
CSO-3, ou le satellite espion maudit qui reste cloué au sol au lieu d'envoyer des images d'une orbite située à 800 km depuis plusieurs mois. Initialement, il devait être lancé en 2021 par Ariane 62, puis, fin 2022, par le lanceur russe Soyuz, et, enfin, il est désormais programmé sur Ariane 62 en 2023. En principe. Le premier décalage du lancement de CSO-3 est lié aux délais de réparation de deux anomalies d'origine industrielle et aux conséquences de la crise sanitaire Covid-19. Puis, l'armée de l'air a été contrainte de sélectionner fin 2021 Soyuz en raison du retard d'Ariane 6. Manque de chance, l'armée de l'air a dû composer avec l'arrêt des opérations de Soyuz à Kourou décidé fin février 2022 par la Russie en rétorsion des sanctions occidentales qui l'ont visées après l'invasion en Ukraine.
Enfin, le nouveau retard du premier vol d'Ariane 6 pèse fortement sur la mise en service de capacités cruciales (observation optique) de l'armée de l'air et de l'espace au moment où elle en aurait besoin pour renseigner les autorités politiques françaises sur le conflit russo-ukrainien. Ce conflit a d'ailleurs révélé les vulnérabilités de l'autonomie de l'industrie spatiale européenne. Le satellite espion CSO-3 reste aujourd'hui dépendant de la mise en service commerciale d'Ariane 6, dont le premier vol est prévu en 2023 (initialement juillet 2020). L'Agence spatiale européenne (ESA) devrait communiquer cet automne sur la date du premier vol. Il pourrait avoir lieu au dernier trimestre 2023, comme certaines rumeurs commencent à le suggérer.
CSO-3 à bord d'Ariane 6 en 2024 ?
Non seulement le troisième satellite espion français de la constellation Composante spatiale optique (CSO) va rester confiné en salle blanche pendant un certain temps mais le retard de la mise en service de CSO-3 pourrait également décaler le programme IRIS. Cette nouvelle constellation doit remplacer celle de CSO, dont les satellites ont une durée de vie contractuelle de dix ans. CSO-1 a été lancé en décembre 2018 puis CSO-2 en décembre 2020. Le général Frédéric Parisot, major général de l'armée de l'Air et de l'Espace a d'ailleurs précisé fin juillet à l'Assemblée nationale que "le lancement du satellite CSO-3 a été décalé d'un an. En conséquence, le lancement de son successeur IRIS sera probablement également décalé d'un an". Voire plus si CSO-3 ne décolle qu'en 2024 avec Ariane 6. Le ministère des Armées prendra-t-il le risque de le faire monter à bord d'un lanceur étranger ?
Prévu initialement en 2028, le programme IRIS, lancé en 2019, est désormais programmé à l'horizon 2030. Un programme dont la mise en service à dériver d'abord en 2019, et aujourd'hui en 2030. "Nous le subissons, ou en profitons peut-être pour étaler nos dépenses et nos capacités", a expliqué le numéro deux de l'armée de l'air et de l'espace. Sous l'égide du ministère des armées, Airbus Space et Thales Alenia Space (TAS) ont avec la Direction générale de l'armement (DGA) bâti une équipe industrielle commune dans l'observation spatiale pour le programme IRIS, qui succèdera à CSO. Non sans mal.
Dans le nouveau schéma industriel, un premier satellite (EHRmin), développé et fabriqué principalement par Airbus, devait être mis initialement en service en 2028, puis un second (EHRmax) développé par TAS arrivera plus tard, en 2032. Airbus s'appuiera sur la technologie du silice (miroir en carbure de silicium) tandis que TAS développera à Cannes un satellite plus classique avec des optiques comme la France en a eu depuis Helios. Le premier satellite devrait offrir une performance légèrement meilleure que CSO, le second sera en revanche beaucoup plus performant, notamment pour des missions d'identification et de renseignement stratégique. Selon nos informations, le CNES aurait notifié à TAS des contrats sur des travaux de développement de sous-systèmes critiques (phase A) pour une cinquantaine de millions d'euros. La phase B est attendue en 2023.
Une revisite non budgétée
Dans le domaine spatial, la revisite (fréquence de passage du satellite sur une cible) est un vrai problème. "Nous avons également constaté la nécessité de revisite - l'importance de disposer, régulièrement, de bonnes images. C'est d'ailleurs l'objectif d'IRIS, le successeur des satellites CSO", a averti le général Frédéric Parisot lors de son audition. Pour autant, le ministère des Armées n'avait pas encore alloué un budget pour augmenter la capacité de revisite du programme IRIS. Un budget évalué entre 200 et 300 millions d'euros supplémentaires.
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