne voulez pas disparaître...

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Foot business. Pour son dernier entretien du Jeudy avant la rentrée, Bruno Jeudy a interrogé l'ex patron de l'OL, fondateur de Cegid. Jean-Michel Aulas ne mâche pas ses mots : oui, « le foot peut rendre fou » et il craint des scandales si le football n'est pas mieux régulé. Avec un portrait de Jean-Michel Aulas, qui reste dans le football à l'occasion de la Coupe du monde de football féminin en Nouvelle-Zélande.

US Go Home. La nomination à l'antitrust européen de cette économiste américaine, ancienne de l'administration Obama et ex-consultante pour les Gafam, à un poste clé de la Commission européenne lié à la régulation des géants de la tech avait suscité une vive polémique et l'opposition de plusieurs élus européens et du gouvernement français. Fiona Scott Morton a finalement jeté l'éponge, un camouflet pour Ursula von der Leyen la présidente de la commission et pour Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence et une bien mauvaise publicité pour l'Europe de Bruxelles à moins d'un an des élections européennes.

Casino royal ? Épilogue pour Casino. Les jeux sont faits, rien ne va plus et c'est Daniel Kretinsky, le milliardaire tchèque associé à Fimalac qui est en passe d'emporter la mise, devant l'offre Niel-Pigasse-Zouari obligés de jeter l'éponge. On attend de connaître en détail des pertes pour les créanciers de ce krach de l'un des plus gros LBO de la place de Paris. Ironie de l'histoire, Jean-Charles Naouri, l'homme qui a créé les valeurs du Trésor et modernisé la dette de l'Etat sombre d'une indigestion de dettes privées. Lâché par les banques, il n'avait plus trop le choix.

Philippe Mabille - Directeur de la rédaction

Twitter @phmabille

Philippe Mabille

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Commentaires 7
à écrit le 25/07/2023 à 6:44
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Profitez de l'ete, vu la degringolade des indices, ce sera du noir en septembre.

à écrit le 24/07/2023 à 12:35
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Il est vrai que baisser l'impôt sur le revenu contribue à accroitre un déficit passé dans les (mauvaises) habitudes gouvernementales sans que quiconque s'en émeuve vraiment. Que fait notre Chambre aux Députés Absents? Le Tiers Etat de 1789 n'était, i...

à écrit le 24/07/2023 à 4:50
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Vivement septembre.

à écrit le 22/07/2023 à 19:31
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Oh vite la vie en rose tellement souhaitée par Macron mais l’Insee ne dit pas ça de la France : niveau record de pauvreté à 14% soit 9 millions de français qui peuvent plus subvenir au nécessaire et pas un mot du président

à écrit le 22/07/2023 à 12:48
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Entrez dans le magasin en gagnant le SMIC et vous verrez le réalismeI

à écrit le 22/07/2023 à 10:18
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Pourtant avec 800 milliards de dettes supplémentaires on peut pas dire qu'ils n'ont pas essayé ! C'est pas de la mauvaise volonté. Mais patience encore 4 ans à venir...

à écrit le 22/07/2023 à 8:56
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"voyons la vie en rose !" C'est une pub pour le film Barbie ?

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