Dunkerque met les bouchées doubles pour décarboner son industrie

Technologies bas carbone, réseaux de chaleur, captation de CO2, fabrication d'hydrogène vert, recyclage et économie circulaire, etc. : en quelques années, le territoire de Dunkerque, qui aujourd'hui rejette 21 % des émissions industrielles de France, a vu naître de nombreuses initiatives pour la décarbonation. Reste désormais à mettre en place les conditions optimales, notamment d'accès aux nouvelles énergies vertes.
La production de 1 tonne d'acier émet aujourd'hui 1,8 tonne de CO2 dans l'atmosphère. Aujourd'hui, sur le site d'ArcelorMittal Dunkerque, ce sont (7 Mt x 1,8 Mt) 12,6 millions de tonnes de CO2 émises qui devront être réduites de -40% d'ici à 2030. Photo d'illustration : Un opérateur de coulée près d'un four de réchauffage dans une fonderie d'acier de l'aciérie Arcelor Mittal à Dunkerque, en France, le 4 février 2022.
La production de 1 tonne d'acier émet aujourd'hui 1,8 tonne de CO2 dans l'atmosphère. Aujourd'hui, sur le site d'ArcelorMittal Dunkerque, ce sont (7 Mt x 1,8 Mt) 12,6 millions de tonnes de CO2 émises qui devront être réduites de -40% d'ici à 2030. Photo d'illustration : Un opérateur de coulée près d'un four de réchauffage dans une fonderie d'acier de l'aciérie Arcelor Mittal à Dunkerque, en France, le 4 février 2022. (Crédits : Reuters)

Changer de paradigme. C'était le leitmotiv du « Collectif CO2 », créé il y a quatre ans à Dunkerque, avec pour ambition de créer le premier hub français dédié à la décarbonation industrielle et à l'hydrogène. En quatre ans, le territoire nordiste est passé des paroles aux actes, avec de multiples projets de décarbonation industrielle. Parmi les entreprises moteurs du mouvement, on trouve en première place, ArcelorMittal, numéro un mondial de l'acier et aussi, par la même occasion, premier émetteur de CO2 en France. Le sidérurgiste va mettre en place à Dunkerque une unité de réduction directe (DRI) pour transformer le minerai de fer avec de l'hydrogène, renonçant ainsi au charbon.

1,7 milliard d'euros pour réussir à fondre 1 million de tonnes d'acier bas carbone

À partir de 2027, la nouvelle installation sera couplée à un four électrique, pour un coût de 1,7 milliard d'euros, soutenu par le Plan de relance post-Covid 19.

« L'objectif est d'abaisser les émissions de -35% d'ici à 2030 et la neutralité en 2050, avec ce nouveau procédé de fabrication, mais également en recyclant de l'acier, en réintégrant les chutes de notre production et l'acier issu des filières de tri des déchets », souligne Alexandre Delabre, directeur de communication ArcelorMittal.

ArcelorMittal prévoit ainsi de produire 1 million de tonnes (Mt) d'acier bas carbone, sur les 7 millions de tonnes fondues chaque année à Dunkerque. Donc, sachant que la production de 1 tonne d'acier émet aujourd'hui 1,8 tonne de CO2 dans l'atmosphère, ce sont (7 Mt x 1,8 Mt) 12,6 millions de tonnes de CO2 émises qui devront être réduites de -40% d'ici à 2030.

« L'enjeu essentiel reste l'accès à l'énergie »

La concertation préalable pour alimenter le site en énergie a d'ailleurs débuté le 23 novembre, en partenariat avec RTE, pour le renforcement de l'alimentation électrique du site, et GRTgaz, pour son alimentation en gaz naturel.

« L'enjeu essentiel reste l'accès à l'énergie : une ligne de puissance de 400 mégawatts est d'ores et déjà prévue, mais nous aurons besoin de 1.000 mégawatts à terme, tout en ayant également accès à un gaz naturel et à de l'hydrogène à un tarif économique ».

Car c'est bien là le nœud du problème : la transition écologique et la décarbonation industrielle passeront par de nouvelles énergies, adaptées à la dimension de ces grandes industries.

En partenariat avec Engie et Infinium, ArcelorMittal est d'ailleurs partie prenante du projet « Reuze », du nom du géant protecteur de Dunkerque, une de ces grandes figurines typiques du carnaval nordiste. Le projet va permettre de produire, dès 2026, 100.000 tonnes de ces carburants de synthèse ultra bas carbone (e-kérosène, e-diesel ou naphte), utilisables dans le transport aérien ou maritime.

Un biocarburant fabriqué à partir du CO2 émis par le site

Ce biocarburant sera fabriqué à partir de CO2 justement émis par le site dunkerquois et d'hydrogène. D'un côté, Infinium capte 300.000 tonnes de CO2 sur le site de l'usine sidérurgique. De l'autre, Engie fournit de l'hydrogène vert grâce à un électrolyseur de 400 mégawatts.

« Reuze est un projet ambitieux d'une valeur de plus de 500 millions d'euros, une aubaine pour l'économie locale », souligne Engie, qui peut compter sur le soutien financier public (ADEME, Communauté urbaine de Dunkerque, Grand Port Maritime de Dunkerque, conseil régional des Hauts-de-France, État).

Pour parachever le réseau local d'approvisionnement, H2V59, une société industrielle de production d'hydrogène vert fabriquée à base d'énergie renouvelable, certifiée sans carbone, souhaite aujourd'hui implanter une usine de production dans le Nord, qui serait construite à Loon-Plage sur un terrain du Grand Port Maritime de Dunkerque. GRTgaz, de son côté, a lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour mettre en place une nouvelle infrastructure de transport d'hydrogène dans le territoire.

Besoin de 16 GWh pour équiper de batteries 300.000 véhicules

L'électricité est également l'objet de toutes les convoitises. D'autant que l'industriel Verkor a annoncé construire sa première gigafactory à Dunkerque. Sylvain Paineau, cofondateur en charge des projets du site Verkor, rappelle que cette première usine demandera une puissance de 16 gigawattheures, afin de produire de quoi équiper 300.000 véhicules par an, à partir de 2025.

Au large des côtes, un parc éolien en mer va être construit d'ici 2028-2029, afin d'apporter une puissance de 400 à 600 MW. Lequel parc sera complété par l'arrivée d'ici 2035 des deux nouveaux réacteurs nucléaires annoncés par Emmanuel Macron à la centrale de Gravelines.

Reste que la production de carbone ne s'arrêtera pas du jour au lendemain.

Les entreprises s'attèlent à mettre en place des systèmes de décarbonation innovants. Comme par exemple le projet H3 : Hoffman Green Ciment installera une unité de production de ciment décarboné d'une capacité de 250.000 tonnes par an, d'ici la fin de 2024. Cette nouvelle matière première se veut « zéro déchet, zéro rejet, zéro nuisance », sans utilisation de ressources naturelles et fabriquée à partir d'énergies renouvelables et d'écoproduits issus de circuits courts.

De leur côté, Eqiom et Air Liquide se sont associés dans un projet baptisé K6. Cette fois-ci, l'objectif est de transformer l'usine Eqiom de Lumbres, près de Saint-Omer, en l'une des premières cimenteries neutres en carbone d'Europe. Le tout grâce au four à oxy-combustion, le premier de son genre, en grande partie alimenté par des combustibles alternatifs (Air Liquide fournissant l'oxygène et Eqiom liquéfiant le CO2).

« Le projet vise à capter près de 8 millions de tonnes de CO2 sur les dix premières années d'exploitation, grâce à la mise en œuvre de technologies innovantes », souligne le communiqué.

K6 est par ailleurs un élément majeur dans le projet D'Artagnan, qui vise à créer une plateforme dunkerquoise d'exportation du CO2 et d'enfouissement étudiée en Mer du Nord, au large de la Norvège.

Économie circulaire et autoroute de la chaleur

La notion d'économie circulaire est évidemment au cœur du réacteur. Aluminium Dunkerque travaille lui aussi au recyclage d'aluminium, à partir de chutes d'aluminium ou de produits usagés, comme les canettes de boisson par exemple. Ce qui demande de gros investissements avec des fours spéciaux, mais aussi une chaîne de tri minutieuse, pour séparer par exemple l'aluminium des encres ou des colorants. L'usine de Gravelines espère ainsi sortir 15.000 à 20.000 tonnes d'aluminium grâce au recyclage, en supplément de ses 280.000 tonnes annuelles.

En plus de tous ces projets, l'association Pôlénergie construit une « autoroute de la chaleur » à Dunkerque, collaboration avec le groupement d'intérêt public Euraénergie.

L'objectif : récupérer la chaleur fatale de sites énergivores via un vaste réseau de vapeur, pour la distribuer à d'autres entreprises. Parmi les noms pressentis, on trouve de grands noms de la métallurgie et de la chimie installés dans le port : ArcelorMittal, encore et toujours, mais aussi Befesa, Comilog, Ferroglobe et Imerys.

À terme, cela pourrait représenter 425 gigawatt­heures par an, avec un réseau de 30 kilomètres, moyennant un investissement de 100 à 120 millions d'euros. De quoi éviter l'émission de 50.000 à 60.000 tonnes de CO2 par an. Les petits ruisseaux font les grandes rivières : pour rappel, le territoire dunkerquois rejette énormément de CO2, quelque 13,7 millions de tonnes de CO2 par an, soit 21 % des émissions industrielles de France.

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Commentaires 3
à écrit le 12/12/2022 à 9:09
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Bah, Manon Aubry ne peut pas se targuer de la moindre autorité morale. La gauche et l’extrême-gauche ont été pris tant de fois la main dans le pot de confiture… Ceux qui ont fait les malins sur le féminisme se sont tous fait arrêter. C’est peut-être ...

à écrit le 10/12/2022 à 12:35
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Madame, pourquoi ne penser qu'à l'allaitement au sein ?! Dans certains pays (Asie) les parents donnent du lait de soja ou d'amandes à leur bébé. Et ils n'en sortent pas moins bien. Mieux peut-être qu'en on constate le nombre de jeunes délinquants che...

à écrit le 10/12/2022 à 12:33
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Pourquoi essayer de récupérer des déchets ?! Il y a tant de magasins qui offrent des prix attractifs... et puis vous risquez d'attraper le tétanos.

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