Renault, Stellantis : ce que cachent les bons résultats des constructeurs français

Stellantis et Renault ont annoncé une augmentation de leur chiffre d'affaires pour ce premier trimestre. De très bons résultats dopés par l'électrique et les voitures citadines. Cependant, ces chiffres cachent aussi des perspectives plus incertaines. Explications.
Les chiffres d'affaires de Renault et de Stellantis sur le premier trimestre affichent des hausses de respectivement 30% et 14% par rapport au premier trimestre 2022
Les chiffres d'affaires de Renault et de Stellantis sur le premier trimestre affichent des hausses de respectivement 30% et 14% par rapport au premier trimestre 2022 (Crédits : DR)

Les constructeurs français ont de quoi sourire. Les chiffres d'affaires de Renault et de Stellantis sur le premier trimestre affichent des hausses de respectivement 30% et 14% par rapport au premier trimestre 2022. Les marques tricolores se distinguent de leurs concurrentes allemandes et américaines par l'électrique notamment. Les voitures électriques représentent, en effet, 14% des nouvelles immatriculations et ont enregistré un bond de 58% en un an en Europe. « Cela redistribue complètement les cartes », selon Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste de BDO France.

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De bons résultats dopés par les commandes antérieures...

Ce beau tableau des constructeurs français reste toutefois à prendre avec des pincettes puisque la comparaison se fait avec 2022, une année fortement perturbée par des problèmes d'approvisionnement sur les semi-conducteurs. En effet, la pandémie de COVID avait entraîné une fermeture de plusieurs usines en Chine et la guerre en Ukraine a, de son côté, conduit à des soucis de logistique.

Résultat : les constructeurs automobiles européens n'ont pas pu livrer leurs voitures sur 2022 et les commandes se sont accumulées.

« Les chiffres affichés dans les résultats sont le reflet des commandes de l'année dernière qui sont livrées en ce moment. Depuis le début de l'année en revanche, nous assistons à une baisse des commandes de 14% en France », met en garde Marie-Laure Nivot, responsable Intelligence Marchés chez AAA DATA.

Elle s'explique par l'effet conjoint d'un pic d'achat de voitures en 2019 qui ne vont pas être remplacées de sitôt et du contexte inflationniste actuel.

Néanmoins, ces bons résultats devraient perdurer dans les deux prochaines années, car le retard des constructeurs dans les livraisons commence tout juste à se rattraper. Ces problèmes d'approvisionnement ont fait grimper le prix des voitures, autre facteur de l'augmentation du chiffre d'affaires de Renault et Stellantis.

... Et les aides vers l'électrique

Les résultats des deux constructeurs sont également tirés par les ventes des modèles low-cost ou des petites citadines. La Dacia Sandero de Renault et la Peugeot 208 sont les voitures les plus vendues sur le territoire français. Dacia est également la deuxième marque la plus vendue en Europe et la première en électrique, devançant son concurrent Tesla pour le mois d'avril. La marque low-cost de Renault a enregistré un bond spectaculaire des ventes de 41% en Europe depuis le début de l'année et jusqu'à 63,4% en France au mois d'avril. Ces chiffres s'expliquent, en partie, par le contexte inflationniste qui, du fait d'une baisse du pouvoir d'achat en Europe, pousse les consommateurs à se tourner vers des modèles moins onéreux.

Paradoxalement, les voitures électriques, bien que pour le moment plus coûteuses que leur équivalent thermique, connaissent un vrai boom qui modifie le marché« Nous pensons que l'électrique est dominé par le haut-de-gamme, mais en réalité, les ventes sont plutôt vers les voitures qui peuvent bénéficier du bonus écologique », confirme Marie-Laure Nivot. Celui-ci est valable uniquement sur les voitures coûtant moins de 47.000 euros. Et à ce prix, ce sont les modèles français qui dominent avec les citadines comme la Peugeot e208 par exemple. En effet, « les Français ont décidé de se mettre sur les petites voitures électriques qui bénéficient des aides, c'est malin car cela attire un certain nombre de clients et cela ne rentre pas en concurrence avec les grosses berlines allemandes », observe Anne-Sophie Alsif.

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La concurrence pourrait néanmoins venir des constructeurs chinois qui proposent des modèles peu chers. Les décisions de l'Etat quant aux aides et aux préférences européennes ou françaises vont donc conditionner les résultats des constructeurs pour les prochains trimestres. À ce propos, Elisabeth Borne est d'ores et déjà revenue sur les annonces de leasing à 100 euros pour les personnes aux revenus les plus faibles, confirmant le lancement de cette offre de location de voitures électriques à prix accessible dès l'automne.

Des prévisions difficiles pour les prochaines années

Cela pourrait toutefois ne pas être suffisant. L'électrique pâtit des doutes concernant le futur de l'automobile européen dans les années à venir. En effet, le revers allemand sur la volonté d'intégrer les carburants de synthèse dans la législation sur la fin des ventes de voitures thermiques neuves en 2035, a semé le doute sur le 100% électrique européen. Même Carlos Tavares, le PDG de Stellantis s'est dit incertain de la technologie choisie dans les prochaines années. Une situation inédite qui perturbe les projections des économistes.

« Normalement, c'est l'innovation qui crée des révolutions industrielles et qui fait que la législation s'adapte. Ici, c'est la législation qui impose la transition et l'innovation. Nous avons fait plusieurs scénarios de prévisions en prenant en compte les aspects réglementaires, politiques, commerciaux..., mais c'est très difficile de prévoir les évolutions économiques », explique Anne-Sophie Alsif.

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Autre influence dans les chiffres : les modes de paiement. Avec des voitures électriques qui restent plus onéreuses que des modèles thermiques et ce flou concernant les technologies autorisées ou non à l'avenir, le leasing a le vent en poupe. La hausse des taux d'intérêts menée par la Banque centrale européenne depuis juillet et qui va se poursuivre pourrait également venir perturber ce marché en augmentant les prix de location des voitures. « Il n'y aura pas moins de leasing avec des taux plus élevés, mais les usagers vont aller sur des plus petits modèles pour rester dans leurs prix », rappelle Anne-Sophie Alsif. Une situation qui pourrait, là encore, bénéficier aux constructeurs français.

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