Renault-Nissan : coup d’envoi pour une nouvelle vie

A l'occasion de l'officialisation de cette nouvelle alliance, le patron de Nissan a salué un « accord d'égal à égal ». Depuis 2015, la relation entre les deux constructeurs s'est révélée de plus en plus complexe. La spectaculaire chute de l'ex-patron de Renault Carlos Ghosn en 2018 avait rendu ce changement de cap encore plus impératif.
Les deux constructeurs avaient annoncé en février dernier revoir les bases de leur alliance née en 1999, à laquelle s'est rajouté Mitsubishi Motors en 2016.
Les deux constructeurs avaient annoncé en février dernier revoir les bases de leur alliance née en 1999, à laquelle s'est rajouté Mitsubishi Motors en 2016. (Crédits : KIM KYUNG-HOON)

La fin d'un mariage asymétrique qui a duré 24 ans. Ce mercredi, les géants de l'automobile Renault et Nissan ont officiellement lancé la nouvelle forme de leur Alliance, leur permettant de repartir sur de nouvelles bases moins fusionnelles mais plus égalitaires. Les deux constructeurs avaient annoncé en février revoir les bases de l'union née en 1999, à laquelle s'est rajouté Mitsubishi Motors en 2016. Attendue avant la fin de l'année, sa concrétisation démarre donc plus tôt que prévu.

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« Après obtention des autorisations réglementaires requises, le Nouvel Accord de l'Alliance entre Renault Group et Nissan entre en vigueur aujourd'hui », ont ainsi indiqué les deux groupes, dans un communiqué commun.

« Ce nouveau chapitre de l'Alliance maximisera la création de valeur pour chacun de ses membres en posant les bases d'une nouvelle gouvernance équilibrée, juste et efficace », a estimé son président Jean-Dominique Senard.

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Alors que Renault détenait auparavant 43,4% de Nissan, les deux entreprises « détiennent désormais une participation croisée de 15% », est-il indiqué. Cela signe la fin d'une longue domination du groupe français, dont l'action prenait ce mercredi à la Bourse de Paris 1,24% à 33,97 euros, dans un marché en repli de 0,26% vers 10h20.

« Un accord d'égal à égal »

La relation avait été compliquée par la montée surprise de l'Etat français au capital de Renault, en 2015, puis par la spectaculaire chute de Carlos Ghosn, alors patron de l'alliance, et arrêté fin 2018 au Japon pour des accusations de malversations financières.

Un passif qui a justifié l'émergence d'un partenariat plus équilibré. Le patron de Nissan Makoto Uchida, cité dans le communiqué, a d'ailleurs salué un « accord d'égal à égal », qui permettra à Nissan de « continuer de développer ses compétences clés et gagner en agilité ». « Nous sommes convaincus des perspectives fructueuses qui découleront de ce partenariat rééquilibré », a-t-il ajouté.

« Cette nouvelle ère de l'Alliance » sera « orientée business », affirme le directeur général de Renault Luca De Meo, évoquant des « projets communs en Europe, en Amérique latine et en Inde » censés « créer des centaines de millions d'euros de valeur pour chacun des partenaires ».

Une entente déjà sur des bons rails

Renault, Nissan et Mitsubishi - dont Nissan détient 34% du capital - collaborent déjà sur de nombreux véhicules, avec des économies à la clé. Des voitures Renault et Nissan partageant les mêmes moteurs et des Renault sont vendues sous badge Mitsubishi.

Signe que la nouvelle entente est sur de bons rails, les deux constructeurs japonais ont déjà annoncé investir dans l'entité électrique de Renault, baptisé Ampere, à hauteur de 200 millions pour Mitsubishi Motors, et de 600 millions d'euros pour Nissan, même si cette dernière participation constitue un engagement moindre par rapport à ce que Renault espérait.

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Le groupe Renault, qui perd son ascendant sur son partenaire, bénéficiera tout de même « d'une plus grande flexibilité dans sa politique d'allocation de capital grâce à la possibilité de monétiser les actions Nissan », a précisé le patron de Renault Lucas de Meo. En effet, Renault a transféré 28,4% des actions Nissan « dans une fiducie française » et peut à tout moment les vendre, même si Nissan dispose « d'un droit de première offre, à son profit ou au profit d'un tiers désigné », est-il précisé. En attendant, Renault continuera d'en toucher les dividendes.

Des salariés inquiets

Au-delà de l'aspect financier, l'assouplissement de l'Alliance a des implications concrètes : depuis ce lundi déjà, Nissan et Renault ont acté la fin du partage de leurs fichiers et données. Ils ont aussi annoncé la fin de leur centrale d'achat commune, un changement drastique par rapport à l'ancienne alliance, où elle occupait une place fondamentale.

Pour les 375.000 salariés de l'Alliance, « c'est une rupture forte dans les liens qu'on avait », a affirmé à l'AFP Fabien Gloaguen, délégué syndical FO de Renault, parlant même de « divorce ». Un terme que Renault récuse mais « qui n'est pas un gros mot », affirme-t-il : « il y a des divorces qui se passent très bien ».

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Pour autant, les salariés sont inquiets : « On parle beaucoup de transactions financières, mais nos questions c'est si on va préserver les sites français et les emplois », souligne le délégué syndical FO. Le syndicaliste est notamment inquiet de « l'incertitude » qui plane autour de l'avenir des 1.400 salariés travaillant à la centrale d'achat commune ou dans les usines françaises de Renault, produisant entre autres des voitures Nissan, comme à Maubeuge, Batilly ou encore Sandouville.

Contacté lundi par l'AFP, le groupe Renault avait indiqué qu'aucun collaborateur de la centrale d'achat ne serait licencié et que « la réorganisation est en cours ». Il avait réaffirmé que les véhicules, dont Nissan a confié la construction à Renault, continueraient d'être fabriqués dans ses usines françaises.

Les deux constructeurs dans une bonne dynamique économique

Cette nouvelle version de l'alliance se fait dans un contexte où Renault a confirmé ses objectifs de l'année, avec un chiffre d'affaires en hausse de 7,6% au troisième trimestre, principalement grâce à la hausse des prix de ses modèles. Le groupe au Losange a réalisé 10,5 milliards d'euros de ventes, portées à presque 90% par son chiffre d'affaires Automobile (+5%), avec 511.000 véhicules écoulés dans le monde.

« Nous sommes entrés dans le dernier trimestre de l'année avec confiance », a affirmé le directeur financier Thierry Piéton, dans un communiqué. Les investisseurs ont néanmoins sanctionné Renault en Bourse le jour de la publication de ces résultats le jeudi 19 octobre. Le titre avait reculé de 6,79% à 33,62 euros vers 15 heures ce jour-là. Le chiffre d'affaires est en effet moins élevé que prévu par les analystes sondés par l'agence Bloomberg, qui tablaient sur 10,77 milliards d'euros.

Du côté de Nissan, la tendance économique est plutôt bonne. Le bénéfice net du groupe japonais sur la période avril-juin a totalisé 105,5 milliards de yens, un résultat plus que doublé sur un an (+123,9%). Son bénéfice opérationnel trimestriel a quasiment doublé sur un an à 128,6 milliards de yens et son chiffre d'affaires a augmenté de 36,5%.

Mais la Chine, dont le marché automobile s'électrifie à grande vitesse et où la concurrence des marques locales est devenue redoutable, est le gros bémol du constructeur japonais. Celui-ci anticipe désormais une chute de 23,4% de ses ventes en volume en 2023/24 sur ce marché crucial pour lui. Nissan a par conséquent abaissé sa prévision annuelle de ventes mondiales en volume à 3,7 millions d'unités (+12% sur un an), contre un objectif de 4 millions d'unités formulé en mai.

(Avec AFP)

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