Canberra a-t-elle pris la France de court, en mentant sur son intention de rompre le « contrat du siècle » signé en 2016 d'achat de douze sous-marins français diesel-électriques, en faveur de navires américains à propulsion nucléaire ? Le Premier ministre australien, Scott Morrison, a délivré ce dimanche une tout autre version. Affirmant qu'il avait bien fait part de ses inquiétudes à ce sujet « il y a quelques mois ».
« Je pense qu'ils auraient eu toutes les raisons de savoir que nous avions de profondes et graves réserves quant au fait que les capacités du sous-marin de classe Attack ne répondaient pas à nos intérêts stratégiques, et nous avions clairement indiqué que nous prendrions une décision basée sur notre intérêt stratégique national », a-t-il précisé à l'occasion d'une conférence de presse à Sydney.
Plus tôt dans la journée, c'est le ministre de la défense, Peter Dutton, qui avait avancé sur Sky News Australia que son pays avait été « franc, ouvert et honnête » avec la France sur ses préoccupations concernant l'accord, celui-ci ayant dépassé le budget prévu et accumulé du retard. Et d'affirmer avoir « personnellement exprimé » ces préoccupations à son homologue française, Florence Parly.
« Les suggestions selon lesquelles le gouvernement australien n'a pas signalé ses inquiétudes défient, franchement, ce qui est dans le dossier public et certainement ce qui a été dit publiquement pendant une longue période », a ajouté Peter Dutton.
« Coup dans le dos »
L'allégation détonne avec le choc et l'indignation affichés par Paris, après qu'Emmanuel Macron a rappelé les ambassadeurs de France à Canberra et à Washington, dans un geste sans précédent. Invité samedi sur la chaîne de télévision France 2, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a ainsi évoqué une « crise grave », dénoncé un « mensonge », une « rupture majeure de confiance » et regretté une « duplicité » de la part des Australiens et des Américains.
« C'est vraiment [...] un coup dans le dos. [...] Nous avions établi avec l'Australie une relation de confiance, cette confiance est trahie », avait-il déclaré jeudi sur France info.
Le ministre a par ailleurs qualifié le retrait des ambassadeurs d'acte « très symbolique ». « Il vise à montrer à nos pays anciennement partenaires que nous avons un très fort mécontentement, qu'il y a vraiment une crise grave entre nous », a-t-il fait valoir.
Il faut dire que la décision australienne de se retirer de ce méga-contrat de 56 milliards d'euros est une claque, dont les conséquences seront colossales sur le plan commercial pour le français Naval Group. Mais aussi sur le plan diplomatique, alors que Paris espérait par là-même verrouiller sur le long terme son partenariat stratégique avec l'Australie dans la région Indo-Pacifique.
Avenir de l'OTAN
Dans ce contexte pour le moins tendu, l'Europe devra se doter « de sa boussole stratégique », a fait valoir Jean-Yves le Drian. Et celle-ci sera « sous la responsabilité de la France au premier semestre 2022 », a ajouté le ministre des Affaires étrangères, en référence à la présidence française de l'Union européenne qui prendra effet dès le 1er janvier.
Surtout, la crise pèsera sur l'avenir de l'OTAN, a-t-il prévenu sur le plateau de France 2 :
« L'OTAN a engagé une réflexion, à la demande du président de la République, sur ses fondamentaux. Il y aura au prochain sommet de l'Otan à Madrid l'aboutissement du nouveau concept stratégique. Bien évidemment, ce qui vient de se passer aura à voir avec cette définition », a-t-il estimé.
Ce concept stratégique devra mentionner les éléments centraux du nouvel environnement de sécurité, et donner des orientations pour l'adaptation des forces militaires de l'OTAN. Mais cette déclaration vient contredire les premières analyses de responsables de l'organisation transatlantique. L'amiral Rob Bauer, qui préside le comité militaire de l'OTAN, a notamment minimisé l'impact de l'affaire, jugeant qu'elle n'affecterait pas la « coopération militaire » au sein de l'organisation.
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