Immobilier : les pistes tranchées de députés pour tailler dans les dépenses publiques liées au logement

Les députés Daniel Labaronne (Indre-et-Loire, Renaissance) et Charles de Courson (Marne, Liot) viennent de présenter les conclusions de leur mission sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l'accession à la propriété. Aide personnalisée au logement (APL), logements locatifs intermédiaires (LLI), prêts à taux zéro (PTZ)... Un passage au scalpel en vue de la loi de finances 2024 prévue pour la rentrée. Décryptage.
César Armand
Plus de 38 milliards d'euros ont été dépensés en 2021, dont 23,6 d'ordre budgétaire - 85% de prestations sociales - et 13,7 d'ordre fiscal. Soit 1,3% du PIB.
Plus de 38 milliards d'euros ont été dépensés en 2021, dont 23,6 d'ordre budgétaire - 85% de prestations sociales - et 13,7 d'ordre fiscal. Soit 1,3% du PIB. (Crédits : iStock)

C'était il y a quasiment un an, jour pour jour. Lors des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence 2022, le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique Bruno Le Maire assignait au député (Renaissance) Daniel Labaronne de réfléchir à une baisse des dépenses publiques en vue du projet de loi de finances 2023. Mais ce représentant de la deuxième circonscription d'Indre-et-Loire ne s'est pas arrêté à cette mission. Il vient -avec son collègue (Liot) Charles de Courson, élu de la cinquième circonscription de la Marne- de présenter, en commission des Finances de l'Assemblée nationale, les conclusions de leur mission d'information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l'accession à la propriété. Il s'agit, cette fois, de nourrir le budget 2024 qui arrivera, en Conseil des ministres puis au Parlement, fin septembre-début octobre.

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38 milliards d'euros de dépenses publiques en 2021 !

Au lendemain des déclarations du ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, actant la fin du Pinel et le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) dans le but de réaliser 2,3 milliards d'euros d'économie, et un mois et demi après la restitution des mesures gouvernementales en clôture du Conseil national de la refondation (CNR) lié au logement, les députés appellent à ne pas relâcher la chasse aux dépenses superflues. Pour rappel, plus de 38 milliards d'euros ont été dépensés en 2021, dont 23,6 d'ordre budgétaire - 85% de prestations sociales - et 13,7 d'ordre fiscal. Soit 1,3% du PIB !

« Efficience et efficacité doivent aujourd'hui être les maîtres-mots en matière de politique du logement », insiste Daniel Labaronne auprès de La Tribune, qui admet que le poids des prélèvements obligatoires sur le secteur est d'environ 90 milliards d'euros.

Pour objectiver tout cela, le député d'Indre-et-Loire et son collègue Charles de Courson proposent tant de fiabiliser les données comparatives internationales en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires que de faciliter l'accès en open data aux données statistiques et fiscales.

« Nous n'avons pas beaucoup de données complètes, fiables et harmonisées au niveau international. C'est la seule politique publique à 40 milliards d'euros qui soit si faiblement documentée et évaluée », assène l'élu Renaissance.

Remettre sur le marché les logements vacants

Dans le viseur : les taux réduits de TVA. « Nous ne savons pas si cela a un véritable effet... », pointe encore Daniel Labaronne. Et pour cause : sur les 37 millions de logements du pays, 30 millions sont des résidences principales, 3,5 des résidences secondaires et 3,5 des logements vacants.

« La politique du logement ne se réduit pas au logement neuf. En seize ans, le nombre de logements vacants a augmenté de 1 million. Il faut encourager une politique de réhabilitation dans les logements indignes et insalubres », enchaîne le parlementaire.

Avec le député marnais, il recommande donc de fixer dans la politique du logement l'objectif « prioritaire » la remise sur le marché immobilier des logements vacants en accession à la propriété ou à la location. « Si nous arrivons à en réhabiliter 10%, nous remettrons sur le marché 350.000 logements, soit un an de construction neuve », illustre Daniel Labaronne.

Pour y parvenir, le représentant d'Indre-et-Loire et Charles de Courson défendent une « pause réglementaire » ainsi que la suppression des conditions de ressources encadrant le prêt avance rénovation, ce prêt hypothécaire destiné aux ménages modestes remboursé lors de la revente du bien ou lors de la succession.

Donner davantage de pouvoir aux élus locaux

Ou encore de donner davantage de pouvoir aux élus locaux que ce soit pour leur transmettre des données pour estimer les besoins en matière de logement, ou même pour expérimenter un pouvoir de dérogation relatif aux dispositifs budgétaires et fiscaux. Autrement dit, de « territorialiser » des dispositifs comme les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) et les programmes d'intérêt général (PIG) « où il y a de l'argent pour les élus de terrain ».

« Quand j'étais vice-président chargé du Logement de la communauté de communes du Bléré Val de Cher, nous avons contractualisé, dans le cadre du plan local de l'habitat, une convention avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour repérer les logements indignes et vacants, cibler les aides et améliorer des logements qui n'étaient plus qualitatifs », illustre Daniel Labaronne.

L'effet « inflationniste » des APL

Plus explosif, le parlementaire s'interroge sur l'effet « inflationniste » des aides personnelles au logement (APL). S'il « ne néglige pas l'intérêt social », il se demande si « cela ne favorise pas une inflation des loyers ». Rien qu'en 2021, les APL ont coûté 15,7 milliards d'euros pour plus de 6 millions de bénéficiaires.

La baisse de 5 euros des APL décidée dès l'automne 2017 dans le cadre du budget 2018, ainsi que les autres réformes liées, ont certes permis d'économiser 3,756 milliards d'euros en 2022 - soit près d'un quart du montant versé en 2016 - mais elles ne sont pas conditionnées de la même manière selon les publics.

« Le fils de Bernard Arnault peut en bénéficier et ses parents continuer à profiter d'une demi-part fiscale ainsi qu'une déduction d'impôt jusqu'à 12.000 euros de pension alimentaire. Où est l'équité ? » s'interroge Daniel Labaronne.

S'il pressent qu'avec Charles de Courson, ils auront « tout le monde sur le dos », et estime que « ça ne passera jamais », il persiste et signe : « C'est un principe de justice sociale ! »

Le bail réel solidaire ou logement social ?

Autre piste : la révision à la hausse des plafonds de ressource pour développer le bail réel solidaire. Ces transactions immobilières sont deux fois moins onéreuses pour le client final puisque les coûts du foncier - le terrain - sont pris en charge pour moitié par un tiers, tandis que ceux du bâti - les murs - deviennent la propriété de l'acquéreur.

En réalité, il ne fait que reprendre les annonces de la Première ministre Élisabeth Borne qui, début juin, a appelé à « augmenter les plafonds pour qu'il y en ait plus » qui accèdent à la propriété.

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Dans ce domaine du logement social, les députés d'Indre-et-Loire et de la Marne poussent également à la suppression de l'exonération de l'impôt sur les sociétés dont bénéficie le secteur sauf pour soutenir les bailleurs qui investissent le plus.

« Pour les offices HLM qui construisent, il faut leur redonner de l'incitation via un crédit d'impôt sur les sociétés », soutient Daniel Labaronne.

Quid du logement locatif intermédiaire ?

Pour favoriser l'accès à la location pour les classes moyennes, trop riches pour le parc social, trop pauvres pour le parc privé, le parlementaire reprend, cette fois, à son compte, la promesse du président Macron de « développer beaucoup plus de logements locatifs intermédiaires (LLI) ». Ces habitats neufs sont 15% inférieurs aux prix du marché et restent, actuellement, cantonnés aux zones tendues, là où la demande de logement est supérieure à l'offre.

Dans le sillage du chef de l'Etat, la locataire de Matignon avait fait savoir que le LLI serait ouvert à davantage de communes et au rachat de logements dans l'ancien pour les rénover. L'élu, lui, plaide pour un assouplissement du cadre réglementaire, notamment, en ouvrant son financement à l'épargne des particuliers.

« Aujourd'hui, à chaque logement locatif intermédiaire créé, il faut créer un logement social. Acceptons de ne plus faire cette compensation, car cela freine les autorisations », pointe Daniel Labaronne.

Pinel ou location longue meublée touristique ?

En revanche, comme l'exécutif, il refuse de remettre en cause la suppression au 31 décembre 2023 du dispositif Pinel. Il s'agit d'une baisse d'impôt qui bénéficie aux investisseurs immobiliers dans le parc locatif privé, à condition de louer leur bien a minima six ans et de respecter un plafond de loyer.

« Dieu merci, le gouvernement a indiqué que c'était fini ! Cela fait un an que je le dis », s'exclame le parlementaire.

Ultime suggestion : l'alignement des avantages fiscaux dont bénéficient la location longue meublée touristique de courte durée sur celle des meublés de longue durée. Il n'est ni le premier ni le dernier à s'en faire l'écho, sauf que pas plus tard que le 18 juillet, les ministères concernés ont repoussé, à septembre, cette décision...

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Toujours est-il que Daniel Labaronne et Charles de Courson rédigent déjà des amendements « transpartisans » en vue de l'adoption du projet de loi de finances 2024 fin septembre-début octobre.

César Armand

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Commentaires 7
à écrit le 20/07/2023 à 13:55
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Nous avons acquis un appartement à Toulouse construit par Vinci. Livré en décembre alors qu'il n'était pas terminé ! Certainement pour des raisons fiscales. Vinci fait appel aux entreprises les moins chères. Celles-ci emploient de pauvres gens totale...

à écrit le 20/07/2023 à 10:48
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On peut arrêter le marché locatif privé neuf subventionné par la défiscalisation; mais on se retrouvera encore plus mal sur 2 aspects: le logement des jeunes et des familles qui ne peuvent plus acheter (taux d'intérùêts élevés) et le BTP à la fois pe...

à écrit le 20/07/2023 à 6:46
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Là dedans aussi on résoudrait le problème du fric en s'attaquant à la gigantesque corruption du secteur. Mais bon comme ils croquent tous c'est tabou faut pas le dire les médiocres restent entre eux.

à écrit le 19/07/2023 à 19:44
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Le gros problème des aides, c'est qu'en l'absence de contrôle des prix, elles ont un effet inflationniste et les classes moyennes sont assez blasées de devoir payer de la qualité espagnole à des prix allemands... La droite a vécu de belles années sur...

le 20/07/2023 à 6:03
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@ o. Vous etes dur avec cette generation qui a vecu grassement. Il y a toujours eu des profiteurs, c'est le fondement de l'humain. Apres moi, le deluge disait deja cette caricature qui se prenait pour le soleil, rien que cela, louis le XIVieme mort ...

le 20/07/2023 à 9:03
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J'aime bien votre comparaison a Je trouve d'ailleurs amusant que ces groupes ont osé s'appeller Renaissance ou Horizon leurs fades idées le comportement mouton à l'Assemblee tout comme le charabia aux JT montrent qu'etre jeune n'est pas un gage de r...

le 21/07/2023 à 9:28
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@maitinscalmes Tant qu'à faire une comparaison, je remonterais plus loin, à la mythologie grecque car la génération en question n'est pas sans faire penser à Cronos, un Titan ayant émasculé son père pour lui prendre le pouvoir et qui pour s'assurer d...

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