Entre un second porte-avions, dont le débat a été relancé par un rapport sénatorial, et le renforcement de la flotte de frégates de premier rang, la marine nationale a aujourd'hui beaucoup plus besoin sur le plan opérationnel de frégates. Au sein de la Marine nationale, qui a pratiquement fait son deuil d'un deuxième porte-avions - ce qu'elle n'avouera jamais - , on plaide discrètement depuis plusieurs années pour disposer d'au moins 18 frégates de premier rang pour remplir toutes les missions assignées dans un contexte de plus en plus dangereux comme l'illustre le grave incident entre la frégate française Courbet et des bâtiments turcs en mer Méditerranée. "Nous sommes déjà à la limite de nos capacités d'action maritime avec les frégates de premier rang", a d'ailleurs confirmé en novembre 2019 à l'Assemblée nationale le chef d'état d'état-major des armées, le général François Lecointre.
La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 a maintenu l'objectif de la précédente LPM en prévoyant, à l'horizon 2030, une flotte de 15 frégates de premier rang composée notamment de huit FREMM (contre 17 initialement), deux FDA (frégates de défense aérienne Horizon) et cinq FDI (frégates de défense et d'intervention). Les deux dernières frégates multi-missions "Alsace" et "Lorraine" seront admises au service actif respectivement en 2022 et 2023 tandis que la livraison des FDI s'étalera entre 2023 (pour une mise en service en 2025) et 2030. Un socle capacitaire vraiment minimal. Pourtant, le besoin défini avant 2008 était de 17 FREMM, deux FDA et cinq frégates Lafayette (FLF). Soit 24 bâtiments en tout. Sept ans plus tard, en 2015, la cible Ambition 2030 a été réduite à 15 bâtiments. Pour autant, la marine compte réduire ses lacunes capacitaires avec la mise en place des doubles équipages sur les FREMM. Ce qui lui permettra de passer de 110 à 180 jours de mer annuels.
"Les nouvelles menaces, ou le renforcement de certaines existantes, ont été intégrés dans cette démarche et ont nourri les choix capacitaires portés par cette LPM", a expliqué le ministère des Armées.
Des besoins capacitaires trop justes
"Aujourd'hui, avait expliqué en octobre 2019 à l'Assemblée nationale le chef d'état-major des armées, je compte les frégates pour faire face aux contraintes opérationnelles". En novembre 2019, il avait d'ailleurs détaillé les nombreuses missions données à la Marine. Celle-ci a "l'obligation" d'engager une frégate de premier rang en permanence dans le golfe Persique pour la sécurité du détroit de Bab El-Mande. Dans le détroit d'Ormuz, "il faudrait idéalement deux frégates au lieu d'une, ce qui assurerait une permanence", avait pour sa part estimé en octobre au Sénat le chef d'état-major de la marine, l'amiral Christophe Prazuk. La marine doit également en engager une autre dans le canal de Syrie pour surveiller Idlib et faire respecter les lignes fixées par le président de la République en cas d'emploi d'armes chimiques.
La France souhaite être également présente en mer de Chine pour des "actions de contestation de la contestation de la liberté de circulation dans les espaces maritimes que nous impose la Chine en mer de Chine du Sud", avait expliqué le général Lecointre. La France a envoyé deux frégates, à deux occasions différentes, patrouiller au large de Chypre dont les relations se sont tendues avec la Turquie. Le chef d'état-major des armées a par ailleurs besoin d'une frégate supplémentaire pour protéger les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) français de l'espionnage des Russes lorsqu'ils quittent Brest et se diluent dans l'océan. Enfin, la marine doit surveiller les mouvements des sous-marins russes, qui partent de la presqu'île de Kola pour s'engager dans l'Atlantique Nord. "Je suis au bout de mes capacités !", avait regretté le général François Lecointre. Et d'affirmer qu'il n'avait "déjà pas assez de frégates de premier rang pour faire face à toutes ces sollicitations". Ce qui pose problème.
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