"J'avais le projet de refonder le modèle de management d'Air France" (Janaillac)

Dans un entretien accordé à quelques journalistes, le Pdg démissionnaire d'Air France-KLM explique qu'il avait préparé un projet de réorganisation d'Air France pour la rendre plus agile. Il explique aussi les grands défis auxquels va être confronté le groupe.
Fabrice Gliszczynski
Sur le départ, Jean-Marc Janaillac n'exprime aucun regret d'avoir lancé ce référendum sur la question salariale chez Air France-KLM.

Clap de fin pour Jean-Marc Janaillac. Moins de deux ans après son arrivée à la tête d'Air France-KLM, il a démissionné ce mardi 15 mai à l'issue de l'assemblée générale des actionnaires au cours de laquelle il a passé le témoin à Anne-Marie Couderc, nommée par le conseil d'administration pour assurer la présidence non exécutive par intérim du groupe (et d'Air France), le temps de trouver un nouveau patron. Le conseil a confié les manettes opérationnelles à un collège de trois directeurs généraux, Franck Terner, le DG d'Air France, Pieter Elbers, le président du directoire de KLM et Frédéric Gagey, le directeur financier d'Air France-KLM.

Pas de regret sur le référendum

Dans un entretien réalisé peu avant l'assemblée générale avec quelques journalistes, Jean-Marc Janaillac n'exprime aucun regret d'avoir lancé ce référendum sur la question salariale ("il fallait créer un choc", "la situation était bloquée, on n'avait pas les moyens de céder", "on n'allait pas pas laisser pourrir la situation, les équipes étaient épuisées"), ni d'avoir mis sa démission dans la balance dans la mesure où il était difficile de faire autrement. Après coup, ce quitte ou double a permis selon lui d'éviter un grand nombre d'abstentions et "un résultat encore pire".

"Les gens n'ont pas répondu à la question"

Pour Jean-Marc Janaillac, la large victoire du "non" à sa proposition d'augmentation salariale (+2% en 2018 et +5% de 2019 et 2021, hors augmentations individuelles, avancement automatique lié à l'ancienneté...) n'est pas un rejet à sa proposition salariale mais traduit au contraire un profond malaise plus large.

« Clairement, les gens n'ont pas répondu à la question. Ils ont exprimé leur frustration, leurs attentes avec des motifs complètement différents les uns des autres. Comme tout le monde disait que le "oui" allait l'emporter, voter "non" pouvait donner l'impression qu'il n'y avait pas de conséquence, et que l'on pouvait se défouler et exprimer un mécontentement qui ne concernait pas forcément la proposition salariale, mais qui touchait les conditions de travail et un mal-être par rapport aux métiers qui changent", assure-t-il.

Une organisation administrative

Pour Jean-Marc Janaillac, les événements récents à Air France montrent la nécessité de "refonder plus vite et plus profondément" la compagnie en revoyant notamment "son modèle d'organisation et son modèle de management", qui fonctionne trop souvent encore "comme une entreprise publique, très verticale et très administrative, avec de grands silos"Ce phénomène s'observe "plutôt au siège, dans les services centraux, les finances, les RH, la direction des opérations aériennes, tous les back offices administratifs, là  il n'y a pas eu assez d'évolutions en termes d'organisation, de management (...), de relations sociales, de relations entre les équipes et  à l'intérieur des équipes".

"Si le "oui" l'avait emporté, nous avions le projet que nous comptions lancer très vite, de refonder l'organisation et le modèle de management d'Air France", ajoute-t-il.

Problème d'identité

Jean-Marc Janaillac pointe également du doigt "un problème d'identité à Air France" et a regretté de ne pas avoir suffisamment insisté sur cet "aspect culturel" avec des salariés qui peinent à comprendre la place et le rôle de leur compagnie.

"Avec d'un côté le groupe et les alliances, et de l'autre Transavia et Joon, le rôle d'Air France, sa spécificité et son identité interrogent ", fait-il remarquer.

Pour Jean-Marc Janaillac, tout cela a formé "un terreau de mal-être sur lequel ont prospéré des revendications salariales complètement irréalistes", mais aussi les stratégies de certains syndicats à l'approche des élections professionnelles l'an prochain qui mettront en œuvre de nouvelles règles de représentativité.

"Il y a eu du côté des syndicats plus de préoccupations liées à leur boutique et leur territoire plutôt qu'à l'intérêt général", assure Jean-Marc Janaillac. Mais il est conscient de la part de responsabilité de la direction dans la constitution de ce terreau d'inquiétudes sans qui rien n'aurait pu prospérer, ajoute-t-il, en regrettant néanmoins "des coups en dessous de la ceinture" portés par des syndicats.

Lire aussi : Air France, le PDG vide son sac avant de partir et fustige le SNPL

Les hubs menacés

Avec cette réorganisation, son successeur a déjà un chantier devant lui. Il y en a d'autres. Celui de retrouver la cohésion sociale évidemment, ou d'améliorer la compétitivité non seulement d'Air France mais aussi de l'environnement fiscal et social dans lequel évolue la compagnie. Il demande à l'État de baisser le boulet fiscal et social qui pénalise Air France.

Sur le plan opérationnel, Jean-Marc Janaillac relève plusieurs défis. Notamment celui du low-cost long-courrier et celui de la menace que font peser sur les hubs d'Amsterdam et de Roissy les nouveaux modes de correspondances, dit de « self connecting » développés par les compagnies à bas coûts, comme Easyjet, avec soit des compagnies low-cost long-courriers, soit des compagnies traditionnelles.

Autre nécessité à ses yeux la « taille critique », alors qu'Air France-KLM reste pour l'heure à l'écart du mouvement de consolidation en cours en Europe, contrairement à Lufthansa et IAG.

Enfin, Jean-Marc Janaillac pousse à un développement de Transavia en allant largement au-delà de 40 avions. Pour cela il faut un accord avec le syndicat national des pilotes de ligne. « Le modèle low-cost en Europe est en train de devenir le modèle dominant ». Il représente 52% du marché intra-européen.

Lire ici : Pourquoi les autres compagnies font moins grève

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 22
à écrit le 18/05/2018 à 9:30
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Bref, en deux mots. Tous les précédents PDG d'Air France à part Christian Blanc qui a été débarqué par le Ministre communiste de l'époque ont été nuls. Aucun d'entre eux n'ont eux la réelle volonté politique (ou les mains libres) de réellement réf...

à écrit le 17/05/2018 à 20:13
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c'est remarquable tout ce qu'il aurait pu faire si on lui en avait laissé le temps ! Par contre il a pu reflechir et sortir une analyse qui existe depuis des années............

à écrit le 17/05/2018 à 17:03
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Avec le SNPL aucune réforme n'est possible. AF va simplement s'éteindre à petit feu et finir comme Alitalia. Non pas en faillite mais racheté et devenant une petite filiale d'une grand groupe international. D'ailleurs je m'étonne que Lufthansa ne...

à écrit le 17/05/2018 à 9:43
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Comment un gouvernement de gens qui devraient être sensés , ou font croire qu'il le sont amène à des stupidités pareilles ,tout cet argent perdu ,depuis le début des conflits :Sncf ,Air France ,Zad etc, ça fait beaucoup pour se faire "mousser" . ...

à écrit le 17/05/2018 à 7:44
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Le problème à AIRFRANCE, comme à la SNCF, est lié à l'imputation des charges sociales sur les salaires. Il faut les répartir sur le travail et sur l'énergie. Voir la note n°6 du CAE. Il n'y a pas d'autres solutions.

à écrit le 16/05/2018 à 20:26
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Qui donc a dit : le silence est d'or ? Certainement pas ce Monsieur .

le 16/05/2018 à 22:43
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Je l'encourage à Tout Réveler D'AIR GREVE, parun LIVRE, ( comme le CEMA Pierre De Villiers.)

le 16/05/2018 à 22:44
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Je l'encourage à Tout Révéler D'AIR GREVE, par un LIVRE, ( comme le CEMA Pierre De Villiers.)

le 17/05/2018 à 1:36
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Même le plus mauvais des pdg n'oublie jamais de servir les intérêts des actionnaires à chaque instant dans chacune de ses interventions. Je pense qu'il ferait mieux de simplement se taire. Il a été grassement payé et a lamentablement échoué dan...

le 17/05/2018 à 9:36
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Pourquoi devrait il se taire? Des nantis syndicalisés à 250k€/an bloquent l'entreprise. Il est temps de reprendre la main.

le 17/05/2018 à 13:40
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Parce qu'à vouloir jouer les gros bras il est allé au conflit et a tout perdu! En matière de management il a été nul. Parce qu'il a une succession qui va devoir réussir là ou il a échoué. L'évocation de ses états d’âme n'apporte rien à air ...

à écrit le 16/05/2018 à 15:20
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Impossible tant que le 1er actionnaire Etat 14% ne dégage pas ET DE SUITE. C'est CA !! le moteur de grève des pilotes et pnc.

à écrit le 16/05/2018 à 13:17
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Que sont les réformes de Macron devenues ? Hormis des débats interminables, des horaires SNCF désormais fixés quasiment au jour le jour, un Etat qui n'a aucun courage dans le désastre programmé d'une compagnie telle qu' Air France sauf à y placer une...

à écrit le 16/05/2018 à 11:44
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Le gouvernement devrait mettre à l'étude, avec ses partenaires européens, un statut de "société européenne" que pourraient adopter les entreprises (dans un premier temps, uniquement les compagnies aériennes, mais ensuite, l'accès a ce statut pourrai...

le 16/05/2018 à 15:25
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Dans un secteur qui répond essentiellement à des besoins de transport au niveau mondial, donc de concurrence mondiale ? https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/tendanCiel_2018_03_N55.pdf https://donnees.banquemondiale.org/i...

à écrit le 16/05/2018 à 10:18
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AUCUNE action contre le racket de Aéroports de Paris (500 millions d'euros par an) qui rend la plate forme CDG la plus chère du monde, aucune action contre les charges monstrueuses supportées par la compagnie, les prix d'achat des Airbus supérieurs ...

le 16/05/2018 à 13:38
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Oui c’est bien connu chez AF, c’est toujours de la faute aux autres.... Mais pourquoi travaillent ils autant ??

le 17/05/2018 à 9:42
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Si on change les règles, il faut les changer pour tout le monde, et il me semble que ça ne ferait qu'adoucir la chute d'AF... Le problème c'est que l'héritage public ne permet pas à AF de devenir concurrentiel dans le marché actuel. Si on pense in...

le 17/05/2018 à 22:08
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@Ergo. Non, car la concurrence dans le secteur aérien est biaisée par des acteurs comme Emirates ou Qatar. Les américains l'ont bien compris en imposant leurs lois commerciales à ces compagnies qui se développent. Pourquoi pas nous? Oui, car l'hé...

à écrit le 16/05/2018 à 9:57
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En fait il avait l'intention de profiter de cette promotion inespérée et de dormir tranquillement en attendant l'heure de la retraite...

à écrit le 16/05/2018 à 9:07
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"les gens n'ont pas répondu à la question. Ils ont exprimé leur frustration" Si cela peut rassurer M Jean-Marc Janaillac, ce n,'est malheureusement pas le seul domaine ou les gens votent "contre" quelque chose ou quelqu'un. Le contre quoi ? n’étant ...

le 16/05/2018 à 9:44
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Discernement ou pas, il est trop tard pour Air France. Game is over ! La concurrence ne les a pas attendus et surtout depuis un mois met les bouchées doubles pour les précipiter dans le trou. Il faut arrêter de rêver et croire que le temps est susp...

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