Crise agricole : la clôture du congrès de la FNSEA ne sonnera pas la fin du mouvement

Dans le contexte d'une tension qui perdure entre les syndicats agricoles et le gouvernement, l'intervention au 78e congrès de la FNSEA du ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, est très attendue. Le gouvernement semble toutefois continuer de miser sur les mesures déjà promises, dont la mise en œuvre prendra encore du temps.
Giulietta Gamberini
Le syndicat a donc intérêt à maintenir sa double menace : celle d'un retour des tracteurs dans les rues, mais aussi des élections européennes.
Le syndicat a donc intérêt à maintenir sa double menace : celle d'un retour des tracteurs dans les rues, mais aussi des élections européennes. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

La rencontre de lundi soir entre le Premier ministre, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes agriculteurs (JA), en présence des ministres Christophe Béchu (Transition écologique), Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher (Agriculture), n'a pas été rédhibitoire. Elle n'a été que l'occasion d'un « point sur l'avancée de la soixantaine de mesures » déjà promises par le gouvernement, affirme-t-on du côté de l'exécutif, comme des syndicats.

Le prochain rendez-vous important, dans le cadre de la crise agricole qui dure depuis janvier, est donc la prise de parole de Marc Fesneau au 78e congrès de la FNSEA. Celui-ci s'est ouvert mardi après-midi à huis clos. La prise de parole du ministre, elle, aura lieu jeudi, à 11 heures, lors de la clôture du congrès.

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Le principal syndicat agricole espère que le ministre de l'Agriculture fera de nouvelles annonces susceptibles de satisfaire davantage sa base. Malgré les nombreuses concessions obtenues, elle reste insatisfaite. La FNSEA est toutefois consciente que « la sortie de crise ne se fera pas jeudi », affirme son porte-parole, Yohann Barbe, interrogé par La Tribune :

« La crise qui s'est manifestée est une crise de longue date. On ne la résoudra pas en trois mois ».

« Cinq blocs » de priorités

Sur ce point, le représentant syndical se montre donc d'accord avec le ministre de l'Agriculture, qui tenait des propos très similaires dans les colonnes de La Tribune Dimanche, en invitant les agriculteurs à reconnaître les avancées sans trop s'impatienter. Il admet aussi que le Congrès devra être le moment de mieux analyser avec les adhérents les points gagnés.

Malgré la demande formulée par le président de la République de trouver avec les autres syndicats « trois ou quatre » points essentiels permettant de sortir de la crise agricole, la FNSEA maintient ses 120 revendications. Elle se limite depuis quelques semaines à les résumer autour de « cinq blocs » de priorités, sur lesquels elle exige désormais « du concret ». En clair, de savoir « quand et comment » elles deviendront réalité. Les 120 revendications de la FNSEA émanant de diverses filières agricoles, toutes représentées par le syndicat, il lui est difficile d'établir une hiérarchie.

Des « sujets encore sur la table »

Yohann Barbe met toutefois en avant quelques « sujets [majeurs] encore sur la table » discutés avec Gabriel Attal lundi. Le syndicat insiste notamment sur la nécessité d'un « calendrier précis » du versement de toutes les aides de la Politique agricole commune européenne (PAC). Y compris de celles relevant des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), dont la gestion a été déléguée par l'Etat aux régions. Même son de cloche s'agissant des défiscalisations promises aux éleveurs, « dont le dispositif n'est pas clair alors que les exploitations clôturent leurs comptes très bientôt ».

Depuis quelques semaines, le principal syndicat agricole insiste, en outre, sur la nécessité d'un « plan d'accompagnement vers la pré-retraite » pour les agriculteurs (notamment les éleveurs, mais aussi « certains viticulteurs ») les plus en difficulté et âgés qui, malgré les mesures de trésorerie annoncées par le gouvernement, n'obtiendront pas de soutien bancaire, rappelle Yohann Barbe.

Les phytosanitaires restent un sujet sensible

Enfin, la question des « solutions » alternatives aux produits phytosanitaires interdits en France mais utilisés encore en Europe, comme les néonicotinoïdes, reste sensible. Malgré sa promesse de ne plus cautionner de « surtranspositions » des règles européennes, le gouvernement a affirmé ne pas vouloir remettre en cause les restrictions déjà adoptées par voie législative pour des raisons environnementales ou de santé publique.

La ministre déléguée, Agnès Pannier-Runacher, vient de lancer un « cycle de réunions techniques ». L'ambition ? « Objectiver les situations de distorsions dans les différentes filières et identifier les mesures permettant de répondre à ces difficultés ». Mais cela ne suffit pas pour la FNSEA. Le syndicat majoritaire réclame des « moyens supplémentaires pour la recherche », au-delà des 250 millions d'euros déjà promis par le gouvernement dans le cadre du prochain plan de réduction des pesticides (Ecophyto) à horizon 2030.

Un site pour suivre les avancées

Le gouvernement semble ainsi plutôt miser sur ce qu'il a déjà prévu pour calmer les agriculteurs. Un seul « cadeau » supplémentaire serait annoncé par Marc Fesneau jeudi, selon le média Contexte : une déduction de 150 euros par vache sur les cotisations sociales des éleveurs, déjà promise par Gabriel Attal, mais qui serait applicable dès le printemps prochain grâce à une instruction ministérielle en cours de préparation.

Pour le reste, une page permettant de suivre l'avancée de ses quelque soixante engagements a été mise en ligne la semaine dernière par le ministère de l'Agriculture. Le plan Ecophyto, qui se référera désormais à un nouvel indicateur de mesure des pesticides préféré par la FNSEA à celui utilisé auparavant, est promis pour début d'avril.

« Jeu de rôles » entre syndicats

La présentation du « projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture », prévue en Conseil des ministres vendredi, a dû être reportée « pour cause d'agenda du Président », a annoncé mardi le ministère de l'Agriculture. Elle aura lieu le mercredi 3 avril. Un texte largement enrichi par rapport à sa version d'avant crise agricole.

La reconnaissance dans la loi de la souveraineté alimentaire et agricole et que l'agriculture est d'intérêt général majeur - exigences des agriculteurs - y figureront, aux côtés de nombreuses mesures pour faciliter la transmission des exploitations.

« Il faut laisser passer ce congrès » qui, moins d'un an avant les élections aux chambres d'agriculture, prévues en janvier 2025, est aussi l'occasion d'un « jeu de rôles » entre syndicats, souffle-t-on au ministère de l'Agriculture.

Pas de date pour une rencontre avec Macron

Chacun de ces textes soulèvera toutefois sans doute de nouveaux débats, notamment le projet de loi d'orientation agricole, qui sera examiné au Parlement à partir du mois de mai.

La FNSEA, elle, s'attend à de nombreux amendements, et en présentera elle-même, a récemment déclaré son président, Arnaud Rousseau. L'amélioration des retraites agricoles, qui a déjà fait l'objet d'une proposition de loi adoptée en février 2023, dont l'applicabilité rapide est en cause, reste en suspens. Une révision des lois Egalim afin d'améliorer le revenu des agriculteurs ne pourrait avoir lieu avant l'automne prochain,  après la clôture de la mission confiée à deux députés, Anne-Laure Babault et Alexis Izard.

Surtout, le doute persiste sur la prochaine rencontre des syndicats agricoles avec Emmanuel Macron. Promise pour la mi-mars, elle a été reportée sine die, dans l'attente que les conditions soient réunies. Bien que lors d'une conférence de presse le 20 mars le président de la FNSEA ait affirmé espérer une sortie de crise pour début avril, le syndicat a donc intérêt à maintenir sa double menace : celle d'un retour des tracteurs dans les rues, mais aussi des élections européennes.

« Si Marc Fesneau jeudi se montre à côté, de nouvelles actions seront prévues. Et si les réponses ne seront pas claires, les élections seront chaudes », prévient Yohann Barbe.

Une table-ronde sur le « syndicalisme et (les) enjeux européens » est d'ailleurs prévue au Congrès de la FNSEA jeudi matin, juste avant l'intervention du ministre de l'Agriculture.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 28/03/2024 à 7:39
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Le catalogue revendicatif des différentes filières agricoles est sans limite. Ne pourrait-on pas créer un fond à disposition de l'ensemble de la profession et la responsabiliser en lui donnant le soin de le répartir dans les différentes filières ?

à écrit le 28/03/2024 à 7:21
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Les pantins de la finance.

à écrit le 27/03/2024 à 16:33
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Il faut interdire la FNSEA, la FDSEA et la Coordination rurale dont les adhérents polluent les sols, épuisent les nappes phréatiques, maltraitent les animaux et nous empoisonnent avec leurs produits pourris ! Ces individus votent majoritairement extr...

le 27/03/2024 à 17:18
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CETA. reporté après les européennes ! une manigance politicienne ? bien que Mercosur est bien plus dévastateur les députés vont devoir clarifier leur choix

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