À quoi joue le gouvernement français ? Lundi 11 mars, après une réunion à Bercy rassemblant toute la filière automobile française, Bruno le Maire, ministre de l'Économie a demandé que soit réalisée « une étude scientifique sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d'oxyde d'azote (NOx) en conditions réelles des véhicules récents tant diesel qu'essence ». Le ministère de l'économie et des finances chercherait-il à réhabiliter la technologie diesel sous la pression des industriels ?
Les arguments des constructeurs automobiles sont évidemment massue. L'Observatoire de la métallurgie regroupe 38.000 salariés qui vivent de l'industrie du diesel en France, soit autant d'emplois menacés. Plus grave, ce sont des régions entières qui pourraient être frappées par un sinistre industriel comme Rodez, dans l'Aveyron, où Bosch produit des injecteurs diesel (lire notre enquête dans La Tribune n° 283), ou des fonderies comme à Ingrandes-sur-Vienne, dans la région Nouvelle-Aquitaine. Les constructeurs avancent également que le diesel est actuellement le meilleur moyen d'abaisser les émissions de CO2 et précisent que les nouveaux diesels sont extrêmement vertueux en matière d'émissions de particules fines.
Plans de reconversion
Sauf qu'en réalité, la chute des ventes de voitures diesel n'est plus une crainte, mais une réalité. La part ce cette motorisation dans les ventes de véhicules neufs est passée de 77 % en 2012 à 35 % en 2018, en France (pas davantage en Europe). Chez Alix-Partners, on table même sur seulement 5 % de diesel en 2030 dans le meilleur des cas, compte tenu du rythme de la baisse. Le gouvernement français avait pourtant lancé un programme de soutien à ces entreprises pour qu'elles réfléchissent à des plans de reconversion industrielle.
Cette enveloppe de 18 millions d'euros a été, du propre aveu du ministère, « insuffisamment utilisée ». Début février, Bruno Le Maire avait plaidé pour attribuer aux diesels récents la vignette Crit'Air 1, soit le macaron le plus favorable en termes d'émissions et d'accès dans les agglomérations. Ce label était jusqu'ici décerné aux modèles à essence les plus récents ainsi qu'aux hybrides et voitures électriques.
Priorité à l'électrique
Avec Crit'Air 1, les nouveaux diesels seraient bannis des grandes villes, notamment Paris, en 2030 au lieu de 2024. Cette initiative, immédiatement rejetée par Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de François de Rugy, le ministre de la Transition écologique, permettrait ainsi de soutenir la filière diesel, mais sans autre perspective que le marché français. En outre, de nombreux constructeurs ont annoncé avoir totalement renoncé à cette technologie, comme Toyota et Nissan. Il semblerait que la tendance mondiale soit définitivement tournée vers l'électrification comme le confirment les annonces du groupe Volkswagen cette semaine, lors de la présentation de ses résultats financiers. Le groupe automobile allemand a également décidé d'étoffer ses projets dans l'électrique en ajoutant une vingtaine de modèles aux cinquante prévus d'ici 2028.
Cette obsession à vouloir faire durer le diesel, « une bataille perdue » selon plusieurs grands industriels français, est en contradiction avec les engagements pris autour de la voiture électrique. L'État français subventionne cette technologie à travers des bonus, mais il a également annoncé sa participation à hauteur de 750 millions d'euros afin de créer une filière de batteries électriques européenne aux côtés de l'Allemagne. En outre, les constructeurs français, notamment Renault, sont parmi les mieux placés dans la voiture électrique. Bercy voudrait donc accompagner la transition énergétique de l'industrie automobile nationale, mais ne souhaite pas adopter une attitude « darwinienne » qui pourrait coûter cher en pertes d'emplois. Le sujet n'est pas encore tranché et fait débat jusque dans les rangs du gouvernement.
EN CHIFFRES :
5%. Le pourcentage de voitures diesel neuves vendues en France en 2030. Si le rythme de la baisse actuelle se poursuit.
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