Énième coup de théâtre dans la transformation de la gare du Nord. Selon des sources concordantes, Ceetrus (ex-Immochan), la filiale immobilière du groupe Auchan, qui était partenaire de Gares & Connexions pour gérer cet énorme projet avant que la filiale de la SNCF ne mette fin à ce partenariat, vient de saisir le tribunal administratif de Paris contre Gares & Connexions. Pour rappel en effet, en septembre 2021, la filiale de la SNCF annonçait la fin de la concession accordée à la société d'économie mixte à opération unique (Semop) StatioNord, la coentreprise que la compagnie ferroviaire porte (à 34%) avec la filiale immobilière du groupe Auchan (66%). Interrogées, Ceetrus et Gares & Connexions n'ont pas souhaité faire de commentaire.
Des centaines de millions d'euros réclamés
Le président du conseil d'administration de Ceetrus, qui préside aussi la Semop, réclame aujourd'hui 350 millions d'euros à Gares & Connexions au titre des dépenses engagées et des préjudices. La SNCF revendique également plusieurs centaines de millions d'euros. Selon nos informations, les avocats des deux parties préparent déjà l'argumentaire de leur client, en analysant la documentation « abondante et fournie » de StatioNord.
« Le contentieux vise à examiner l'état des obligations de chacun », confie une source proche du dossier.
En février 2019, la Semop s'était vu attribuer un contrat de financement, conception, réalisation et exploitation des commerces de la première gare d'Europe - 750.000 usagers quotidiens - pour une durée de 46 ans. Mobilisant 100% de fonds privés de Ceetrus, cette dernière devait créer une dizaine de milliers de mètres carrés d'espaces de loisirs, culturels et sportifs et agrandir les espaces commerciaux, bureaux et voyageurs.
Un coût global « ne permettant plus de trouver un équilibre économique »
Après un feu vert du Conseil de Paris, suivi par une volte-face de la Ville avant un accord à l'amiable entre les différentes protagonistes, StatioNord, détenu aux deux tiers par Ceetrus et à un tiers par Gares & Connexions, avait fait savoir, en juillet 2021, à la filiale de la SNCF que la facture des travaux doublerait presque, passant de 389 à 750 millions d'euros.
Autrement dit, un coût global de 1,5 milliard d'euros « ne permettant plus de trouver un équilibre économique ». De la même façon que le chantier aurait pris fin « au plus tôt » en 2026, soit bien après les échéances du calendrier initial du chantier à savoir la Coupe monde de rugby de l'automne 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de l'été 2024. Sans oublier des « perturbations sévères » sur le bon fonctionnement de la gare et du trafic d'ici là...
C'est pourquoi Gares & Connexions avait mis fin à l'opération, évoquant « une déchéance pour faute » et « un vrai dysfonctionnement de la maîtrise d'ouvrage ».
Dans un communiqué lapidaire de cinq lignes, Ceetrus avait réagi, en déclarant « regrette[r] le manquement manifeste de son partenaire à ses responsabilités de co-actionnaire et à la loyauté requise entre les partenaires d'une entreprise commune puisqu'il est pleinement partie-prenante à la réalisation du projet et à toutes les décisions afférentes dès son origine ».
Des travaux plus légers en attendant la rénovation d'ici à 2030
Depuis, Gares & Connexions est, elle, censée se concentrer désormais sur des travaux plus légers. A savoir l'amélioration de l'accès des taxis et VTC, de la salle d'attente dans le terminal transmanche et l'ajout de 1.000 places de vélos et d'escaliers mécaniques entre la gare souterraine - métro et RER - et la gare de surface - Intercités, TGV, Transilien - .
En réalité, d'après nos renseignements, l'information voyageurs est la priorité avec l'installation prochaine de panneaux de signalétique plus grands et surtout déposés à des endroits stratégiques aux différents étages de l'édifice.
Élément clé du chantier depuis ses débuts, la ''pacification'' du parvis va, elle, aller au-delà de l'installation de terrasses. Il est ainsi prévu qu'il ne reste plus qu'un arrêt de bus devant, les autres étant renvoyés au terminal existant au-dessus de la gare. D'autant qu'après les Jeux olympiques de l'été 2024, les rues perpendiculaires au bâtiment devraient être piétonnisées et végétalisées. La passerelle ouvrant l'édifice vers le Nord n'est en revanche pas à l'ordre du jour.
En parallèle, avec son agence d'architecture internalisée (AREP), Gares & Connexions bâtit, avec l'ensemble des parties prenantes - les régions Île-de-France et Hauts-de-France, la ville de Paris, les associations de quartiers -, un cahier des charges, afin de livrer une gare rénovée à échéance 2030.
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