Bandes dessinées : Comment les éditions Bamboo se sont fait une place sur le marché

Leader sur le secteur de la bande dessinée humoristique, le groupe Bamboo, implantée à Mâcon, en Saône-et-Loire, a su se faire une place sur le marché très concurrentiel du 9e art. Son plus gros succès, « Les Sisters », s’est vendu à près de 7 millions d’albums dans le monde entier.
Olivier Sulpice, fondateur et dirigeant des Editions Bamboo.
Olivier Sulpice, fondateur et dirigeant des Editions Bamboo. (Crédits : AMANDINE IBLED)

Cinq entités dominent l'économie de la bande dessinée en France, selon la revue des médias publiée sur le site de l'INA. Elles concentrent 77 % des exemplaires vendus : le groupe franco-belge Média-Participations, qui pèse à lui seul 27,3 % du marché, occupe la première position ; les éditions Delcourt, qui représentent 16 % du marché ; l'éditeur Glénat, capte 15,6 % des ventes du secteur ; le groupe Hachette, leader de l'édition française, correspond à 11,5 % des exemplaires écoulés ; enfin, le groupe Madrigall représente près de 7 % du marché. Derrière ces géants de l'édition, une douzaine d'entreprises de taille intermédiaire, comme Bamboo, réalisent entre 4 % et 0,30 % des ventes d'exemplaires. « Nous sommes le sixième éditeur français », assure Olivier Sulpice, fondateur et dirigeant des Editions Bamboo. La maison d'édition française spécialisée dans le manga, Ki-oon lui est passée devant cette année. « Il faut dire que les ventes de mangas ont doublé en France, en 2022 », reconnaît Olivier Sulpice.

Le « Forest Gump de la BD »

Ce qui a fait la réussite des Editions Bamboo créée en 1997, c'est de miser sur des secteurs bien spécifiques. « Au départ, nous avons commencé par proposer une page de BD sur le rallye dans le magazine Échappement puisque mon associé, Henri Jenfevre, était fan de rallye », explique Olivier Sulpice qui a débuté comme auteur. Les deux amis qui s'étaient connus au service militaire, ont ensuite décliné le concept avec une BD sur le VTT dans VTT magazine, dans les assurances à la Winterthur, et encore aujourd'hui par exemple, une BD sur les animaux marins est vendue dans les aquariums. Leur premier succès fut Les Gendarmes vendues dans les cantines de gendarmeries puis sur les supporters de foot avec Footmaniacs, vendus chez Décathlon. « À l'époque, personne n'arrivait à rentrer chez Décathlon en bande dessinée. Grâce à ma naïveté, j'ai appelé, j'ai passé tous les barrages et à la fin j'ai été référencé ». Le « Forest Gump de la BD » comme il se nomme en référence « au personnage naïf mais qui finalement parvient à ses fins », a ainsi construit sa maison d'édition en vendant lui-même au départ, sans distributeur, en librairie, mais aussi dans d'autres réseaux de vente directe. « Une stratégie qui m'a peut-être fait évoluer plus lentement que certains éditeurs, mais beaucoup plus sûrement et qui s'est consolidée à chaque étape », explique l'entrepreneur. Entre 2017 et 2022, son chiffre d'affaires PPHT (prix public hors taxe) a doublé́, passant de 21 à 42 millions d'euros.

Le rachat de Fluide Glacial

En 2016, Bamboo s'offre, pour un million d'euros, un monument de la BD française : Fluide Glacial, le magazine mythique écrit en 1975 par Gotlib, qui appartenait à Gallimard. « C'était la première fois que je faisais de la croissance externe et je voulais voir si nous étions capables de racheter cette institution », raconte Olivier Sulpice. Au bout de deux ans, il décide d'embaucher l'ancien rédacteur en chef de 1990 à 2000, Jean-Christophe Delpierre, pour retrouver les bases du magazine qu'il avait tant aimé. « Nous avons recherché du beau dessin, à remettre des séries différentes, à rechercher des nouveaux auteurs et finalement cela a commencé à marcher », explique-t-il. Au moment du rachat, Fluide Glacial perdait un million d'euros par an. « Depuis trois ans, le groupe Bamboo gagne entre 600.000 et 800.000 euros après impôt, donc c'est rentable ! », confie Olivier Sulpice.

Une diversification en interne

Olivier Sulpice a toujours souhaité être une maison d'édition généraliste avec un large spectre d'albums. C'est pourquoi en 2005, il a créé Doki-Doki, une collection 100% manga dirigée par Arnaud Plumeri. « La France est deuxième pays au monde à acheter des mangas, derrière le Japon évidemment mais devant les Etats-Unis ! », rappelle le chef d'entreprise. « Pour les mangas, chez nous, c'est de l'achat de droit de BD japonaises uniquement, mais l'intérêt c'est que depuis trois ans, le manga a doublé et maintenant il pèse 20% du groupe », confie l'entrepreneur.

En 2018 : Bamboo rajoute une touche de « fantasy » à son univers avec Drakoo, le label consacré aux mondes fantastiques et imaginaires, dirigé par celui qui a créé Lanfeust : Christophe Arleston. « Cette société a 5 ans et elle fonctionne plutôt bien puisque cette année nous allons faire 4 millions d'euros de chiffre d'affaires prix public hors taxe (PPHT), soit un chiffre d'affaires bilan autour de 2 millions d'euros », précise Olivier Sulpice.

En 2020, lentreprise investit 2,5 millions d'euros dans un nouveau bâtiment à Charnay-lès-Mâcon

[Pour répondre à sa croissance, en 2020, l'entreprise a investi 2,5 millions d'euros dans un nouveau bâtiment, à Charnay-lès-Mâcon.]

Créer son propre circuit de distribution : un pari risqué

Au fur et à mesure que la structure grandissait, la maison d'édition changeait de distributeur pour répondre à ses besoins, jusqu'au jour où son dirigeant s'est lancé le défi de créer son propre réseau de diffusion : « Bamboo Diffusion ». « C'était un gros pari car il nous manquait 20% de chiffre d'affaires pour créer la structure. Finalement, dès la première année, nous avons fait 30% de chiffre d'affaires en plus », se félicite Olivier Sulpice. Un projet risqué, qui s'est pourtant là aussi avéré́ payant. « Nous craignions que Carrefour ou la Fnac ne veuillent pas nous recevoir car ils avaient déjà beaucoup de comptes clés. Finalement, ils ont adoré pouvoir nous parler en direct », poursuit-il. Depuis cinq ans, la diffusion a permis de doubler le chiffre d'affaires du groupe.

Du 9e art au 7 art : un secteur prometteur

En 2013, Bamboo voit pour la première fois une de ses BD adaptée au cinéma. Produit par UGC et réalisé par Pierre-François Martin-Laval, le film Les Profs, devient le plus gros succès français de l'année avec près de 4 millions d'entrées. Deux ans plus tard, Les Profs 2, dépasse les 3,5 millions d'entrées... De quoi avoir envie de s'aventurer dans l'univers du 7e Art. « Puisque nous savions raconter des histoires, l'idée est venue d'aller plus loin avec des produits dérivés, et notamment l'audiovisuel », explique Olivier Sulpice. Les choses se concrétisent en 2018 avec le lancement de Bamboo Films, dirigé par Mathieu Zeller. Bamboo se donne ainsi les moyens de porter à l'écran les héros de ses séries les plus emblématiques, comme le dessin animé, Les Sisters, diffusé sur M6, Gulli et Netflix, mais aussi ses albums coups de cœur. Quatre projets sont en cours de production : Les Gendarmes, L'Adoption, Une nuit à Rome, Les Sisters en film avec Tf1. « Il y a aussi de grandes chances que nous produisions une BD réaliste avec Netflix », confie l'entrepreneur.

Pour fêter ses 25 ans, le groupe Bamboo organise, le 30 septembre prochain, un festival d'une journée ouvert au grand public, avec 150 auteurs. L'entreprise proposera également une vente aux enchères de planches originales de ses auteurs. L'argent récoltée sera reversé à une association alimentaire destinée aux étudiants.

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