Airbus : 2022, une année spatiale « décevante »

Le président exécutif d'Airbus Guillaume Faury a jugé l'année 2022 « décevante » dans le spatial. La perte des deux satellites Pléiades Neo lui a coûté plus de 200 millions d'euros.
Michel Cabirol
L'échec du lanceur du groupe italien Avio (Vega C) coûte cher à Airbus. La facture s'élève à 437 millions d'euros, auquel le groupe européen a pu retrancher un produit d'assurance de 200 millions d'euros liés à l'échec du lancement des deux satellites Pléiades Neo 5 et 6.
L'échec du lanceur du groupe italien Avio (Vega C) coûte cher à Airbus. La facture s'élève à 437 millions d'euros, auquel le groupe européen a pu retrancher un produit d'assurance de 200 millions d'euros liés à l'échec du lancement des deux satellites Pléiades Neo 5 et 6. (Crédits : Airbus Space)

l y a Airbus qui danse (bénéfice net record : 4,2 milliards d'euros) mais il y a aussi Airbus qui fait grise mine (spatial). Le président exécutif d'Airbus Guillaume Faury a d'ailleurs estimé jeudi lors de la présentation des résultats 2022 que l'année dernière a été « décevante » dans le spatial. Il aurait pu dire qu'elle a été également imméritée et frustrante. Elle se matérialise dans les comptes d'Airbus Defence and Space (DS) sous la forme d'une provision pour dépréciation liée à la perte des deux satellites Pléiades Neo en décembre (crash de Vega C) et aux nouveaux retards du lanceur européen Ariane 6. Airbus Space, alors que sa chaîne de fournisseurs a également souffert de l'approvisionnement en composants électroniques et de la crise énergétique et de l'inflation. Résultat, le résultat d'exploitation (EBIT) ajusté d'Airbus DS a reculé de près de 45%, passant de 696 millions d'euros en 2021 à 384 millions en 2022.

L'échec du lanceur du groupe italien Avio (Vega C) coûte cher à Airbus. La facture s'élève à 437 millions d'euros, auquel le groupe européen a pu retrancher un produit d'assurance de 200 millions d'euros liés à l'échec du lancement des deux satellites Pléiades Neo 5 et 6. A quoi correspond le solde de 237 millions d'euros ? Au manque à gagner qu'aurait dû générer l'activité services avec la mise en service de la constellation avec quatre satellites Pléiades Neo financés par Airbus, dont deux sont déjà en orbite, selon nos informations. Néanmoins, est-ce une dépréciation "one shot" ou bien chaque année Airbus devra-t-il prendre une provision pour dépréciation liée à la perte de revenus liée aux deux satellites perdus ? Cette question, que La Tribune a posée, n'a pas eu de réponse pour le moment.

Immérités et frustrants

Pourquoi les résultats de l'année dernière sont-ils immérités et frustrants ? La perte des deux satellites Pléiades Neo pourrait en effet être considérée comme imméritée dans la mesure où il est extrêmement rare qu'un industriel européen prenne le risque d'autofinancer un programme dans le domaine spatial. Cette initiative, basée sur la prévision d'un business rentable (vente d'images prises par les satellites de 950 kg ayant une résolution de 30 cm) pour concurrencer de façon plus agressive l'américain Maxar, a très mal été payée. Car tout l'enjeu stratégique d'Airbus Space était d'avoir quatre satellites en orbite, phasés à 90 degrés, pour proposer aux clients un taux de revisite très performant. Cette agilité aurait permis d'accéder en tout point entre deux et quatre fois par jour avec les quatre satellites. Soit environ 2 millions de kilomètres carrés par jour.

Cette force de frappe aurait permis à Airbus Space d'augmenter sa part de marché, qui s'élève aujourd'hui entre 20 et 25%. C'est raté. Et c'est la faute d'Avio, qui n'a pas été la hauteur du service. Mais pas que... Il y aussi de la frustration au sein d'Airbus, où l'on regrette de ne pas avoir suffisamment challengé le groupe italien sur la fiabilité de ce lancement mais aussi Arianespace sur le choix du lanceur. « Nous avons fait un gros investissement, très spécifique en avance de phase », explique-t-on dans le groupe. Pour autant, selon nos informations, Airbus ne lâche pas l'affaire et a pris la décision de continuer à compléter cette constellation. En revanche, il y a une réflexion sur la façon de s'y prendre. Le groupe explore plusieurs options (partenariats, technologies plus avancées...)

En attendant, les satellites Pléiades Neo séduisent le marché. La Pologne en a déjà commandé deux avant la fin de l'année. Et selon nos informations, Airbus Space est en compétition pour la vente d'une dizaine de satellites Pléiades Neo en Europe, au Moyen Orient et en Afrique. Le marché semble aussi séduit par les mini-satellites d'observation de la Terre CO3D (300 kg et 50 cm de résolution) développés et conçus par Airbus Space. Plus d'une quinzaine de clients seraient intéressés pour détenir en copropriété une constellation de mini-satellites CO3D. En dépit d'une année 2022 difficile, Airbus Space a des atouts pour rebondir.

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Michel Cabirol

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