Eparpillé façon puzzle, le Macron ?

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. C'est qui le patron, maintenant... ? On serait bien en peine de le dire, avec un pouvoir minoritaire sans cap clair ni boussole. Les Français l'ont voulu, mais ils attendent maintenant que la culture du compromis fasse sortir la chambre des députés du blocage. Méthode douce ou méthode forte ? A suivre.
Philippe Mabille
(Crédits : POOL)

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Là, « on entre dans le bizarre », aurait dit selon Libération Emmanuel Macron dimanche dernier après avoir eu confirmation de sa défaite aux législatives : le « bizarre » en question étant en fait une appropriation dans le champ de la politique d'un dialogue bien connu de Michel Audiard où les Tontons Flingueurs se « risquent sur le bizarre », un alcool où « il n'y a pas que de la pomme » : « il faut reconnaître, c'est du brutal » s'étouffe Bernard Blier... Le même qui, pour se venger de l'oncle Lino Ventura, aura aussi cette autre réplique fameuse : « on va le trouver éparpillé façon puzzle, il connaît pas Raoul » !

Eparpillé façon Puzzle, c'est un peu ce qui arrive à Emmanuel Macron : il n'a pas vraiment perdu - il a été réélu, mais sans chèque en blanc - ni vraiment gagné -il lui manque tout de même 44 députés pour avoir la majorité absolue de 289 sièges ! Mais il se retrouve otage du jeu des partis, avec une majorité relative coincée entre 89 députés RN et presque autant d'Insoumis.

Une défaite, quelle défaite ? Mercredi soir, dans une allocution de 8 minutes chrono dans laquelle il ne cite pas sa Première ministre Elisabeth Borne, le Président pratique habilement la prise de judo, donnant 48 heures aux oppositions, dont il a reçu les ténors à l'Elysée, pour faire des propositions constructives et l'aider à sortir du blocage politique. Une inversion de l'ordre des facteurs habile, mais pour l'heure, infructueuse. Un désaveu unique dans l'histoire politique de la Cinquième République, « le roi est nu », écrit notre chroniqueur Marc Endeweld et la situation semble bloquée.

Alors que Macron exclut tout gouvernement d'Union nationale, aucune coalition ou majorité ne semble poindre à l'horizon. Du coup, « il faudra bâtir des compromis, des enrichissements, des amendements, mais le faire en toute transparence, à ciel ouvert si je puis dire, dans une volonté d'union et d'action pour la nation », a déclaré le président de la République dans son allocution télévisée« Pour avancer utilement, il revient maintenant aux groupes politiques de dire en toute transparence jusqu'où ils sont prêts à aller ». Tout se passe comme si le chef de l'Etat avait pris son parti de la situation et renvoyait aux « groupes politiques » la responsabilité d'une paralysie de l'action. Au risque de l'impuissance ? Macron ne se voit pas en roi fainéant, mais prêt à prendre à parti l'opinion sur les causes de l'impossibilité d'agir. C'est qui le patron ici ? Celui qui a le pouvoir de dissoudre ? Ou celui qui a l'intelligence de faire des compromis ? « La France sait faire des compromis y compris votre serviteur », assure Emmanuel Macron. On l'attend désormais à pied d'oeuvre.

« Le régime des partis, c'est la pagaille » a dit le fondateur de la Vème République à propos de la IVème. CQFD : mettre tel un De Gaulle le feu au parlementarisme débridé, c'est l'option « brutale ». Mais d'un autre côté, les partis auront beau jeu de dénoncer la duplicité d'un président qui voudrait imposer au pays un projet sans cap clair qui a rassemblé une majorité contre lui. Il n'y a pas de « majorité alternative », chante-t-on dans les rangs d'Ensemble.

Au final, et même si la situation de blocage inquiète à l'étranger, on remarque plus la fin d'une exception, le fait majoritaire et la culture monarchiste, et une France qui rejoint le lot commun des démocraties : un parlementarisme qui oblige les forces politiques à se parler. Ce qui manque cruellement au paysage français tel qu'il ressort de près d'un an d'une campagne électorale sans honneur, où personne n'a vraiment brillé. Il est plus que temps qu'Emmanuel Macron redescende de son Elysée et dise clairement où il veut emmener le pays pour savoir qui acceptera de monter dans sa Blablacar faire un peu de covoiturage avec lui. Après tout, quand on appelle sa majorité Ensemble, c'est l'occasion de le démontrer.

Pour en sortir, il faut se préparer à bien des surprises : majorité d'action au cas par cas, avec la gauche ici, avec la droite là ? Pas très glorieux. Ou coalition à l'allemande, Orange et bleu, associant Ensemble et LR, faisant du micro-parti Horizons d'Édouard Philippe, associé au Modem de Bayrou le nouveau pivot central du pouvoir... L'élu de Pau, Commissaire au Plan, qui se rêve depuis 2017 en vice-Président, ne cesse de répéter qu'il faut mettre un « profil politique » à Matignon : lui... Pour Macron, ce serait le moment cardinal de Retz, qui a prévenu : « on ne sort de l'ambiguïté qu'à ses dépens ».

Une chose semble sûre : avec la flambée de l'inflation et des prix des carburants, les Français, notamment les plus modestes, qui s'apprêtent à partir en vacances, ne vont pas rester sans voix en cas de paralysie à l'Assemblée. Si 7 Français sur 10 se disent satisfaits que le chef de l'Etat n'ait pas de majorité, ce qui va l'obliger à des compromis, les Gilets Jaunes attendent des actes rapides sur le pouvoir d'achat.

Il faudra définir des priorités  et la première ne fait pas de doute, quand l'Insee prévient que la hausse des prix atteindra +5,5% en moyenne en 2022 entraînant une perte de 1% du pouvoir d'achat. « Les urgences des travailleurs ne doivent pas souffrir de la situation politique » a dit Laurent Berger, tout en répétant l'opposition de la CFDT au report à 65 ans de l'âge du départ à la retraite, qui semble sombrer avec la majorité perdue, écrit Fanny Guinochet.

Tic-tac, tic-tac, pendant ce temps-là, le compteur de la dette tourne. La dette publique a encore progressé au premier trimestre 2022 et frôle désormais les 3000 milliards d'euros et ceux qui comptent sur l'inflation pour la faire disparaître par magie se font des illusions.

L'été s'annonce donc orageux, entre reprise épidémique avec un Covid en embuscade et l'épée de Damoclès d'une guerre en Ukraine aux conséquences de plus en plus douloureuses. L'Allemagne se prépare à manquer de gaz et la France établit un plan d'action pour éviter une pénurie cet hiver.

Signe de craquements dans la transition écologique, dont Bruxelles fixe le tempo, l'industrie automobile italienne dit tout haut ce que toute l'auto européenne pense tout bas. La fin du moteur thermique en 2035 est trop brutale pour être réalisée sans casse sociale et les italiens réclame un report à ... 2040. Un sommet européen doit statuer d'ici la semaine prochaine sur le texte adopté par le Parlement interdisant la vente de voitures thermiques neuves à partir de 2035. Outre l'Italie, plusieurs pays veulent un report de l'agenda à 2040. Même l'Allemagne, jusqu'ici soutien de poids à la date de 2035, semble hésiter...

Philippe Mabille

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Commentaires 7
à écrit le 25/06/2022 à 21:37
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Étonnant de voir de nombreuses plaintes subites et presque concomitantes sur à peu près le même sujet : une plainte pour un ministre un jour, deux plaintes pour une ministre un autre jour, des plaintes dans 3 grandes écoles le sur-lendemain. Attentio...

à écrit le 25/06/2022 à 16:18
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Il y a certainement beaucoup de choses à améliorer au niveau de l’Etat avant de recourir à la confection d’une loi dont le vote devient incertain vue la configuration de l’Assemblee !! Alors que l’on se retrousse les manches et que l’on s’y mette d’u...

le 26/06/2022 à 9:13
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la france d'abord et en suite encore la france et pour le reste l'europe non m macron pas l'europe puis la mondialisation et enfin la france voila le decalage entre les francais et vous nous avons un pays qui ne survit que grace aux autres nou...

à écrit le 25/06/2022 à 14:32
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Les supputations continuent...J'avais presque envie d'écrire les suppurations ( nauseabondes) continuent. Il va y avoir un problème ? Il y a toujours des problèmes! Le Monde ne s'est jamais arrêté de tourner pour autant. Spéculer sur l'avenir, ce qui...

à écrit le 25/06/2022 à 11:36
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Il va devoir sortir du bois et faire alliance sans surprise avec la droite le président des riches... Fin de l'illusion ni de gauche ni de droite bien au contraire...

à écrit le 25/06/2022 à 10:49
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Le seul blocage c'est le bouchon au sommet de la bouteille, faites le sauter!;-)

à écrit le 25/06/2022 à 10:36
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Et lulu la polonaise qui en buvait au p'tit déjeuner... hé !

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