Logistique : le plan pour couvrir les entrepôts de panneaux solaires équivaut à la puissance d'une centrale nucléaire

Selon nos informations, 150 professionnels de l'immobilier logistique et industriel vont s'engager, ce 10 octobre, à déployer, en cinq ans, l'équivalent de la puissance d'une centrale nucléaire sur leurs toitures et ombrières de parkings. D'où viendront les panneaux photovoltaïques ? Qu'en est-il des sites classés ICPE voire Seveso ? Comment surmonter les réticences des assureurs et des pompiers ? Quels sont les conflits d'usage pour les places de stationnement ? Eléments de réponse avec Diane Diziain, directrice déléguée de l'AFILOG, l'association représentative du secteur.
César Armand
(Crédits : Vincent Kessler)

Le saviez-vous ? Selon Météo France, la pointe du Cotentin, la Seine-Maritime, les Ardennes et l'intérieur ouest de la Bretagne, le Pays Basque sont les régions françaises les moins ensoleillées, à la différence de la Gironde, de la Charente-Maritime et bien sûr du Languedoc-Roussillon, de la région Sud - les Bouches-du-Rhône et le Var notamment - et de la Corse. Une énergie naturelle sur laquelle mise le gouvernement.

La puissance de l'équivalent d'une centrale nucléaire

Depuis le 1er janvier 2023, tous les entrepôts de plus de 500 m² neufs ou réhabilités doivent en effet solariser 30% de leur surface de toiture, conformément au projet de loi "Climat & Résilience". A cela est venue s'ajouter la proposition de loi relative à l'accélération de la production d'énergies relatives. Cette dernière prévoit l'installation obligatoire d'ombrières photovoltaïques sur tous les parkings extérieurs existants et futurs de plus de 1 500 m².

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 Une double contrainte pour les professionnels de l'immobilier logistique et industriel, mais qui s'apprêtent à annoncer, dans quelques heures à l'Hôtel de l'Industrie, un plan XXL de déploiement de panneaux photovoltaïques sur leurs entrepôts. Selon nos informations, 150 acteurs de la filière vont en effet s'engager, ce 10 octobre, à déployer 5 millions de mètres carrés de PV en cinq ans, soit l'équivalent de la puissance d'une centrale nucléaire.

Une information confirmée à La Tribune par Diane Diziain, la directrice déléguée de l'AFILOG, l'association représentative de la filière immobilière logistique et industrielle. Elle vante une initiative volontaire et proactive co-construite par les entreprises du secteur en lien avec les services de l'Etat.

Au service de l'autoconsommation collective et de la mobilité durable

Alors que le gouvernement s'apprête à lancer une mobilisation nationale dans le cadre de la stratégie française énergie-climat, les surfaces de panneaux photovoltaïques installées sur les entrepôts pourraient même représenter 5% de l'objectif national de puissance installée et 20% de l'objectif national de déploiement de centrales solaires en toiture, affirme la porte-parole des acteurs de l'immobilier logistique et industrielle.

Ces professionnels promettent en outre de développer l'autoconsommation collective, c'est-à-dire de fournir en énergie solaire les collectivités, entreprises, industries, commerces situés à proximité de leurs entrepôts, et de favoriser la mobilité durable, en alimentant des stations multi-énergies.

D'où viendront les panneaux photovoltaïques ?

Reste quelques questions sensibles auxquelles Diane Diziain a bien voulu répondre. A commencer par la provenance des panneaux photovoltaïques, dont le coût environnemental est lourd de par leur production en Chine, pays charbonné s'il en est.

« Il n'y a pas d'entreprise qui fabrique des PV en France : les entreprises françaises telles que Voltec Solar assemblent des composantes venues de l'étranger » admet la directrice déléguée de l'AFILOG.

« C'est pourquoi nous misons beaucoup sur les usines de Fos-sur-Mer et de Moselle annoncées lors du sommets Choose France de mars et mai 2023. Utiliser des panneaux français nous permettra d'améliorer encore davantage la performance carbone de nos bâtiments, » poursuit-elle.

Qu'en est-il des entrepôts classés ICPE voire Seveso ?

Autre problème : des entrepôts sont considérés comme installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), soumises à des réglementations spécifiques. Il s'agit de ceux stockant des produits pouvant avoir des impacts (pollution de l'eau, de l'air, des sols...) voire présenter des dangers (incendie, explosion) sur l'environnement. Parmi ces ICPE, certaines sont catégorisées Seveso, c'est-à-dire produisant ou stockant des substances dangereuses pour l'homme et l'environnement.

« La plupart des ICPE acceptent la solarisation car sont des entrepôts de marchandise générale. Plus de 90% de nos bâtiments ne sont pas classés Seveso », assure Diane Diziain.

Comment surmonter les réticences des assureurs et des pompiers ?

Et pourtant les assureurs ne sont pas adeptes de ces centrales solaires « à cause des risques d'incendie, alors que les risques climatiques sont bien plus forts. Il y a cette dichotomie court-terme et long-terme », confiait, à La Tribune en octobre 2021, Julie Villet, Head of ESG & Innovation chez Mileway, logisticien du dernier kilomètre.

« Quand une réglementation est écrite, la Direction Générale de la Prévention des risques du ministère de la Transition écologique réunit un groupe de travail "Entrepôts" auquel participent aussi les assureurs et le Ministère de l'Intérieur représentant les pompiers », rétorque la directrice déléguée de l'Afilog.

Et d'ajouter : « S'il y avait peut-être de la réticence il y a une dizaine d'années, c'est moins vrai depuis 2014. Nous présentons systématiquement des études d'ingénierie très poussées jointes aux demandes d'ICPE. Les entrepôts construits depuis l'application de la réglementation ICPE à ces bâtiments, c'est-à-dire depuis 2002, sont parmi les bâtiments les plus sûrs, toutes constructions confondues ».

« Le seul bâtiment récent qui a brûlé, c'était AlloPneus à Valence, mais c'était un incendie d'origine criminelle. Il a d'ailleurs très bien résisté au feu, qui a été contenu à une seule cellule. Quand d'autres entrepôts brûlent, ce sont des très vieux qui ne peuvent pas tous être contrôlés régulièrement par les pouvoirs publics » enchaîne Diane Diziain qui a décidément réponse à tout.

Quels conflits d'usage pour les ombrières de parking ?

Dernier point : les ombrières de parking. A l'heure où l'exécutif met le paquet sur la mutation des zones d'activité commerciale (ZAC) obsolètes, et au regard de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, d'aucuns estiment qu'il vaudrait mieux récupérer ces fonciers pour le transformer en d'autres usages que le stationnement et l'installation de panneaux photovoltaïques.

« Au moins 3/4 des employés d'entrepôts viennent en voiture car ils travaillent en 2/8 ou 3/8 et les transports en commun ne desservent pas ces lieux avec une fréquence suffisante. Nous ne pouvons donc pas supprimer des places de stationnement pour faire autre chose », réplique la directrice déléguée de l'Afilog.

Elle en oublierait presque que ces étendues de bitumes retiennent l'eau, alors que les catastrophes naturelles, comme les inondations, se multiplient avec le dérèglement climatique. « Il existe en outre des solutions de désimperméabilisation des parkings. La technologie n'est pas encore tout à fait avancée, mais demain, vous aurez des parkings perméables », conclut Diane Diziain. Chiche !

César Armand

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Commentaires 8
à écrit le 11/10/2023 à 1:24
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Non, des panneaux solaires intermittents ne peuvent pas êtres équivalents à un réacteur nucléaire qui produit en continu...

à écrit le 10/10/2023 à 15:04
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Bravo au gouvernement. 4 avantages - ça ne coute rien aux contribuables - ça ne produit pas des dechets radioactifs ingerables - c est rapide a mettre en place - ça produit pendant la journee, quand on a le pic de consommation dans les industrie...

à écrit le 10/10/2023 à 15:02
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Qu'ils financent la pose et l'achat des panneaux solaires pour mettre sur mon toit, y a pas que les entreprots qui peuvent les accueillir En plus avec un 9 à 12kw/h ma consommation sera largement couverte...

le 10/10/2023 à 16:22
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12 kWh. et non 12 kw/h .Ce qui est dommage,pour les particuliers,la TVA passe de 10 à 20% au dessus de 3kw.

à écrit le 10/10/2023 à 14:32
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5 millions de m² font 500 ha. Ca ne suffit pas pour égaler un réacteur nucléaire en puissance nominale. Il en faut entre deux et trois fois plus. Quant à "produire autant qu'un réacteur nucléaire", là, il faut multiplier cette surface par 10 à 15. "C...

à écrit le 10/10/2023 à 12:02
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Et moi qui pensait que cela existait déjà comme sur de nombreux bâtiments agricoles ? et pourquoi ne pas en installer sur les friches industrielles cela leur donnerait une seconde vie .

à écrit le 10/10/2023 à 12:00
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Et moi qui pensait que cela existait déjà comme sur de nombreux bâtiments agricoles ?

à écrit le 10/10/2023 à 9:46
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En Corse, le parking de Casin* à Corte est muni d'ombrières photovoltaïques depuis fort longtemps, c'est bien utile même en mai (j'y allais jamais en été). A savoir s'il y a de l'entretient ou pas, en hiver s'il neige, par ex (je pense à la Savoie, i...

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