Saint-Gobain entend continuer sa croissance à marche forcée en Amérique du Nord

Le fabricant et distributeur français de matériaux de construction table sur 10,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2022 en Amérique du Nord, région dont l'activité a quasiment doublé en seulement cinq ans, grâce à une stratégie d'acquisitions massive. Cette croissance externe en Amérique du Nord permet à Saint-Gobain de revendiquer le titre de co-leader mondial, avec le suisse Sika, un autre spécialiste de la chimie de la construction et de la décarbonation de l'industrie.
César Armand
« Avec Continental Building Products, gagné face à un groupe américain, nous avons doublé nos parts de marché sur le marché nord-américain et multiplié par 2,5 notre rentabilité. Le coût de transport est, lui, passé de 22% à 10% », explique le directeur général de Saint-Gobain, Benoit Bazin, en visite, avec La Tribune, sur l'usine au monde de plaque de plâtre située à Buchanan (Etat de New York)
« Avec Continental Building Products, gagné face à un groupe américain, nous avons doublé nos parts de marché sur le marché nord-américain et multiplié par 2,5 notre rentabilité. Le coût de transport est, lui, passé de 22% à 10% », explique le directeur général de Saint-Gobain, Benoit Bazin, en visite, avec La Tribune, sur l'usine au monde de plaque de plâtre située à Buchanan (Etat de New York) (Crédits : C.A.)

L'offensive américaine de Saint-Gobain continue. Alors que son activité outre-Atlantique est extrêmement dynamique avec une hausse du chiffre d'affaires de près de 60% entre 2018 et 2022, à 10,5 milliards d'euros, le géant français des matériaux de construction et de verre continue d'accélérer. Représentant aujourd'hui 19% de son chiffre d'affaires, l'activité générée aux Etats-Unis et au Canada devrait atteindre 25% d'ici à 2030, malgré la concurrence féroce des deux concurrents suisses, Holcim et Sika, qui avancent aussi leurs pions sur un marché dynamique.

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Et pour cause : avec une population de près des 370 millions de consommateurs potentiels, le gâteau de la construction fait envie. L'industriel français a bien compris ces enjeux culturels et sociétaux et veut se donner les moyens d'y répondre. En cinq ans, il a réalisé près de 5 milliards de dollars d'investissements tous azimuts aux Etats-Unis, où il est implanté depuis 1967.

Près de 4 milliards d'euros d'achats stratégiques en 3 ans

Depuis début 2019, la multinationale y déploie son plan « Transform & Grow », rebaptisé Impact and Grow en 2021, qui permet aux branches régionales de réaliser elles-mêmes les acquisitions dans la construction durable et de la rénovation des bâtiments. Dans ce cadre, Saint-Gobain a multiplié les acquisitions en procédant à trois achats de taille significative aux Etats-Unis et au Canada : Continental Building Products-CBP pour 1,4 milliard de dollars (1,3 milliard d'euros) en novembre 2019, GCP Applied Technologies pour 2,3 milliards d'euros  en décembre 2021, et Kaycan pour 928 millions de dollars (860 millions d'euros) en mai 2022. Soit près de 4 milliards d'euros en trois ans pour sa croissance externe.

A ces trois emplettes nord-américaines, il faut ajouter celle, en mai 2021, de Chryso, acteur mondial de la chimie de la construction moyennant 1,02 milliard d'euros. Autant d'opérations qui ont permis à Saint-Gobain d'augmenter son chiffre d'affaires de 3,5 milliards d'euros, assure aujourd'hui son directeur général Benoit Bazin. Des achats qu'il faut toutefois mettre en parallèle des 6,2 milliards de cessions dans d'autres régions du monde ces quatre dernières années.

Un besoin de 6 millions de logements neufs aux Etats-Unis et au Canada

Une croissance appelée à grossir. Selon Saint-Gobain, il y a un besoin de 4 millions et de 2 millions de logements neufs dans ces deux pays, sans parler de tous ceux à rénover. Des perspectives qui le confortent dans sa stratégie globale d'accélérer la rénovation énergétique, la construction légère et la décarbonation de l'industrie et la construction. Que ce soit en France ou en Amérique du Nord, les bâtiments publics et privés représentent 40% des gaz à effet de serre et près de 45% des consommations d'énergie. Autant de débouchés en matière d'efficacité énergétique et de gains économiques. Par exemple, la plaque de plâtre, considérée comme la baguette de pain du BTP et utilisée pour construire ou rénover des cloisons, des faux plafonds ou des murs, constitue un levier de croissance très porteur.

« Avec Continental Building Products, nous avons doublé nos parts de marché sur le marché nord-américain de la plaque de plâtre et multiplié par 2,5 notre rentabilité. Et cela nous a permis de réduire le coût de transport puisque celui-ci est passé de 22% à 10% », a  expliqué cette semaine le directeur général de Saint-Gobain, Benoît Bazin, lors d'une présentation à la presse de l'usine de plaque de plâtre de Buchanan (Etat de New York).

Coleader mondial avec Sika sur la chimie de la construction

Les acquisitions, coup sur coup, de Chryso en France et de GCP Applied Technologies aux Etats-Unis, permettent, elles, au groupe tricolore d'obtenir « le co-leadership » avec le suisse Sika sur le marché mondial de la chimie de la construction, selon Benoît Bazin le patron de Saint-Gobain. Il s'agit des solutions qui vise à décarboner les matériaux de construction lourdement émetteurs de CO2, dans un contexte où les réglementations environnementales nationales obligent les professionnels à choisir des solutions bâtimentaires compatibles avec la lutte contre le dérèglement climatique.

C'est en ce sens qu'il faut interpréter l'achat de Kaycan, numéro 1 du bardage, ce revêtement de façade en aluminium, bois, composite ou vinyle, et alternative aux matériaux traditionnels type béton ou brique. Cette stratégie d'achats écologiques au service du groupe devrait d'ailleurs se poursuivre outre-Atlantique. Interrogé par La Tribune, le directeur général de Saint-Gobain en Amérique du Nord, Mark Rayfield, explique que le deuxième plan de décentralisation « Grow & Impact », lui a permis de devenir un leader à domicile et au niveau mondial.

« Il a toute la confiance de l'équipe et je suis déjà venu deux fois à son comité directeur », témoigne le DG Benoit Bazin, dont tout projet supérieur ou égal à 200 millions d'euros doit être validé par le conseil d'administration de la maison-mère.

Qui tirera la croissance de Saint-Gobain demain ?

Outre l'Amérique du Nord qui devrait représenter 25% de son chiffre d'affaires en 2030 contre 13% en 2018, l'Europe de l'Ouest continuera de jouer un rôle prépondérant dans les résultats de Saint-Gobain. De 67% il y a quatre ans, sa part devrait se stabiliser à 50% d'ici à huit ans. Le Vieux continent compte certes plus d'habitants - 426 millions contre 370 millions de Nord-Américains - mais avec un PIB mondial espéré à 19%, elle représentera moins que les 24% prévus pour l'Amérique du Nord.

Les pays émergents, qui pesaient, eux, 20% de la croissance de Saint-Gobain en 2018, en incarneront près de 25% en 2030. Avec 7 milliards d'habitants sur 8 à l'échelle du globe, leur part de PIB mondial attendue devrait être de l'ordre de 57%. « Dans les pays émergents, nos solutions n'arrivent aujourd'hui qu'en deuxième ou troisième position », explique le directeur général de Saint-Gobain.

Par exemple, la Chine ne représente que 3 à 3,5% de son chiffre d'affaires. « Nous ne voulons pas y faire 20% pour des raisons géostratégiques évidentes », ajoute Benoît Bazin. Il n'y a pas non plus d'acteur important, ni d'acquisition envisagée dans ce pays, conclut le patron.

César Armand

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