La réforme d'Action Logement revue et corrigée par la Cour des Comptes

"Une gouvernance et une organisation à stabiliser", "une gestion financière et opérationnelle à rendre plus efficiente", "une mise en œuvre complexe de la participation des employeurs à l'effort de construction"... Dans un nouveau rapport sur Action Logement, publié ce 4 octobre 2021, la Cour des Comptes fait le bilan de la réforme lancé fin 2016 par l'organisme paritaire. Pour La Tribune, le premier producteur de logements neufs et premier bailleur social répond aux critiques.
César Armand
Bruno Arcadipane a été réélu président du conseil d'administration d'Action Logement le 30 septembre 2020.
Bruno Arcadipane a été réélu président du conseil d'administration d'Action Logement le 30 septembre 2020. (Crédits : DR)

Et de cinq ! Après quatre premiers rapports signés par l'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), la Cour des Comptes (déjà...), l'Inspection générale des Finances et le Medef, Action Logement, premier producteur de logements neufs et premier bailleur social, fait l'objet, ce 4 octobre, d'une nouvelle publication des magistrats de la rue Cambon baptisé « un premier bilan de la réforme ».

1,7 milliard d'euros de participation employeur en 2020

Âgé de 68 ans, l'organisme paritaire administré par les syndicats et le patronat reste en effet un objet politico-économique unique. Fort de 18.000 salariés et de cinquante opérateurs déployés en France métropolitaine et en Outre-Mer, il articule les besoins des entreprises et les demandes des salariés grâce à la participation des employeurs à l'effort de construction, la PEEC.

Ex-1% Logement, l'organisation a été instaurée par les partenaires sociaux en 1953 pour répondre aux difficultés de logement des salariés, mais la participation « ne représente plus que 0,45% de la masse salariale, soit en 2020, une contribution obligatoire de 1,7 milliard d'euros acquittée par les entreprises de plus de 50 salariés », souligne la Cour des Comptes.

Des objectifs « partiellement atteints »

Si la réforme de 2016 a « atteint son objectif de mettre fin à la concurrence entre les comités interprofessionnels du logement », en créant Action Logement Groupe, le second objectif visant à articuler une gouvernance paritaire sur le plan national et un dialogue social mené dans les territoires « n'a été que partiellement atteint », relèvent les magistrats de la rue Cambon.

« Nous avons lu avec la plus grande attention le rapport de la Cour des Comptes, mais nous l'avons totalement anticipé en créant une direction de la gouvernance et des territoires », affirme-t-on chez Action Logement.

La Cour estime également que l'actionnaire unique, Action Logement Groupe, « n'est pas encore parvenu à atteindre une gouvernance stable et équilibrée entre l'autonomie des filiales et la nécessité d'un pilotage efficace de l'ensemble ».

« Cette situation a entraîné des divergences entre les orientations stratégiques fixées par le groupe et leur mise en œuvre par les filiales, et maintient l'organisation dans un manque de clarté », ajoute-t-elle.

Les observations des magistrats de la rue Cambon portent sur la période 2017-2020, rétorque-t-on chez Action Logement, insistant sur la nomination d'une nouvelle directrice générale, Nadia Bouyer, le 1er décembre dernier.

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L'un des objectifs « majeurs » de la réforme de 2016 était par ailleurs la réduction des coûts de 10%, souligne la Cour des Comptes. Un objectif qui « n'a pas été atteint à cause notamment de la difficulté de maîtriser la masse salariale, en dépit d'une réduction des effectifs ».

De la même façon qu'elle considère que « la collecte et l'emploi de la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec) sont caractérisés par une instabilité marquée ». « Le suivi d'exécution de ces conventions reste insuffisant » et nécessiterait des indicateurs « qui gagneraient à être intégrés et suivis plus sérieusement ».

Une mise en oeuvre  « inégalement et globalement décevante »

Les magistrats de la rue Cambon se penchent aussi sur le plan d'investissement de 9 milliards d'euros lancé en 2019 pour faciliter la production de logements, améliorer le confort de l'existant et promouvoir la mobilité dans leur parc immobilier de près d'un million d'habitats.

Ils jugent que la mise en œuvre a été « inégale et globalement décevante, en partie seulement en raison de la crise sanitaire ; son redéploiement dans le cadre du plan de relance de l'Etat a été décidé en 2021 avec pour but de corriger ces faiblesses d'exécution ».

Action Logement s'en défend, assurant que près de 3 milliards d'euros ont été « redéployés en faveur de la politique nationale du logement ». Dans le détail, 1,17 milliard d'euros ont été « mobilisés » en février 2021 pour concourir à l'objectif de produire 250.000 logements sociaux d'ici à fin 2022. Ainsi que 1,4 milliard d'euros pour l'Agence de rénovation urbaine (ANRU) en juillet dernier.

Sans oublier l'extension à de nouveaux publics de la garantie loyer impayé baptisée « Visale » ou encore cet automne, le versement d'une aide de 10.000 euros à 20.000 salariés pour accéder à la propriété.

« Le temps passe et les vérités apparaissent. Finis les rapports à charge. Aujourd'hui, la structure du groupe est rodée et organisée et, malgré ses soi-disant défauts, elle a fait la preuve de son fonctionnement », déclarait, le 30 juin dernier, le président d'Action Logement, Bruno Arcadipane à La Tribune.

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Mi-juillet, l'organisme paritaire a en outre accepté la demande du gouvernement d'installer un comité des partenaires, de confier la présidence du comité de déontologie à une personnalité extérieure et d'instaurer un comité d'orientation politique du groupe où échangeront les partenaires sociaux « sans empiéter sur les prérogatives » des différents conseils d'administration.

4 scénarios sur la table avant un 3ème rapport en... 2023 ?

Enfin, tout en saluant l'ex-1% Logement comme « un outil de financement central des politiques de logement » [1 milliard d'euros pour le plan France Relance, Ndlr], la Cour des Comptes prévient : « si les négociations en cours depuis l'automne 2020 entre l'Etat et la direction du groupe ne débouchaient pas sur des progrès significatifs, la Cour des Comptes propose quatre scénarios ».

 « Privilégié par la nouvelle direction du groupe », le premier scénario maintiendrait les structures du groupe sans changement, mais « clarifierait » le modèle de gouvernance et l'équilibre des pouvoirs entre le siège et les filiales. Le second recentrerait, lui, la filiale Action Logement Services sur des missions de service aux salariés dans le domaine du logement avec « une part prépondérante de subventions ou de garanties dans ses interventions ». Le troisième consisterait à « mettre fin à l'unité du groupe » en transformant Action Logement Services et Action Logement Immobilier, opérateur de construction, en « deux sociétés indépendantes ». Suivant cette logique, le quatrième scénario conduirait à « supprimer la Peec », la participation des employeurs à l'effort de construction.

Sans attendre tel ou tel arbitrage, Action Logement revendique, de son côté, avoir délivré, au 31 août 2021, 640.000 aides et services aux particuliers d'un montant total de 5,8 milliards d'euros, et même 10 milliards d'euros en comptant les financements apportés aux bailleurs sociaux.

« Sans exclure aucun scénario », les magistrats de la rue Cambon se proposent, eux, « d'établir un nouveau rapport et de le présenter au Parlement en 2023 ». Autrement dit, à l'adresse d'une Assemblée nationale renouvelée après les élections législatives de l'été 2022 et d'un Sénat remodelé après les élections sénatoriales de l'automne 2023. Le tout après l'élection présidentielle.

César Armand

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