C'est un ajustement a minima que le Haut Conseil de Stabilité financière (HCSF) a décidé de retenir, ce mardi 13 juin, sur les règles d'octroi d'un crédit immobilier, règles qui s'imposent à tous les prêteurs depuis le 1er janvier 2022.
Ces règles limitent le taux d'effort des emprunteurs à 35% et la durée des prêts à 25 ans. Avec cependant une marge de flexibilité, c'est-à-dire la possibilité pour les prêteurs de déroger à ces règles sur un maximum de 20% de la production trimestrielle de crédit immobilier. Selon la Banque de France, la production de crédits « non-conformes » s'établit à 13,8% au premier trimestre 202, soit en-deçà du plafond autorisé.
Aucune décision qui risquerait d'accroître le surendettement
Face à une conjoncture immobilière plus que morose, et une chute de la production de crédit de l'ordre de 40%, les banquiers, les courtiers et les professionnels du secteur immobilier fondaient de grands espoirs sur un assouplissement de ces règles pour faire repartir la machine. Ils seront donc déçus. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, avait pourtant prévenu lors de la présentation du rapport annuel de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) : « Nous ne prendrons jamais aucune décision prudentielle qui puisse accroître le surendettement ».
Et la Banque de France a opportunément publié sur son site, la semaine dernière, une note détaillée défendant la thèse d'une « normalisation » du marché du crédit immobilier après les années exceptionnelles de 2021 et 2022, et non un effondrement de la production en raison de la difficulté des banques à rester dans les clous des contraintes du HCSF.
Deux ajustements techniques
« Les règles du HCSF ne visent pas à piloter la production de crédit, mais bien à éviter le surendettement et à assurer la stabilité financière », rappelle une source proche du HCSF. Face à la forte pression de nombreux lobbies, Bercy s'était montré ces dernières semaines « ouvert » à un assouplissement des règles du HCSF face à une Banque de France plus inflexible. Cette instance « macroprudentielle », présidée par le ministre de l'Économie, a donc fait un geste, sorte de compromis, sous la forme de « deux ajustements techniques ».
Le premier vise à faciliter le pilotage des règles dans les réseaux bancaires, compte tenu de la saisonnalité de la production de crédit immobilier. Le Haut Conseil demande ainsi au superviseur, en l'occurrence l'ACPR, de pas engager de procédure contre un établissement en cas de dépassement, sur un trimestre, du seuil maximum de flexibilité de 20 %, mais d'attendre les deux trimestres suivants pour apprécier la conformité de la politique de crédit.
Le deuxième ajustement vise clairement à donner à un peu plus d'oxygène à l'investissement locatif. En effet, au sein de la marge de flexibilité, les banques sont néanmoins contraintes d'en réserver 80% au financement de la résidence principale, dont au moins 30% pour les primo-accédants.
Autrement dit, les prêteurs sont libres de prêter à qui ils veulent et aux conditions qui leur conviennent sur les 20% restants (20% de 20%, soit 4% de la production). Désormais, la proportion laissée à la libre appréciation des banques est portée à 30% au lieu de 20%, ce qui réduit la part obligée de l'accession à la propriété de 80% à 70% (30% restants réservés à la primo-accession).
Un impact estimé à 3 milliards d'euros sur la production
Pour l'autorité macroprudentielle, il ne s'agit pas de favoriser spécifiquement l'investissement locatif ou bien le financement d'une résidence secondaire. L'objectif est de prendre acte que la part réservée à l'accession à la propriété « n'est pas saturée compte tenu de la baisse de la demande », avance une source proche du HCSF. Dont acte. Le HCSF s'est toutefois résolu à faire de la dentelle alors que les professionnels du crédit immobilier réclamaient un assouplissement un peu plus déterminé.
« Une proposition de la profession consistait à permettre aux banques d'utiliser librement les 20% de dérogations possibles aux critères. Le HCSF a maintenu le cadre de répartition de ces dérogations, tout en augmentant, au sein de ces 20%, la part libre d'utilisation. Ceci va dans le sens d'un assouplissement », commente sobrement la Fédération bancaire française.
« Compte tenu des contraintes qui pèsent sur l'offre et la demande, et de l'inertie du marché de l'immobilier, nous devrons attendre plus d'un an avant de pouvoir estimer les bénéfices (de ces mesures) », estime Sophie Ho Thong, directrice juridique du courtier Finance Conseil. « Des évolutions à la marge sans effet à attendre sur la production », renchérit Sandrine Allonier chez le courtier Vousfinancer.
Selon les premières projections du Trésor, ces ajustements auraient néanmoins un impact positif sur la production de l'ordre de 250 millions d'euros par mois, soit 3 milliards d'euros en année pleine. C'est en effet à la marge. Selon les statistiques de la Banque de France, la production de crédit, hors renégociations, est de l'ordre de 12 milliards d'euros en avril 2023, « à un niveau qui semble se stabiliser nettement au-dessus des montants observés durant la décennie 2005-2014, soit 9 milliards d'euros en moyenne ».
Sujets les + commentés