IA générative : les géants de la tech face au verdict du marché

Copilot, Firefly, Duet AI, Dream Screen...Microsoft, Google, Amazon, Adobe ou encore Meta lancent leurs premières fonctionnalités d'intelligence artificielle générative. Après avoir investi des milliards de dollars, ils cherchent désormais de premiers retours financiers. Première étape : convaincre les utilisateurs de l'intérêt de l'IA générative, et les faire mettre la main au portefeuille. Décryptage.
François Manens
Pas une semaine ne se déroule sans intégration d'une fonctionnalité d'IA dans les produits des géants de la tech.
Pas une semaine ne se déroule sans intégration d'une fonctionnalité d'IA dans les produits des géants de la tech. (Crédits : DADO RUVIC)

La révolution de l'intelligence artificielle générative entre dans l'ère du concret. Dix mois après le choc causé par le lancement de ChatGPT, les géants de la tech multiplient les intégrations d'IA dans leurs produits. Depuis le début du mois, pas une semaine ne passe sans annonce de nouvelles fonctionnalités dopées à l'IA au sein des logiciels les plus utilisés au monde, que ce soit chez Microsoft, Google, Amazon, Adobe ou Meta. C'est un véritable tournant pour la révolution de l'intelligence artificielle. Jusqu'ici, les mastodontes du secteur s'étaient concentrés sur la course aux meilleurs modèles d'IA, les puissants algorithmes qui servent de moteurs aux fonctionnalités.

Ce passage au concret va donc enfin révéler le véritable potentiel de l'IA générative. Pendant des mois, les géants de la tech ont fait miroiter des gains de productivité extrêmes et des capacités de création démultipliées. Les fonctionnalités vont avoir la lourde tâche de remplir ces promesses, avec en ligne de mire, l'étau financier qui se resserre. Pour l'heure, le secteur attire des quantités astronomiques d'investissements -à l'image des 4 milliards de dollars injectés par Amazon dans la startup Anthropic- qu'il brûle à une vitesse tout aussi impressionnante. Mais pour que l'euphorie se poursuive, l'IA générative va devoir prouver son potentiel de retour sur investissement.

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Qui veut de l'IA générative à la carte ?

Parmi les fonctionnalités les plus à même de démontrer à court terme le potentiel de la révolution technologique se trouvent les assistants connectés, à l'instar des Copilot  créés par Microsoft à partir des modèles d'IA d'OpenAI. Après plus d'un an d'essais concluants sur sa plateforme pour développeurs GitHub, la firme de Redmond décline son outil sur pratiquement tous ses logiciels.

Depuis le mardi 26 septembre, un assistant Copilot a ainsi fait son apparition sur le système d'exploitation Windows 11. Son rôle : accompagner l'utilisateur dans toutes ses tâches, de l'écriture de courriels à l'organisation de ses documents en passant par la recherche d'informations, que ce soit sur le bureau de son PC ou au travers des logiciels de l'éditeur, comme le navigateur Edge ou le moteur de recherche Bing. Mais l'outil aura son véritable test le 1er novembre, quand Copilot sera déployé sur la suite de bureautique Microsoft 365 (Word, Excel, PowerPoint...), qui compte plus de 300 millions d'utilisateurs payants. Le géant de la tech compte facturer 30 dollars par mois et par utilisateur son IA générative, un montant deux fois plus élevé que le prix du logiciel seul.

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Google mise également sur ce modèle, et a déployé sur sa suite bureautique son propre assistant dopé à l'IA, Duet AI, au même prix que son concurrent. Les démonstrations impressionnent : ces outils peuvent créer en une poignée de seconde une présentation, avec texte et images, à partir des fichiers de votre ordinateur. En une commande, ils peuvent créer un résumé organisé sur un sujet ou une personne, en piochant les informations de la boite email de l'utilisateur, dans ses tableurs ou encore dans ses documents écrits.

Avec Copilot et Duet AI, les géants de la tech testent une monétisation directe des IA génératives. Et ils ne sont pas les seuls. Adobe a par exemple intégré à son célèbre logiciel de montage photo Photoshop une IA générative nommée Firefly. Créée avec l'aide de Nvidia, elle permet à l'utilisateur de faire des modifications par le biais d'instructions (les fameux prompts), mais aussi de créer des visuels de toutes pièces. Ou encore, de générer la suite d'une image au-delà de son cadre initial. Pour y accéder, Adobe facture 5,53 euros par mois avec tout de même un montant limité de requête.

L'IA générative, un avantage concurrentiel

Dans d'autres cas de figures, l'IA générative n'est pas intégrée comme un nouveau produit à part entière, mais plutôt comme atout différenciant. Lors de sa grande messe annuelle, le géant de la vidéo YouTube (Google) a utilisé l'IA pour renforcer son application Shorts face à TikTok. Une première fonctionnalité, Dream Screen, permet aux créateurs de Shorts de générer des fonds d'écrans virtuels dynamiques pour leurs vidéos. L'entreprise a aussi lancé l'app YouTube Create, qui permet aux vidéastes de faire certaines parties de leur montage avec des prompts [consignes données aux IA, ndlr].

Utilisé comme arme dans la guerre des apps vidéos, l'IA générative a aussi secoué le monde de la recherche en ligne. Microsoft a lancé une grande offensive contre l'écrasante domination de Google en dotant son moteur de recherche Bing d'un générateur d'images et d'un puissant chabot, nourris par les technologies d'OpenAI. Cette stratégie a fait douter Google, contraint à lui-même créer des fonctionnalités d'IA générative pour contrer la tentative de son petit concurrent.

Pas plus tard que mercredi, Meta a présenté une pluie de fonctionnalités d'IA générative, dont le chatbot Meta AI qui va inonder ses différentes applications (Facebook, Messenger, Instagram, WhatsApp). L'ogre des réseaux sociaux se met ainsi au niveau de Snapchat, qui a lancé son assistant d'IA -avec plus ou moins de réussite- au début de l'année.

Reste à voir comment les géants de la tech quantifieront la réussite de ces fonctionnalités dans les mois à venir. Les IA génératives coûtent cher à développer, tant en moyen humains que matériels, et le calcul de leur ROI [retour sur investissement, ndlr] n'est pas toujours évident.

La guerre des modèles fait toujours rage

Bien que les géants de la tech se tirent désormais la bourre sur les fonctionnalités, la bataille se poursuit toujours à rythme effréné dans le champ des modèles. Et pour cause : il s'agit des moteurs de la nouvelle vague d'IA qui influeront sur la performance des applications. Alors que GPT-4 d'OpenAI, sorti en mars, fait office d'étalon de performance pour l'instant, il pourrait bientôt être détrôné par le prochain modèle de Google, le très attendu Gemini, dont la sortie est prévue d'ici à la fin de l'année.

En réponse à cette menace imminente, OpenAI a publié une grande mise à jour de ChatGPT, désormais capable de comprendre et de générer des images et du son en plus du texte. Mieux, il peut aller chercher des informations en ligne, afin de donner des réponses actualisées. De son côté, Amazon a finalement décidé de miser sur un LLM, en l'occurrence celui de la startup américaine Anthropic, alors qu'il se contentait jusqu'ici d'ouvrir sa plateforme au plus de modèles possibles. Les autres méga-startups de l'IA générative, comme Cohere ou Inflection ont également tout intérêt à accélérer, car l'étau se resserre.

Courant juillet, Meta a rendu l'accès à son modèle Llama 2 gratuit, même pour les usages commerciaux. La maison-mère de Facebook et Instagram prévoit que la prochaine itération de cette IA, prévue pour début 2024, atteigne les mêmes performances que GPT-4. De quoi perturber un écosystème naissant, qui n'a pas encore trouvé de canaux de monétisation solides. Et Meta n'est pas le seul à nourrir ces ambitions : Mistral AI, qui porte les espoirs de la France dans l'IA générative, se dirige dans la même direction.

François Manens

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Commentaires 5
à écrit le 30/09/2023 à 15:45
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Pour moi l'IA c'est un intégrateur de données statistiques; rien de plus. Dont le domaine de recherche dans les BD dépassent l'intégration humaine. Cf résultats en "go et échecs". Ils ont donc une utilité, mais certainement pour une population expert...

à écrit le 29/09/2023 à 9:38
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Je ne crois pas que l'on puisse parler d'algorithme concernant les IA. Un algorithme étant une suite finie et non ambiguë d'instructions et d’opérations permettant de résoudre une classe de problèmes. Or personne n'est capable de formaliser préci...

à écrit le 29/09/2023 à 9:08
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J'ai l'impression un tantinet même si je n'y connais rien que les notions de "réchauffement climatique" ou "d'intelligence artificielle - IA" couvrent nombre de concepts et sont exposés avec force dans les médias TV en particulier. Hors, l'IA est pou...

à écrit le 29/09/2023 à 8:52
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Le "Marché" est il assez bête pour croire que l'IA a de l'avenir en dehors des laboratoires et que cela deviendra un produit de consommation comme un autre !? ;-)

à écrit le 29/09/2023 à 7:50
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"Copilot, Firefly, Duet AI, Dream Screen..." La vache quels noms pourris ! Y croient ils vraiment franchement eux-mêmes ? C'est l'effet boule de neige, secteur d'activité qui tourne à fond sur l'argent public sur beaucoup d'argent public, dorénavant ...

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