Dans la Sarthe, la réindustrialisation française des gants nitrile est en marche

C’est une industrie qui avait totalement disparu en Europe depuis une trentaine d’années au profit de fournisseurs asiatiques. Près de quatre ans après la crise sanitaire, la production de gants nitrile est revenue en France plus exactement dans la Sarthe, au sein de l’usine ManiKHeir du groupe canadien Medicom et dont l’inauguration est prévue en avril prochain.
En avril prochain, les quatre lignes seront opérationnelles au sein de l'usine ManiKHeir dans la Sarthe pour produire un milliard de gants par an.
En avril prochain, les quatre lignes seront opérationnelles au sein de l'usine ManiKHeir dans la Sarthe pour produire un milliard de gants par an. (Crédits : ManiKHeir)

Jusqu'à la crise du Covid-19, tous les gants nitrile utilisés en France et en Europe étaient importés d'Asie, principalement de Malaisie et de Chine. C'est désormais du passé depuis près de cinq mois et la mise en route de l'usine ManiKHeir qui tourne 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 à Bessé-sur-Braye dans les Pays de la Loire. Il s'agit de l'un des 183 territoires éligibles au programme territoires d'industrie lancé en 2018 qui vise à accélérer la réindustrialisation et la transition écologique dans les villes moyennes.

Le pari de la proximité...

C'est dans cette commune de plus de 2.200 habitants que le groupe canadien Medicom a donc relancé la production de gants en nitrile pour les établissements de santé dans le cadre d'un marché d'État (achat d'1,5 milliard de gants d'ici au 31 décembre 2027).

Le choix de cette localisation, à la frontière entre la Sarthe et le Loir-et-Cher, n'est pas neutre. Il s'agit en effet de l'ex-site industriel de la papeterie d'Arjowiggins, leader mondial de la fabrication de papier haut de gamme, liquidé en 2019. Une fermeture qui, rappelons-le, s'était soldée par un gros plan social et la suppression de près de 580 emplois. C'est aussi un choix stratégique pour le groupe Medicom qui possède une autre filiale, Medicom SAS (ex-Kolmi-Hopen), spécialisée dans la fabrication de masques chirurgicaux, à environ 150 kilomètres de là, à Saint-Barthélemy-d'Anjou près d'Angers (Maine-et-Loire).

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... et de la qualité

L'usine ManiKHeir, qui a bénéficié de l'aide de l'État (10 millions d'euros) et de la Région des Pays de la Loire (5 millions d'euros), représente une enveloppe de 80 millions d'euros. « C'est le plus gros investissement du groupe Medicom », confirme Gérald Heuliez, le directeur général de ce site industriel étalé sur 15.800 m2.

D'après lui, il s'agit de la seule usine à fabriquer des gants à usage unique en Europe. « Un site de production de gants chirurgicaux stériles est implanté en Autriche. Et des concurrents européens s'essayent avec des volumes moins importants, soit 200 millions de gants par an », précise-t-il. Car, dans la Sarthe, les ambitions vont bien au-delà :  une montée en puissance de la production avec l'installation d'une troisième ligne de fabrication avant la fin du mois de janvier et d'une quatrième en mars, pour atteindre 900 millions à 1 milliard de gants par an.

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Pour l'heure, deux lignes entièrement automatisées, d'une longueur chacune de 1.300 mètres, assurent 50% de ce volume. Tout au long de la chaîne, les moules en porcelaine qui reproduisent la forme d'une main descendent et remontent au rythme des étapes du process : chaque gant est nettoyé et plongé dans différents bains (acide, coagulant..) avant d'être passé dans un four puis démoulé et empilé en tas. « Aucun gant n'est manipulé par un opérateur », assure Gérald Heuliez.

Un savoir-faire plus coûteux, mais plus vertueux

Pour se démarquer de la production asiatique, où « 80% des gants sont chlorinés », l'usine de Bessé-sur-Braye fait appel à un procédé de fabrication sans chlore, grâce à une polymérisation, « plus coûteuse mais plus vertueuse ». Ces gants sont aussi sans accélérateur offrant une protection avancée contre certaines allergies. Et, pour assurer le suivi de la qualité, les lignes de production sont bardées de 1.600 capteurs.

En conséquence, à la sortie de l'usine, ces gants en nitrile coûtent « 25 à 30% » plus cher que les produits importés. Un prix plus élevé que les clients seraient néanmoins prêts à payer en raison de la valeur ajoutée du produit, de sa qualité supérieure et de ce savoir-faire industriel.

 Les premières livraisons vont démarrer le 1er mars prochain pour alimenter en priorité le secteur médical. « Nous fournirons les établissements publics de santé en France tout en constituant un stock de sécurité », assure Gérald Heuliez.

À terme « 60% de la production seront dédiés au médical (secteur dentaire, hôpitaux) et 40% au milieu industriel (agroalimentaire, cosmétique, pharmacie) ».

Continuer de relocaliser

Inaugurée en avril prochain, l'usine tournera alors avec plus de 150 collaborateurs (contre 142 actuellement), des personnes à la maintenance et des conducteurs de ligne étant en cours de recrutement. S'agissant de futurs aménagements, une emprise au sol de 40.000 m2 pourrait permettre de doubler la superficie du bâtiment industriel à horizon 2026.

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Dans cet objectif de favoriser la réindustrialisation du territoire français, Gérald Heuliez ne cache pas son souhait de réindustrialiser aussi la fabrication de moules en porcelaine, jusqu'alors importés de Malaisie, utilisés pour faire ces gants. À ce titre, il serait d'ailleurs en pourparlers avec une entreprise située dans le bassin de Limoges.

De son côté, le groupe Medicom s'apprête à lancer un projet similaire à son usine sarthoise au Canada en 2026.

L'usine ManiKHeir en dates et en chiffres

  • 2021 : lancement du projet et déconstruction de la friche industrielle
  • 2022 : début du chantier
  • 8.100 m2 : superficie de l'entrepôt avec une capacité de 4.000 palettes (soit 240 millions de gants)
  • 142 personnes travaillent sur le site, dont plus de 50% sont des anciens salariés d'Arjowiggins.

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Commentaires 2
à écrit le 09/01/2024 à 15:25
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"C’est une industrie qui avait totalement disparu en Europe depuis une trentaine d’années au profit de fournisseurs asiatiques." Et ils sont ou les coupables ?

à écrit le 09/01/2024 à 14:01
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Quand on utilise certains solvants qui font 'gonfler' le caoutchouc et le fragilise mécaniquement, le nitrile rend service (mais est plus onéreux). En labo, les nitriles sont bleus, peut-être pour les distinguer des latex (beige), ou des vinyl (incol...

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