
Cela pourrait être la proposition de la dernière chance pour le programme franco-allemand MGCS (Main Ground Combat System) géré par le groupe franco-allemand KNDS (Krauss-Maffei Weigmann et Nexter). Selon nos informations, la France et l'Italie ont récemment convenu de proposer à l'Allemagne d'inclure une participation italienne (Leonardo) dans le programme du char du futur européen. Pour la France, qui semble ne plus vouloir se laisser marcher dessus par l'Allemagne dans les programmes en coopération, ce serait à prendre ou à laisser. En juin dernier lors du salon aéronautique du Bourget, le ministre de la Défense italien Guido Crosetto avait révélé dans un tweet qu'il avait eu avec son homologue français Sébastien Lecornu une « longue conversation » sur plusieurs dossiers, dont une sur « la coopération dans le secteur de l'industrie de la défense ».
Depuis le début de cette année, la France et l'Italie ont relancé leur coopération dans le domaine de l'armement. Rome semble être devenue le nouveau partenaire de jeu préféré de Paris, qui - il est vrai - a pris claque sur claque de son partenaire allemand depuis plus plus de cinq ans (Tigre Mark 3, MAWS, missile MHT...). Après la méga-commande commune du missile Aster en début d'année, puis l'arrivée de l'Italie dans le programme de missiles franco-britanniques FMAN/FMC, et, enfin, la rénovation à mi-vie (MLU) des quatre frégates Horizon des marines française (Forbin et Chevalier Paul) et italienne (Andrea Doria et Caio Duilio), Paris et Rome souhaitent à nouveau approfondir leurs relations en matière de coopération dans la défense en invitant Leonardo dans le programme MGCS.
Rome et Paris pourraient être gagnants
Pour l'Italie, ce programme permettrait de remplacer très progressivement à l'horizon 2040 les chars Ariete fabriqués par OTO Melara (filiale de Leonardo) et Iveco, dont 125 exemplaires (sur 200) doivent faire l'objet d'une rénovation, et surtout les futurs chars Leopard 2A8 en fonction de l'arrivée du MGCS, le futur système de systèmes terrestre européen. L'Italie souhaite acquérir au moins 125 chars Leopard 2A8 auprès de KNDS et de Rheinmetall (entre 20% et 30% du programme Leopard). En outre, l'Italie rentrerait dans un programme d'armement majeur en Europe en devenant un partenaire à part entière à l'image du programme Tempest, le rival du SCAF.
Pour la France, l'arrivée de l'Italie dans MGCS permettrait de rééquilibrer le rapport de force au sein d'un programme bloqué par l'activisme de Rheinmetall, qui cherche à réduire la participation de KNDS, dont celle de la France. Les industriels n'ont jusqu'ici pas trouvé d'accord sur la répartition des tâches, notamment au niveau de l'armement du futur char. En dépit d'une mise en scène de la volonté des ministres français et allemand (Boris Pistorius) de faire progresser le projet franco-allemand de char du futur, un océan de méfiance sépare les deux partenaires, qui devaient pourtant être en 2017 le noyau d'une industrie de défense européenne. « On veut le faire. Et on ne le fait pas que pour des raisons industrielles. On a besoin de définir un avenir à ce segment d'équipement militaire », avait précisé Sébastien Lecornu lors d'une conférence de presse commune avec son homologue Boris Pistorius à Berlin. Pour autant, les enjeux industriels du projet MGCS prennent le pas sur le besoin militaire, se plaignent les militaires.
« Discussions franches et décisives avec @PistoriusBoris sur le char de combat du futur. Nous voulons le faire ensemble ! Ni un nouveau Leclerc, ni un nouveau Léopard, le #MGCS opère un saut technologique majeur qui sera en service jusqu'en 2070 ! », explique dans un tweet du 10 juillet Sébastien Lecornu.
Mais le mois de juillet a d'ailleurs encore été le théâtre d'un mini-drame entre Français et Allemands, selon des sources concordantes. La France a refusé au dernier moment que les industriels tricolores participent à une réunion en Allemagne pour finaliser un projet technologique (FMBT) financé par la Commission européenne (20 millions d'euros) dans le cadre d'un appel à évaluation (« call ») sous prétexte que les Allemands étaient trop hégémoniques. Puis, Paris, qui ne souhaitait pas laisser un boulevard aux Allemands sur un dossier aussi stratégique, a demandé à ses industriels de faire une contre-proposition à la Commission à laquelle participent les industriels italiens. « L'Italie est très pushy sur FMBT », explique-t-on à La Tribune. Au final, cela est devenu très clairement un match France/Italie contre l'Allemagne...
Boris Pistorius et Sébastien Lecornu ont convenu en juillet d'un nouveau rendez-vous fin septembre sur ce projet lancé en 2017. Six ans d'atermoiements. Soit six ans de perdu pour un programme majeur pour la France. Car le besoin de l'armée de Terre est de disposer de premiers systèmes dès 2035. Ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne. Pour les deux ministres, c'est stop ou encore ?
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