"Avez-vous eu l'impression d'être manipulée ? "

La huitième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce mercredi 20 juin. La Cour entend comme témoin Marine Auclair, employée de la Société Générale en préavis de départ.
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Jérome Kerviel est sous le coup de trois chefs d'accusation : abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, faux et usage de faux. Son procès en appel a commencé lundi 4 juin. Suivez en direct la huitième journée d'audience couverte par notre journaliste Laura Fort, avec les clés pour comprendre le procès. Retrouvez le compte-rendu de la première journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience, le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audienceet le compte-rendu de la septième journée d'audience.

Mercredi 20 juin

14h15.  La Cour entend maintenant comme témoin Marine Auclair, aujourd'hui en préavis de départ, dans le cadre du plan de départs volontaires mis en place par la Société Générale dans sa banque de financement et d'investissement. Bras croisés, elle explique d'une voix timide qu'elle était responsable de l'équipe « passerelle » à l'époque des faits. Une équipe chargée de détecter et de signaler les écarts qui peuvent ressortir du rapprochement entre les résultats comptables et les résultats du front-office. Marine Auclair précise : Nos travaux consistaient essentiellement à traiter des écarts. On était sur une activité en fort développement, et on était régulièrement en écart de 2 milliards d'euros entre le résultat commercial et le résultat comptable.


Mireille Filippini, présidente de la Cour, l'interroge : Est-ce que vous aviez des écarts qui restaient en suspens ?
MA : Oui, on ne pouvait pas résoudre tous les écarts en jours ouvrés.
MF : Vous aviez constatés des écarts assez importants en mars et avril 2007. Expliquez-nous.
MA : Normalement, on est assez autonomes sur la résolution des écarts. Là on ne comprenait ce que ces opérations venaient faire. Dans l'urgence de traiter ces écarts, on a contacté J. Kerviel pour lui demander des précisions. Il nous a donné ces explications en disant que ces opérations servaient à justifier la valorisation économique de warrants. J'ai alerté ma hiérarchie et la sienne. Ces explications nous ont semblé cohérentes. Donc nous avons passé les corrections comptables.
MF : Avez-vous été vérifié les opérations dans Eliot [système d'information qui répertorie toutes les opérations passées par le front-office, ndlr] ?
MA : C'est une personne de mon équipe qui l'a fait.
MF : Un écart de 94 millions d'euros, est-ce que ça vous a attiré l'?il ?
MA : Non, compte tenu des écarts qu'on peut traiter par ailleurs.
MF : Est-ce que vous saviez ce qui rentrait dans les attributions de J. Kerviel ?
MA : Pas dans le détail. Dans notre travail, on traite les écarts de résultats, pas ce que les uns et les autres ont le droit de faire.
MF : Est-ce que les supérieurs de J. Kerviel vous ont répondu ?
MA : C'est Philippe Baboulin [N+3] qui m'a assuré qu'il ferait le nécessaire pour qu'on ait les justificatifs. C'est lui qui a été voir J. Kerviel pour lui demander les justificatifs.
MF : Est-ce que M. Kerviel était coopératif avec vous ?
MA : Oui, très coopératif. A l'époque on travaillait dans un climat de confiance et on pensait qu'on allait tous dans la même direction. Pour nous, ces explications tenaient la route. On n'avait pas de raison de douter.
Pendant ce temps-là, Jérôme Kerviel continue, comme ce matin, à lire des documents, à prendre des notes, à y ajouter des « post-it », relit des documents sur un ordinateur portable... L'avocat général demande au témoin : Avez-vous eu l'impression d'être manipulée ?
Marine Auclair : Non, pas à cette époque. Pour moi, on travaillait tous dans un climat de confiance.
Me François Martineau, avocat de Société Générale la questionne à son tour : J. Kerviel vous aurait dit « je vais sauter si on ne résout pas l'écart passerelle ».
MA : Je confirme. J'ai trouvé cette remarque un peu surdimensionnée par rapport à la situation. On était dans des urgences d'arrêtés de compte. Je n'ai pas fait trop attention.
FM : Quel est votre ressenti de cette affaire aujourd'hui ?
MA : Beaucoup d'amertume. J'ai passé quatre ans à travailler sur les passerelles.
Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, qui semble s'être calmé, s'avance pour l'interroger : Vous dites que vous étiez en confiance, mais vous avez dit en première instance que vous étiez agacée. Pourquoi ?
MA : Parce qu'on n'arrêtait pas de lui dire qu'il « bookait » mal ses opérations. Il disait qu'il s'était trompé ou n'hésitait pas à incriminer son assistant. En ça, oui, ça m'agaçait fortement. Ca lui était égal d'alourdir notre travail par des négligences de booking.
DK : Qui était au courant de votre point de vue des opérations dites fictives ?
MA : Ma hiérarchie, le service des risques, la hiérarchie de JK et la direction financière.
La présidente lui demande alors : Savaient-ils quelle était la raison de ces opérations fictives ?
MA : Oui, bien sûr, on a même fait une réunion avec J. Kerviel, les équipes passerelle et les risques.

10h55. "Ca faisait longtemps que vous ne m'aviez pas engueulé Mme la présidente !"

10h00. "Les salariés de la banque de détail étaient-ils beaucoup plus contrôlés que les traders ?"

...

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Et retrouvez notre dossier spécial sur l'affaire Kerviel, les clés pour comprendre le procès (noms, définitions), les analyses de Valérie Segond et de François Lenglet après le verdict de 2010, ce que sont devenus les protagonistes de l'affaire, les plaintes déposées par Me David Koubbi (avocat de Jérôme Kerviel) et par Me Jean Veil (avocat de Société Générale), le témoignage de l'ancienne conseillère en communication de Jérôme Kerviel, et le contexte politique dans lequel s'inscrit le procès.

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Commentaire 1
à écrit le 20/06/2012 à 16:08
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Laura Fort, excellent travail de greffière que tu nous fais là. Bonne continuation.

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