Sistafund I, un fonds de 30 millions d'euros pour investir dans les startups dirigées par des femmes

Le collectif Sista, qui œuvre pour une plus grande parité entre hommes et femmes à la tête des startups, lance son fonds d'investissement baptisé Sistafund I. Financé par des noms prestigieux de l'écosystème et des grands groupes, il prévoit d'investir dans les premières levées de startups dirigées, ou co-dirigées, par des femmes, avec des participations allant jusqu'à trois millions d'euros. Pour l'instant doté de 30 millions d'euros, Sistafund espère récolter trois fois plus de financement, pour atteindre les 100 millions d'euros.
François Manens
Les équipes dirigeantes 100% féminines restent rares dans l'univers des startups. Elles sont aussi 4,3 fois moins financées que les équipes masculines.
Les équipes dirigeantes 100% féminines restent rares dans l'univers des startups. Elles sont aussi 4,3 fois moins financées que les équipes masculines. (Crédits : DR)

C'est l'heure de l'action concrète. Après presque quatre ans passés à promouvoir un meilleur financement des startups fondées ou co-fondées par des femmes au travers d'initiatives diverses (charte, baromètre annuel, réunions...), le collectif Sista passe à la vitesse supérieure. Il va lui-même corriger une partie de l'inégalité de traitement entre hommes et femmes entrepreneurs, par le biais de son premier fonds d'investissement, Sistafund I. Co-créé avec l'accélérateur 50 Partners - dont Tatiana Jama, cofondatrice de Sista, est également cofondatrice - ce véhicule d'investissement va placer des tickets entre 250.000 et 3 millions d'euros dans des startups fondées par des femmes ou des équipes paritaires. Concrètement, au moins 30% de la capitalisation doit être détenu par une femme.

A terme, Sistafund espère se doter d'une enveloppe totale de 100 millions d'euros, qu'il va investir dans des levées allant du pré-amorçage (lorsque la startup cherche encore à définir son marché final) à la série A (son entrée sur le marché). L'objectif mis en avant par le fond fait forcément écho à celui du collectif Sista : accélérer l'émergence d'une génération paritaire d'entrepreneurs.

Accélérer vers la parité

Cette initiative tombe à point nommé, alors que l'avancée de la parité dans la French Tech semble patiner, avec pour preuve les résultats du dernier baromètre de Sista, réalisé en partenariat avec le BCG. Malgré une année 2021 record avec plus de 11,6 milliards d'euros levés (le double de l'année précédente), aucune startup dirigée uniquement par des femmes n'a réussi à récolter plus de 50 millions d'euros.

De l'autre côté du spectre, les startups dirigées uniquement par des hommes ont capté 88% des fonds levés. Résultat : aucune des licornes (startup non cotée en Bourse et valorisée au moins un milliard de dollars) de la la French Tech n'est dirigée ou codirigée par une femme. Seule la startup Innovafeed (élevage d'insectes), cofondée par Aude Guo et deux hommes, s'approche de ce statut, à la faveur d'une levée de 250 millions d'euros en septembre 2022.

Alors, certes, la part de dirigeantes financées augmente et les équipes mixtes s'en sortent de mieux en mieux, mais la nécessaire transformation de l'écosystème se fait très, très doucement. Si elle continue à ce rythme, la parité homme femme parmi les fondateurs de startups financés par le capital privé ne sera atteinte que... en 2055 !

Des équipes mixtes plutôt que le 100% féminin

Toujours selon le baromètre de Sista, la situation s'est aggravée en 2021 pour les équipes dirigeantes 100% féminines. Non seulement ce cas de figure reste rare - 8% contre 76% pour les équipes dirigeantes 100% masculines - mais elles sont surtout 4,3 fois moins financées que les équipes du genre opposé.

Dans le premier baromètre, en 2018, cet écart n'était « que » de 2,4 fois. « Le financement des équipes 100% féminines se dégrade », alertait la troisième édition de l'étude. Pourtant, dès 2019, Sista a fait signer à plus de 53 fonds français (soit presque tout l'écosystème à l'époque) une charte pointant du doigt leurs biais cognitifs à l'égard des femmes, et les engageant à davantage financer les équipes mixtes et féminines.

Mais si les investisseurs restent peu convaincus par les équipes 100% féminines, ils se laissent davantage séduire par les équipes mixtes. D'après le rapport, ces dernières sont privilégiées aux équipes 100% masculines. Désormais, 70% des femmes créent en équipe mixte. Les hommes, eux, ressentent beaucoup moins ce besoin. « Moins d'un fondateur sur cinq entreprend aujourd'hui avec une femme, même si cette fréquence a tout de même doublée depuis 2018 », notent les auteurs.

Encore 70 millions d'euros à trouver

Tatiana Jama a précisé aux Echos que le collectif recevait déjà 3.000 dossiers de candidatures au programme d'accompagnement offert par Sista. De quoi, selon elle, balayer l'argument du manque de dossiers agités par certains fonds de capital-risque pour expliquer le manque de parité dans leur portefeuille.

Sistafund va se concentrer sur quatre secteurs : la fintech, la healthtech, le SaaS (logiciel par abonnement), et les startups consumer (dont les produits ou services s'adressent au grand public). Un éventail de secteurs large, mais peu demandeur en capitaux, contrairement aux deep techs ou aux startups industrielles au centre du prochain plan d'investissement de l'Etat. Autrement dit, le fonds va miser là où son effet de levier sera le plus grand.

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Toujours d'après les Echos, le fonds n'a collecté que 30 millions d'euros lors de son premier tour de table, soit moins d'un tiers du montant espéré, 100 millions d'euros. Une preuve du relatif manque d'intérêt des investisseurs pour le sujet de la diversité. Mais au moins, Sista a réuni des noms prestigieux autour de lui, à la fois issu du monde des grandes entreprises - FDJ, BNP Paribas, L'Oréal - et de celui de la French Tech - Steve Anavi (Qonto), Céline Lazorthes (Leetchi, Resilience) ou encore Adrien Nussenbaum (Mirakl). Ce sera une des forces du fonds : il promet aux startups financées un accompagnement par des fondateurs et fondatrices de licorne de leur secteur. Mais est-ce que ce sera suffisant pour fédérer d'autres investisseurs autour du projet ?

François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 04/10/2022 à 18:12
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Bref ! Investir dans des intermédiaires et parasites sans se mouiller !! ;-)

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