Immobilier : le patron du Bâtiment alerte sur une « cassure » du logement neuf en 2023

Lors de son dernier point presse annuel, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) a prédit une « chute » des mises en chantier l'an prochain. « Un autre scénario est possible si le gouvernement prend la mesure de la crise du logement qui s'annonce », a alerté Olivier Salleron. Dans le viseur: la réglementation environnementale des bâtiments neufs dite "RE2020" et la non-artificialisation nette des sols (ZAN). Explications.
César Armand
Le président de la Fédération française du bâtiment ne voit qu'une solution : des mesures « fortes et rapides », financières et psychologiques, pour « relancer le paquebot ». Le cas échéant, ce sera le « trou noir ».
Le président de la Fédération française du bâtiment ne voit qu'une solution : des mesures « fortes et rapides », financières et psychologiques, pour « relancer le paquebot ». Le cas échéant, ce sera le « trou noir ». (Crédits : ERIC GAILLARD)

Malgré des « Assises du BTP » organisées par Bercy entre l'été et l'automne, malgré une intervention du chef de l'Etat aux « 24 heures du bâtiment » et malgré un Conseil national de la refondation (« CNR ») dédié au logement dont les conclusions sont attendues au printemps, le logement neuf sera à la peine l'an prochain. Après une année 2020 plombée par la Covid-19 et les confinements, suivi de deux années 2021-2022 de relance de la machine productive par les nouveaux maires, 2023 rimera avec « cassure ».

C'est du moins l'expression employée, ce 13 décembre, par le président de la Fédération française du bâtiment, Olivier Salleron. Il prédit une « chute » des mises en chantier de 9%, soit, l'an prochain, 360.000 logements neufs en tout et pour tout - au lieu des 500.000 qu'il faudrait pour résoudre la crise du logement selon les acteurs du secteur et les responsables politiques.

Entre l'explosion des prix de l'énergie et une chaîne d'approvisionnement qui fait défaut, notamment à cause de la guerre en Ukraine, des projets ne sortent plus. Les promoteurs obtiennent certes des permis de construire, mais, sachant que les coûts de construction représentent 50% de leurs coûts de revient, toute hausse à deux chiffres des prix de matériaux est synonyme d'absence de marge et donc d'abandon du chantier.

« Un autre scénario est possible si le gouvernement prend la mesure de la crise du logement qui s'annonce »

 A cela s'ajoute un recul desdits permis de construire accordés par les maires. Le patron du Bâtiment évoque un « effondrement » de 21,3% en 2023, après un recul des ventes en 2022 de 30% dans l'habitat individuel et de 15% dans le collectif. Moins de permis est effectivement synonyme de moins d'offres et mécaniquement de moins de ventes.

« Un autre scénario est possible si le gouvernement prend la mesure de la crise du logement qui s'annonce », exhorte Olivier Salleron.

Sauf que le ministre du Logement, Olivier Klein, et le président de la FFB, tiennent déjà le même discours : « construire plus, mieux, plus durable et plus social ». Olivier Salleron, lui, s'impatiente : « Tout le monde veut des choses concrètes », rappelant sa liste de 85 propositions à l'adresse des futurs députés à la veille des élections législatives de juin dernier.

Dans le viseur: la RE2020 et la ZAN

Troisième frein : la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments dite « RE2020 », qui généralise le recours à des matériaux beaucoup moins émetteurs de carbone tout au long de leur cycle de vie. En vigueur depuis le 1er janvier 2022, elle est génératrice de surcoûts de l'ordre de 8% à 10%, insiste le patron du Bâtiment. Une fourchette répétée à l'envi par la Fédération des promoteurs immobiliers.

 Autre blocage : la réduction de moitié de l'artificialisation des sols dans les dix ans avant la zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, prévues par la loi « Climat & Résilience » de 2021. Par la voix d'Olivier Salleron, la FFB demande un « assouplissement » du dispositif, c'est-à-dire des « dérogations ».

« Il faut pouvoir continuer à construire dans les villages, installer une maison médicale avec des locaux adaptés et y loger les médecins et infirmiers de campagne, sans oublier l'activité économique », interpelle le patron du Bâtiment.

60% des demandes de crédit refusées : un risque de « trou noir »

Dernier sujet et non des moindres : le rejet de crédits aux particuliers par les banques. 60% des demandes des primo-accédants sont refusées, assure-t-il. « Ça commence à être grave. Il faudra qu'on nous explique pourquoi il y a ce resserrement ! », s'époumone Olivier Salleron, dans la droite ligne des déclarations de son homologue chez les professionnels du logement neuf, Pascal Boulanger.

Ultime point de crispation : la ponction de 300 millions d'euros sur le budget d'Action Logement, premier bailleur social et premier producteur de logement social et intermédiaire. « C'est une erreur stratégique de continuer à lui taper sur la tête à coup de hache ! » s'exclame le patron du Bâtiment.

 De fait, malgré ces alertes, Olivier Salleron ne perçoit aucun « signal optimiste ». « La "bombe sociale" est là. Il va falloir réagir. L'offre ne suffira pas avec la démographie française », martèle-t-il.

Le président de la Fédération française du bâtiment ne voit qu'une solution : des mesures « fortes et rapides », financières et psychologiques, pour « relancer le paquebot ». Le cas échéant, ce sera le « trou noir ».

Une crise qui touche aussi les bâtiments des collectivités

Frappées elle aussi par l'explosion des prix de l'énergie, les collectivités territoriales revoient également leurs priorités, confie le président de la Fédération française du bâtiment. « Des projets sont repoussés dans l'attente d'une réduction des coûts », affirme-t-il. D'autres ouvrages sont revus à la baisse en termes de mètres carrés et/ou de volumes, enchaîne Olivier Salleron.

César Armand

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Commentaires 5
à écrit le 14/12/2022 à 7:18
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Tout cela est la faute de la privatisation pour ponctionner le capital français en matière de nucléaire au profit de boite de spéculation énergétique qui ont besoin de rareté pour faire encore plus monter les prix.

à écrit le 14/12/2022 à 7:11
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Tiens, on entend pas les bien-pensants crier au complotisme? Panier de crabes un jour, panier de crabes toujours, ainsi navigue le monde des politiques et technocrates

à écrit le 13/12/2022 à 22:54
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Quand il n'y aura plus de terres agricoles à bétonner, ce lobbyiste pourra toujours lécher le goudron pour tromper sa faim.

à écrit le 13/12/2022 à 20:48
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avec l'argent gratuit qui coulait de nulle part avec des banques qui pretaient a n'importe qui, c'etait bcp plus facile, en particulier pour facturer n'importe quoi a n'importe quel prix.......le retour a la realite va etre dur tant pour les boites q...

à écrit le 13/12/2022 à 19:23
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en gros ce monsieur reclame plus de subvention. Le secteur est completement drogué a l argent de l etat (quasiment un acheteur sur 2 le fait pour defiscaliser avec du pinel). C est pourtant l inverse de ce qu il faut faire : laisser exploser la bulle...

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