Comment Nexter a bien surfé en 2022 sur les tensions internationales

Le groupe d'armements terrestres a réalisé une belle année de croissance en 2022 (plus de 15%). S'il dispose d'un carnet de commandes solide avec 8 milliards d'euros, il est très attendu sur des enjeux cruciaux pour son avenir : exportation, consolidation, renouvellement de la gamme de produits et livraisons.
Michel Cabirol
Nexter a vendu 55 Caesar toutes versions confondues à quatre clients, dont deux déjà utilisateurs de ce système d'arme (France et République tchèque), en 2022.
Nexter a vendu 55 Caesar toutes versions confondues à quatre clients, dont deux déjà utilisateurs de ce système d'arme (France et République tchèque), en 2022. (Crédits : Nexter Systems)

Le commissaire européen Thierry Breton, qui était à Bourges ce lundi pour évaluer les capacités de production de Nexter et du missilier MBDA avec l'objectif de fournir des munitions à l'Ukraine, a visité deux groupes en croissance, qui profitent des tensions et des crises à l'international (MBDA et à un degré moindre Nexter). Ainsi, le groupe dirigé par Nicolas Chamussy poursuit sa trajectoire ascendante avec un chiffre d'affaires en hausse régulière depuis 2020. Après une augmentation en 2021 (1,1 milliard d'euros en 2020 puis 1,3 milliard en 2021), Nexter, spécialisé dans l'armement terrestre, a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros (3.849 salariés à fin 2022), selon des sources concordantes. Le groupe public, qui a affiché l'an dernier un EBIT supérieur à 10%, a notamment livré 18 Jaguar, 116 Griffon, 70 Serval à l'armée de terre française et 36 Caesar au Maroc.

Grâce notamment à des contrats de munitions et de soutien et au système d'artillerie autotracté Caesar, son best-seller à l'exportation, Nexter a réussi en 2022 à engranger 1,7 milliard d'euros de prises de commandes (contre 1,3 milliard en 2021). Sans encore profiter totalement du concept d'économie de guerre, le groupe a notamment vendu l'an dernier 55 Caesar toutes versions confondues à quatre clients, dont deux déjà étaient utilisateurs du système d'arme (France et République tchèque). Par ailleurs, Nexter a réussi à accrocher deux nouveaux pays : la Belgique et la Lituanie qui ont commandé respectivement 9 et 18 Caesar 6X6 MkII. Des ventes qui permettent à nouveau à Nexter d'obtenir un book-to-bill (ratio commandes sur chiffre d'affaires) supérieur à 1 et, surtout, de détenir un carnet de commandes solide à hauteur de 8 milliards d'euros.

Enjeux : livrer et renouveler la gamme de produits

Le groupe doit faire face à au moins quatre enjeux cruciaux pour 2023 et au-delà. Premier enjeu, assurer la montée en cadence de la production du programme Scorpion, des munitions et des Caesar. Nexter a donc des enjeux de production important comme continuer le développement et la montée en puissance des livraisons Jaguar et Serval, tout en assurant celles du Griffon. Nexter doit également donner des gages à l'État (50% de KNDS) pour produire et livrer plus vite dans le cadre de l'économie de guerre. Enfin, le groupe doit réussir la livraison du premier char de combat Leclerc rénové mais aussi de la première tourelle T40 téléopérée.

Une tourelle qui fait d'ailleurs partie des cinq projets « Phares », qui ont été lancé par KNDS. Outre cette tourelle, Nexter porte les projets Ascalon (canon et munitions pour le programme franco-allemande MGCS en concurrence face à Rheinmetall) et Katana (munition d'artillerie de précision) tandis que KMW porte le projet du Boxer chenillé. Enfin, Nexter et KMW développe en commun le projet Long Range Artillerie System (LORAS). C'est le deuxième enjeu crucial pour Nexter de renouveler sa gamme de produits.

Le projet de char EMBT, développé par KNDS, maison mère de Nexter et de Krauss-Maffei Wegmann, doit faire partie de ce futur mais à court terme pour faire la jonction entre le Leclerc et le MGCS, le futur système de combat terrestre, qui prend de plus en plus de retard. L'EMBT, qui a pâti des très mauvaises relations entre Frank Haun et  l'ancien PDG de Nexter Stéphane Mayer, pourrait être in fine un très beau symbole de la réussite du groupe KNDS, et au-delà de la fameuse coopération aujourd'hui bancale entre Paris et Berlin.

Gagner à l'export et participer à la consolidation

Troisième enjeu, l'export où Nexter doit faire face à une concurrence de plus en plus féroce, y compris sur le segment du Caesar. Ainsi, à l'exception de la Belgique (contrat CAMO), le programme Scorpion, qui reste trop franco-français, n'a pas encore trouvé pas beaucoup d'échos pour l'heure à l'exception du Serval, qui dispose de prospects en cours. Si le VBCI est à nouveau en piste au Qatar, il est encore loin d'avoir gagné face notamment au Boxer proposé par Rheinmetall et la Grande-Bretagne dans sa version britannique. Ce qui est sûr en revanche, c'est que Nexter va continuer à engranger des commandes de munitions. Le groupe prépare une montée en puissance inédite. Ainsi, la production des munitions de 155 mm va passer de 40.000 obus par an aujourd'hui à 120.000 en 2025.

Enfin, dernier enjeu, la consolidation de l'industrie de l'armement terrestre européenne. Les projets d'acquisition du groupe KNDS semblent être au point mort alors que son rival Rheinmetall fait son shopping avec la prochaine acquisition du munitionnaire espagnol Expal Systems (1,2 milliard d'euros) puis en achetant 40% du spécialiste du numérique Blackned. En attendant le retour tôt ou tard du dossier Arquus (groupe Volvo), les projets de consolidation de KNDS avec le possible achat du groupe italien Oto Melara (groupe Leonardo) et du français TDA (Thales) se sont très nettement refroidis. Mais KNDS doit absolument enclencher la marche avant pour lutter contre l'hégémonique Rheinmetall.

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 22/03/2023 à 19:05
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Bonjour, Nexter est avant tout une entreprise étatiques, même si la part du publique est en constante auguentation... Ils est regrettable qu'ils n'y est pas plus de développement hors des commandes français... Le VECTRA 120 mm étaient particulière...

à écrit le 21/03/2023 à 18:28
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Bonjour, Bon sans vouloir dénigrer la chose... A part quelques canon césar, des tonne de munitions de 155mm , et les livraisons de quelques véhicules a l'état français... Ils n'y a rien de bien concluant.... Bien sûr ils ne faut pas le dire...

le 05/03/2024 à 13:03
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mais pourquoi faut jamais le dire?

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