Immobilier : Matignon entretient le flou sur la nouvelle politique du logement

En conclusion du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement le 5 juin, la Première ministre Elisabeth Borne avait annoncé « un grand chantier à ouvrir »: la gouvernance des politiques du logement. Alors que la cheffe du gouvernement recevra, demain, les neuf associations d'élus, Matignon promet déjà de co-construire les textes juridiques et réglementaires, de faciliter les expérimentations et de donner plus de marges de manœuvre. L'exécutif se dit même « ouvert à la réflexion » sur l'encadrement des loyers. Décryptage.
César Armand
Dernier point de crispation : la « spéculation foncière », à laquelle se sont déjà attaqués - sans succès - le député Lagleize en 2019, le maire Rebsamen en 2021 et... le Conseil national de la refondation (CNR) lié au logement en 2023. (Photo d'illustration)

C'était il y a moins de dix jours. Tour à tour, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et la Première ministre déclaraient leur flamme aux élus locaux lors des « Assises des Finances publiques ». Au milieu d'annonces de coupes budgétaires, Bruno Le Maire promettait aux collectivités territoriales d'ouvrir « une nouvelle méthode » avec elles pour le reste du quinquennat, quand Elisabeth Borne s'engageait à les associer « davantage » aux décisions avec « un cadre financier pluriannuel ».

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Des paroles aux actes, la locataire de Matignon sera, demain 29 juin, en déplacement en Vendée sur le thème de la réindustrialisation et du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, avant de réunir, en fin d'après-midi rue de Varenne, les neuf principales associations sur la lutte contre les violences faites aux élus, la planification écologique et le logement. Au tour de la table : les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les ministres Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des territoires) et Dominique Faure (Collectivités territoriales et Ruralité) ainsi qu'Olivier Klein (Ville et Logement).

« Un grand chantier à ouvrir »

Ce dernier était déjà présent, le 12 avril dernier, lors de la présentation aux édiles de l'« agenda territorial », mais aussi le 5 juin en clôture du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement. Lors de cette grand-messe, Olivier Klein et Elisabeth Borne avaient insisté, de concert, sur « un grand chantier à ouvrir » : la gouvernance des politiques du logement.

« L'enjeu, c'est de redéfinir la balance entre les libertés locales - qui doivent grandir - et en même temps la capacité de l'Etat à reprendre les choses en main lorsque la situation l'exige », avait déclaré le ministre du Logement.

« Si nous ne parvenons pas à lever les blocages, notamment en matière de permis de construire, l'Etat est prêt à prendre les siennes », avait appuyé, en clôture, la Première ministre.

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Co-construire les textes juridiques et réglementaires

Changement de ton ce 28 juin. Matignon reprend les éléments de langage de la semaine dernière et communique sur « la volonté d'Elisabeth Borne de travailler main dans la main et de construire une nouvelle relation Etat-collectivités ». Il s'agit même d'en finir avec « une relation descendante » pour « contribuer au partage d'un objectif » et de « co-construire les textes juridiques et réglementaires ».

Mi-mars, c'est le chef de l'Etat lui-même qui avait pris la parole sur le sujet lors d'un rendez-vous à l'Elysée avec les associations d'élus locaux. Conformément à ses engagements de campagne, le président Macron le leur avait confirmé sa volonté de réaliser un « acte fort » de décentralisation de la compétence logement aux intercommunalités et aux communes en leur donnant les compétences et les moyens qui vont avec.

D'autant que dès mi-février, les cinq plus grandes associations d'élus - l'assemblée des départements de France (ADF), l'association des maires de France (AMF), France urbaine (grandes villes et métropoles), Intercommunalités de France et Régions de France - avaient été reçues par les ministres Christophe Béchu, Dominique Faure et Olivier Klein.

À la sortie du rendez-vous, le gouvernement Borne avait communiqué sur sa « volonté de discuter sans tabou ni entraves » sur les trois thèmes du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement : « mieux loger », « construire mieux » et « rénover et bâtir durable ». Trois groupes de travail avaient été mis en place en parallèle de ce dernier : l'un sur les aides à la rénovation, un deuxième sur le zonage et un troisième sur la construction.

Faciliter les expérimentations, donner plus de marges de manœuvre

Quatre mois plus tard, la Première ministre devrait enfin « réagir » aux différentes propositions sur la table, « faciliter les expérimentations » et « donner plus de marges de manœuvre », dit encore Matignon.

« Plusieurs associations d'élus, notamment les intercommunalités, ont réagi à la suite du CNR Logement pour qu'on leur offre un peu plus de latitude. Outre les travaux en cours d'Olivier Klein, toutes ces réflexions nécessiteront aussi des échanges avec les parlementaires », enchaîne l'entourage d'Elisabeth Borne.

Sollicité par La Tribune, le cabinet de la Première ministre fait savoir que des « collectivités volontaires » pourraient expérimenter la gestion des aides à la pierre. « Aujourd'hui, le délégataire [des aides à la pierre] peut moduler les plafonds des loyers de sortie des logements sociaux », explique-t-on à Matignon.

« Ouvert à la réflexion » sur l'encadrement des loyers

L'entourage d'Elisabeth Borne cite aussi la distribution de l'aide « Ma Prime Rénov' Performance ». « N'a-t-on pas intérêt à la faire porter par les collectivités ? La réflexion est en cours, sachant que des régions ont des dispositifs complémentaires », poursuit-on.

Matignon est également « ouvert à la réflexion » sur l'encadrement des loyers, « un levier extrêmement politique » qui relève aujourd'hui d'un accord entre les territoires concernés et les préfectures.

Autre « interrogation » : la régulation des meublés touristiques, sur laquelle ministres, parlementaires et professionnels s'écharpent depuis plusieurs semaines. L'équipe d'Elisabeth Borne reste d'ailleurs floue : elle évoque des « leviers fiscaux adéquats » sans préciser pour autant lesquels car elle n'entend pas « apporter des réponses définitives » demain.

Elus et exécutif vont « avancer ensemble »

Dernier point de crispation : la « spéculation foncière », à laquelle se sont déjà attaqués - sans succès - le député Lagleize en 2019, le maire Rebsamen en 2021 et... le Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement en 2023.

« L'articulation est complexe avec le droit de propriété et se heurte à des faisabilités techniques, mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut rien faire », estime aujourd'hui Matignon, qui parle déjà de « modifier le droit de préemption ».

Autrement dit, élus et exécutif vont se retrouver, « sans considération partisane », pour « soumettre des pistes » et « avancer ensemble ». Le cabinet d'Elisabeth Borne en est effet convaincu : après l'adoption de la loi sur le ZAN à une majorité « écrasante » (437 voix pour), le gouvernement et les collectivités sont « capables » de « se retrouver ».

A cet égard, le texte relatif à l'industrie verte, déjà adopté le Sénat le 23 juin et en passe d'arriver à l'Assemblée le 12 juillet, sera l'occasion de vérifier la portée d'un tel discours...

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César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 28/06/2023 à 23:33
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